Cameroun : 1,3 milliard FCFA de primes de reconversion à 40.000 ex-employés des sociétés d’Etat privatisées

Afriquinfos Editeur
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C'est le début de paiement des droits sociaux de travailleurs contraints au chômage qui, pour certains, remontent à plus de 20 ans, depuis les premières séries de privatisations à la fin des années 1980 et au début de la décennie suivante d'entreprises publiques et parapubliques par les autorités camerounaises en application de mesures d'ajustement structurel imposées par le Fonds monétaire international (FMI).

A l'instar de la plupart d'autres pays d'Afrique subsaharienne, le Cameroun s'était vu soumis à une rude cure d'austérité qui exigeait un dégraissage des effectifs des administrations publiques en vue d'une réduction des dépenses de l'Etat dans un contexte de grave crise économique mondiale qui avait entraîné pour ce pays une baisse de ses recettes d'exportation issues principalement de la commercialisation de matières premières agricoles et minières non transformées.

Une cinquantaine de sociétés d'Etat de divers secteurs d'activités avait été touchée par cette mesure qui avait mis à la porte, selon les sources, entre 40.000 et 50.000 personnes désignées par le vocable de « déflatés ». Le paiement annoncé de la somme de 1,3 milliard de francs CFA dès vendredi représente la première tranche des primes de reconversion dues à ces ex-employés.

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En provenance des quatre coins du pays, ces derniers se rencontrent depuis lundi à Yaoundé dans le cadre d'une nouvelle opération de recensement et d'identification menée par les services de la division des affaires juridiques du ministère des Finances dans l'enceinte du Palais polyvalent des sports (don de la Chine au Cameroun) à Warda, une place du centre-ville de la capitale.

A cause de la souffrance engendrée par les longues années d'attente de cette décision, les mines affichées témoignent davantage de sentiments de mélancolie que d'allégresse. « Ce paiement a été décidé il y a plus de dix ans, et c'est en 2013 qu'il intervient. Ils disent qu'ils paient la première tranche de ces primes de reconversion, mais les montants à percevoir sont un mystère pour nous », a confié à Xinhua l'un d'eux, François Scala, ex-employé de Sofibel, ex-société de transformation du bois à l'Est.

Le calendrier affiché sur les parois du Palais des sports se limitait aux seules journées de lundi 9 et mardi 10 septembre 2013 pour le recensement et l'identification. Assis derrière des tables en bois, les agents du ministère des Finances commis à cette tâche s'inspirent, face à de longs rangs, d'un fichier constitué de listes informatisées et manuelles.

Sur ces listes, certains noms manquent, ce qui crée un sentiment de frustration et d'énervement chez les concernés. « Même pour nous payer, il n'y a pas les noms ! Pourtant, les dossiers ont été constitués. On contracte des prêts pour venir ici. Or, c'est la rentrée scolaire », s'est écriée Rose Ngeussieu, ex- encadreur sylvicole à l'ex-Office national de développement des forêts (ONADEF), venue de Bafoussam, principale ville de la région de l'Ouest.

 Lors de manifestations devant le ministère des Finances, des groupes de ces personnels ont souvent accusé les liquidateurs d'avoir manipulé et gonflé abusivement les listes en introduisant les noms de travailleurs fictifs. Arrivé à Yaoundé depuis dimanche sans prise en charge, François Scala accuse ceux-ci d'être à l'origine des longs retards de paiement de leurs droits.

« C'est nos liquidateurs qui nous ont mis dans cette situation douloureuse et malheureuse. Ils sont restés impunis », s'indigne cet homme de 62 ans pour qui les primes de reconversion annoncées ne sauront réparer les dégâts causés par les brusques mises au chômage. « On vient penser à nous pour nous payer cette prime après combien de temps ? Sofibel a fermé ses portes en 1995. Nos femmes nous ont quittés, nos enfants ont manqué de scolarisation, ils sont devenus pousseurs ».

Il s'étonne des absurdités des licenciements opérés concernant certaines entreprises comme l'Office national de développement des forêts (Onadef), appelé à se limiter à un simple changement de dénomination suite à un décret présidentiel de 2004 qui, de l'avis de l'ex-employé de Sofibel, ne devait pas donner lieu à des mises au chômage de plus de 600 personnes.

En plus des primes de reconversion, certains ex-employés des sociétés d'Etat privatisées et liquidées camerounaises, un vieux dossier qui a fait couler d'encre et de salive depuis près d'un quart de siècle, attendent de percevoir des arriérés de salaires.

C'est le cas par exemple de ceux de l'ex-Fonds national de développement rural (Fonader, privatisé en 1991) où l'ancien agent du service des opérations agricoles Frédéric Njewa, venu de Loum, une localité du département du Moungo dans le Littoral, dit espérer se faire payer la somme de 230.572 francs CFA (environs 461 dollars US), après les 76.850 francs (environs 150 dollars US) perçus en 1998.