Oubliée par l’Afrique, l’acuité de la crise en Haïti préoccupe le CS de l’ONU

Afriquinfos Editeur
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Genève (© 2022 Afriquinfos)- La situation humanitaire en Haïti est catastrophique. Depuis plusieurs semaines, trois crises «s’enchevêtrent de manière effrayante» dans le pays, a alerté lundi Helen La Lime, la Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations Unies pour Haïti.

Alors que le pays était déjà enclin aux violences, on note une recrudescence des manifestations, barrages routiers et des scènes de pillage depuis le 11 septembre, après l’annonce d’une hausse des prix du carburant par le Premier ministre Ariel Henry.

L’appel au calme et à l’appui de ses réformes lancé par le Premier ministre le 18 septembre, a été suivi du blocage du principal terminal de carburants de la capitale Port-au-Prince par une puissante alliance de gangs, entrainant depuis plus d’une semaine des pénuries graves dans tout le pays qui affectent en premier lieu le fonctionnement des trois quarts des hôpitaux du pays. Leur personnel ne peut plus se rendre au travail, l’approvisionnement en matériel et médicaments n’est plus assuré et le centre ambulancier national de Port-au-Prince ne peut plus, par exemple, utiliser que trois véhicules pour desservir toute la ville, a expliqué Mme La Lime, en présence de Valerie Guarnieri, Directrice adjointe du Programme alimentaire mondial (PAM), et de Ghada Waly, Directrice exécutive de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC),

« Au lieu du progrès que nous espérions et dont nous rêvions, aujourd’hui la situation en Haïti a malheureusement atteint un nouveau degré de désespoir« , a déclaré Valerie Guarnieri, dénonçant les attaques contre plusieurs entrepôts d’aide alimentaire du PAM, d’autres agences de l’ONU et d’ONG. « Nous estimons qu’au moins 6 millions de dollars d’aide humanitaire ont été perdus dans les attaques, ce qui aurait pu profiter à plus de 410.000 personnes dans le besoin« .

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Alors que le prix du panier alimentaire moyen a grimpé de 52% en un an, « nous nous attendons à ce que la sécurité alimentaire se détériore encore cette année, dépassant le record de 4,5 millions de personnes en niveau d’insécurité alimentaire de crise ou pire, dont 1,3 million en situation d’urgence« , a-t-elle ajouté. « Une crise économique, une crise des gangs et une crise politique ont convergé pour créer une catastrophe humanitaire« , a commenté l’émissaire de l’ONU en Haïti, Helen La Lime.

L’annonce d’un retour au calme

Faute de carburant, le parc industriel de Caracol, le plus important, a annoncé « l’arrêt de ses opérations, ce qui pourrait faire perdre 12.000 emplois« , a alerté le ministre haïtien des Affaires étrangères, Jean Victor Geneus, notant que des entreprises privées menacent de quitter le pays et que la rentrée des classes déjà reportée au 3 octobre « est hypothétique« .

 Il a toutefois assuré que la situation est désormais « globalement sous contrôle« , avec un calme « revenu dans plusieurs parties du pays« . Pourtant encore lundi, selon la presse locale, des locaux du ministère de l’Economie ont été saccagés et incendiés dans la ville des Gonaïves. Le ministre précité a réclamé un « accompagnement robuste » de la communauté internationale pour soutenir la police haïtienne contre les bandes armées.

En juillet dernier, le Conseil de sécurité avait adopté une résolution demandant aux Etats membres de l’ONU d’interdire le transfert d’armes légères aux gangs sévissant en Haïti, sans aller jusqu’à décider d’un embargo réclamé par la Chine. « Il est nécessaire de transformer cette mesure volontaire en mesure obligatoire« , a plaidé à nouveau lundi l’ambassadeur chinois Geng Shuang.

Les Etats-Unis et le Mexique qui avaient rédigé la résolution de juillet, travaillent sur un nouveau texte « pour permettre au Conseil de sécurité de répondre aux nombreux défis auxquels fait face le peuple haïtien« , a indiqué l’ambassadeur américain Jeffrey DeLaurentis. « Nous avons le devoir de redoubler d’efforts pour aider Haïti« .

« Si la violence des gangs n’est pas stoppée, il ne sera pas possible de stabiliser le pays« , a ajouté l’ambassadeur mexicain Juan Ramon de la Fuente.

L’ONU estime qu' »au moins 1,5 million de personnes ont été directement impactées par les récentes violences des gangs« , a informé Helen La Lime. « Avec les violences basées sur le genre, et en particulier le viol, utilisées de façon systématique« . Les différentes crises dans ce pays ont entrainé la fuite de 20.000 personnes, aggravant une crise économique qui étrangle le pays.

Vignikpo Akpéné