Après Kadhafi, à qui le tour ?

Afriquinfos Editeur
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Avant lui, le Tunisien Zine el-Abidine Ben Ali et le rais égyptien Hosni Moubarak étaient passés à la trappe, emportés par ce vent de liberté qui balaie depuis un an le septentrion africain, après avoir bâillonné et rabaissé leur peuple respectif au rang de sujets lobotomisés pendant plus un quart de siècle. Si ces derniers doivent leur chute à un soulèvement populaire, la fin brutale de Kadhafi est le fruit d’une conjonction d’intérêts entre une partie de son peuple et ses ennemis extérieurs, comme s’il fallait subitement, pour ces derniers, donner des gages d’honorabilité ou expier le fait d’avoir longtemps activement soutenu, contre toute raison, Ben Ali,  Moubarak et, justement, Kadhafi.

 L’ancien dictateur zaïrois Mobutu, qui a fini sa vie dans son lit entouré des siens, loin de son pays, confessa naguère avoir été personnellement ébranlé par les images de la chute, du procès expéditif suivi de l’exécution sommaire, en décembre 1989, du despote roumain Nicolae Ceausescu. A en juger par ses propres états de service jusqu’à sa fuite précipitée de Kinshasa, en 1997, le « traumatisme » fut de courte durée. Les vieilles habitudes, il est vrai, reprennent vite le dessus, les ors du palais et les délices du pouvoir étant tels qu’on finit toujours par se dire : « ça n’arrive qu’aux autres. »

 Cette erreur de jugement et cette absence du sens de l’Histoire, bien des prédateurs les ont cher payés, qui se sont retrouvés du jour au lendemain avec la foule aux portes du palais. Faute d’en avoir pris la mesure, Kadhafi qui vouait aux gémonies ses compatriotes – qualifiés au passage de « rats » – vient lui-même de finir dans un trou. Comme un rat.

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 Gouverner, dit-on, c’est prévoir. Pas seulement la crise économique à venir, la croissance démographique ou la flambée de la criminalité. Gouverner, c’est aussi prévoir le seuil critique au-delà duquel tout peuple, fût-il le plus docile, en arrive à préférer les pis-aller et à verser dans la violence cathartique.

 On ne peut pas pour autant accepter l’exécution extrajudiciaire d’un homme, fut-il le plus abject des autocrates. Kadhafi faisait, certes, peu de cas de ses opposants ; il a longtemps financé le terrorisme international, tenté de déstabiliser ses voisins, le Niger, le Tchad, la Tunisie en tête ; il est accusé d’avoir fait sauter en vol deux aéronefs ; il passait, récemment encore, d’un pays à l’autre, avec des airs de prophète, brocardant le système démocratique, encourageant son pair nigérien Mamadou Tandja à modifier la Constitution pour s’installer durablement au pouvoir…

 En dépit de cette liste (non exhaustive) de méfaits, le « Guide » avait droit à un procès équitable. Oublier ce point capital, c’est fouler du pied cette ligne rouge qui sépare les pays civilisés (le Cap Vert, Maurice, le Botswana, le Ghana, l’Afrique du Sud, pour ne citer que ceux-là) de ceux qui ne le sont pas. Point n’est besoin de les énumérer…

Francis Kpatindé