La mort de l’ambassadeur américain à Benghazi montre qu’il est temps pour les Etats-Unis de repenser leur politique

Afriquinfos Editeur
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En surface, ces attaques ont été déclenchées par un film produit aux Etats-Unis, qui "insulte Mahomet", le prophète de l'Islam. Cependant, des causes plus profondes peuvent être dégagées, qui mettent en lumière les failles de la stratégie américaine au Moyen-Orient, et soulignent la nécessité pour Washington de repenser sa politique dans la région.

Autant la Libye que l'Egypte ont été l'an dernier le théâtre de soulèvements politiques de grande envergure, dans lesquels les Etats-Unis ont joué un rôle crucial. Cependant, nombre d'Egyptiens et de Libyens ne semblent guère reconnaissants envers les Américains, et les récentes attaques ont même révélé un profond ressentiment à leur égard ; on est de fait en droit de s'interroger sur les causes exactes de ce ressentiment.

Avant tout, les Etats-Unis s'efforcent depuis plusieurs décennies déjà d'établir leur hégémonie au Moyen-Orient, et les peuples de la région en ont assez de cette "arrogance américaine".

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Il y a quelques années, les Etats-Unis ont lancé leur "guerre contre le terrorisme", plongeant l'Irak dans un chaos sanglant, et provoquant des milliers de morts et de réfugiés.

En dépit de leur rhétorique, les Etats-Unis ont échoué à amener la prospérité dans la région, et les habitants du Moyen-Orient continuent à vivre dans des conditions économiques et sécuritaires très difficiles.

L'Irak est ainsi toujours en proie aux attentats, aux conflits confessionnels et à la résurgence d'Al-Qaïda, et le processus de reconstruction semble s'éterniser.

Deuxièmement, les récentes attaques ont porté un grand coup aux plans américains, qui espèrent depuis des décennies mettre en place une coalition de pays amis dans la région, afin de renverser les gouvernements auxquels ils sont opposés, comme l'Iran et la Syrie.

A cette fin, les Etats-Unis et leurs alliés n'ont cessé d'appeler à des changements de régimes dans la régime, au nom de la démocratie. Mais la région reste volatile, et la coalition régionale s'affaiblit au lieu de se renforcer.

Il y a peu, la secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton s'est rendue au Moyen-Orient, espérant pouvoir refermer les failles apparues dans les relations entre les Etats-Unis et les pays de la région ; elle n'a cependant rencontré que des protestations sur son passage, et les récentes attaques ont une fois de plus démontré l'impopularité des Américains dans la région.

Troisièmement, l'attitude partiale des Etats-Unis envers Israël a, au fil des années, créé une haine générale à leur égard à travers le monde arabe, minant de l'intérieur les fondements de la stratégie américaine au Moyen-Orient.

En outre, le jeu des forces politiques a progressivement changé dans la région, en raison notamment d'une montée des forces religieuses au Moyen-Orient, qui semble de bien mauvais augure pour les Etats-Unis.

Quatrièmement, le manque d'initiative dont les Etats-Unis ont fait preuve pour relancer le processus de paix au Moyen-Orient n'a fait qu'ajouter à leur rejet par les peuples de la région.

Le monde nourrissait de grands espoirs pour le processus de paix lorsque le président américain Barack Obama a pris ses fonctions. Mais au cours des quatre années de sa présidence, aucun progrès substantiel n'a été accompli dans ce domaine.

Enfin, les Etats-Unis semblent incapables de résoudre le problème plus général de la différence culturelle. Malgré plusieurs décennies d'engagement dans la région, le fossé culturel semble en effet s'être creusé, et non réduit.

Selon les médias, outre leur colère envers le film américain controversé, les manifestants de Benghazi et du Caire ont affirmé qu'ils "manifestaient contre les attitudes anti-islamiques aux Etats-Unis".

En somme, ces attaques devraient être l'occasion pour Washington de se mettre à repenser sa politique au Moyen-Orient, sous peine de s'enfoncer dans une impasse dans la région.