Maroc : les convertis au christianisme sortent de l’ombre

Afriquinfos
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Agadir (© Afriquinfos 2017)-Vivant dans l’illégalité, pratiquant leur culte dans la clandestinité, les Marocains convertis au christianisme revendiquent désormais leur droit de vivre leur foi au grand jour, dans une société majoritairement musulmane où la question reste taboue et l’apostasie réprouvée.

Dans un appartement d’un quartier populaire d’Agadir (sud), des hymnes liturgiques jaillissent d’une chaîne hi-fi sous un crucifix d’argent accroché au mur: « Je suis Marocain avant d’être chrétien », souffle Rachid, la quarantaine, qui accueille dans son salon une dizaine de convertis pour un « après-midi de prières ».

Issu d’une famille adepte du soufisme, une tradition ésotérique de l’islam, ce pasteur protestant a embrassé la foi chrétienne en 2004. « Enfant, mon père m’obligeait à aller à la confrérie soufie. Mais je ne m’y retrouvais pas », raconte à l’AFP ce père de deux enfants.

C’est adolescent qu’il commence à s’intéresser au christianisme. Depuis un cyber-café, il entre en contact avec un site qui « prêche la parole de Dieu » et lui fait parvenir une bible. « Je l’ai lue intégralement, étudié la parole de Dieu, suivi des formations. (…) A l’âge de 24 ans, j’ai été baptisé dans un appartement à Casablanca », confie-t-il.

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Assis à ses côtés, Mustapha, 46 ans, s’est converti en 1994 pour « remplir un vide spirituel ». Ce fonctionnaire, petit-fils d’un religieux musulman de Taroudant, près d’Agadir, a été durant sa jeunesse membre actif du mouvement islamiste Justice et bienfaisance.

« Lassé par les contradictions de l’islam, je me suis intéressé au christianisme en échangeant une correspondance assidue avec un centre religieux en Espagne ». Puis « j’ai franchi le pas », se souvient Mustapha, lui aussi pasteur « diplômé par correspondance des États-Unis ».

Il a vécu secrètement sa foi jusqu’à il y a un an et demi, quand il diffuse sur internet une vidéo dans laquelle il parle à visage découvert de sa conversion.

La réaction est immédiate: « des proches m’ont tourné le dos, j’ai été mis au placard au travail. Mes enfants ont été harcelés à l’école », déplore-t-il.

Pour vivre leur foi au grand jour, Mustapha, Rachid, et d’autres, regroupés au sein d’une « Coordination nationale », ont saisi début avril le Conseil national des droits de l’Homme (CNDH) pour demander « la fin de la persécution » contre leur petite communauté.

« Nous revendiquons le droit de choisir des prénoms chrétiens pour nos enfants, de prier dans les églises, d’être inhumés dans des cimetières chrétiens, de nous marier selon notre religion », énumère Mustapha, également porte-parole de la Coordination.

Aucun chiffre officiel n’existe sur le nombre de convertis marocains, estimés entre 2.000 et 6.000 par le Département d’État américain. Concentrés entre Marrakech et Agadir, ils sont principalement protestants -baptistes et évangéliques-, d’après les témoignages recueillis par l’AFP.

Au Maroc, où l’islam est la religion d’État et le roi Mohammed VI le « commandeur des croyants », les autorités aiment vanter leur tolérance religieuse qui permet aux chrétiens étrangers et aux juifs d’exercer librement leur religion.

Vignkpo Akpéné