Bilan 2012 : La Tunisie achève l’annee entre l’optimisme d’une relance économique et la menace d’une crise sociale

Afriquinfos Editeur
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UNE SITUATION ECONOMIQUE MITIGEE

D'après le programme économique et social du gouvernement tunisien de coalition tripartite, l'année 2012 a été marquée par un déficit budgétaire de 6,6%, soit une hausse de 21,6% dans le volume du budget complémentaire de l'Etat par rapport à 2011, un endettement de 47% et une croissance de 3,5%.

Etant la première "entrée en exécution" de l'actuel gouvernement transitoire de Troïka, l'année 2012 a été entamée dans l'optimisme d'un rapide rétablissement politique et socio-économique du pays, a confié à Xinhua M. Nejib Ouergui, directeur général du quotidien tunisien La Presse.

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Les résultats du premier semestre de cette année "sont en quelques sortes mitigés" avec une certaine accalmie et "un retour progressif de l'activité économique avec un peu de ralenti". Mais cet optimisme n'a pas manqué à afficher certaines limites dans la mesure où les ambitions du gouvernement transitoire n'ont pas permis de rattraper la vitesse du positionnement de la Tunisie comme pays en développement d'autant plus que les indicateurs liés à l'employabilité "ne sont pas à la hauteur des attentes des Tunisiens", a estimé l'économiste tunisien Hafedh Abdennabi.

Selon M. Abdennabi, la Tunisie a entamée l'année 2012 "dans une situation difficile, puisque le bilan faisait état d'une perte d'environ 100 mille emplois face à l'existence de 80 mille nouveaux diplômés et un total de 800 mille chômeurs, sans oublier un taux de croissance négatif de 0,2%".

Durant les dix premiers mois de l'année 2012, le taux d'inflation à la consommation familiale a augmenté de 5,5% contre 3,4% lors de la même période de 2011 et 4,5% en 2010, a révélé un rapport de conjoncture du ministère tunisien du Développement régional et de la Planification.

Le rapport révèle également que l'indice des prix à la consommation (jusqu'en octobre 2012) a enregistré une hausse de 0,8% par rapport à septembre 2012 et de 4,8% par rapport à décembre 2011. Durant la période d'un an (octobre 2011-octobre 2012), les prix des principaux produits de consommation en Tunisie ont remarquablement évolué, causant parfois des tensions sociales et suscitant un mécontentement populaire notamment parmi la classe moyenne et ceux en situation sociale défavorisée.

Fathi Ben Guennich, cadre au sein d'un opérateur national de télécommunications, a confié que 2012 demeure une année "perturbée" notamment sur le volet sécuritaire avec des soucis permanents quant aux blocages de route, actes de violence ou autre imprévisions qui pourraient gâcher les activités quotidiennes d'un Tunisien qui part pour son boulot voire même pour se promener accompagné de sa famille.

Du côté des dépenses ménagères et des exigences quotidiennes de la vie, la situation s'est aggravée en 2012 avec "une montée en vitesse" des prix des produits notamment ceux liés directement à la consommation quotidienne dont le lait, les légumes, les fruits, les œufs et la viande, toujours selon M. Ben Guennich. Actuellement, "le budget réservé à ma consommation familiale a augmenté d'environ 40% par rapport à celui alloué durant 2011 et les années précédentes".

La hausse des prix, qualifiée par la majorité des Tunisiens de "flagrante", a été accompagnée par une vague de mouvements sociaux, protestations, sit-in et blocage de route en signe d'insatisfaction quant à la détérioration du mode de vie en Tunisie.

Outre les chômeurs et ceux issus de familles nécessiteuses, les diplômés tunisiens ne cessent également d'exprimer leurs craintes quant à l'avenir du pays et la solidité de son tissu social.

Comptable dans une entreprise privée, Saber Falfoul a averti que "la situation socio-économique de la Tunisie risque d'être critique voire même catastrophique à la lumière de la hausse des prix et du mode de vie de la classe moyenne qui trouve de plus en plus du mal à gérer les exigences du quotidien".

"Malgré ma situation aisée par rapport à d'autres diplômés sans emploi, je me trouve parfois bloqué face à la détérioration du pouvoir d'achat, la flambée des prix mais surtout la défaillance sécuritaire dans certaines régions intérieures du pays causée principalement par les mouvements sociaux, grèves et les sit-in organisés et arbitraires".

Toutefois, a poursuivi M. Falfoul, "la situation globale de l'année 2012 demeure plus rassurante que celle de 2011. Actuellement, je ne peux espérer que de voir la confiance se rétablir entre le citoyen et l'administration, d'autant plus que les investisseurs étrangers devront apercevoir des garanties liée à la stabilité sécuritaire, sociale et économique de la Tunisie".

Des chiffres officiels publiés dans la presse dévoilent un bilan de plus de 1.500 grèves qui ont été observées légalement sous l'égide de l'Union générale tunisienne de Travail durant les 10 premiers mois de 2012. Un nombre qui reste élevé malgré qu'il ait dépassé les 2.300 en 2011. En 2012, les blocages de route ont atteint un total de 1.455 opérations avec une moyenne d'environ 145 blocages par mois. Le nombre des blocages de route enregistré en 2011 était de 1.226, selon des chiffres officiels publiés par le quotidiens tunisiens d'expression arabe "Achourouk" (Levée de soleil).

Ces perturbations sociales ont résulté du manque de développement régional et d'investissements directs, du ralentissement du rythme de création de projets, de la propagation du chômage en plus de la flambée des prix de certains produits de consommation quotidienne.

UNE BONNE REPRISE DU SECTEUR DU TOURISME

Ces agitations sociales ont affecté en quelques sortes l'image de la Tunisie à l'étranger. Malgré une image "négative", le tourisme tunisien a su enregistrer des performances par rapport à 2011 mais reste encore au-delà des chiffres de 2010.

En tant que l'un des piliers de l'économie tunisienne, le secteur du tourisme a réalisé en 2012 une "bonne reprise" à la lumière des indicateurs positifs enregistrés et après un recul d'environ 40% en 2011. "Le bilan de 2012 affiche certaines performances à partir d'une croissance de 30% au niveau des flux touristiques et plus de 50% de progression au titre de nuitées par rapport à 2011", a précisé le ministre tunisien du Tourisme Elyes Fakhfakh dans une interview accordée à Xinhua.

Selon le ministre Fakhfakh, une feuille de route pour la période 2012-2013 a été instaurée afin de relancer le tourisme tunisien ciblant notamment la diversification du produit touristique. Avec une stagnation autour de 1,8 milliard d'euros depuis 2001, le tourisme tunisien demeure "fragilisé" depuis une quinzaine d'années et "souffre d'un problème de rentabilité des unités hôtelières, ce qui a eu une incidence directe sur l'investissement et partant sur le niveau de l'endettement des hôteliers".

La montée du "salafisme" (mouvance islamiste radicale) en Tunisie pourrait également représenter une crainte quant à la promotion de l'image touristique du pays à l'étranger. "Le plus grand danger, a estimé M. Fakhfakh, c'est de présenter une image fausse et agressive de la Tunisie comme étant la réalité du pays". Bien que cette tendance demeure "minoritaire", a-t-il estimé, "il faut être ferme face aux dépassements et aux violences verbales ou physiques".

UNE REPRISE ECONOMIQUE TOUJOURS TIMIDE

Sur un autre plan, l'exercice économique 2012 en Tunisie a été marqué par un recul de 1,4% par rapport à 2010 quant aux investissements directs étrangers (IDE) qui ont atteint 1 657 millions de dinars (un dinar vaut 0,63 USD). Par rapport à 2011, les IDE ont augmenté de 27,2%.

D'après l'Agence de promotion de l'investissement extérieur, les IDE de 2012 ont favorisé la création de 271 nouveaux projets dont 104 nouvelles entrées en production et 167 extensions. Ces IDE ont également permis de créer 9.218 emplois.

L'énergie et l'industrie manufacturière ont été les deux secteurs les mieux servis par les IDE durant les 10 premiers mois de 2012 avec des hausses respectives de 24% à 1.056 millions de dinars et 36,8% à 400 millions de dinars.

Dans l'agriculture et la pêche, l'investissement privé en Tunisie a baissé de 5,9% durant les 10 premiers mois de 2012 à 298,9 millions de dinars par rapport à la même période de 2011, a révélé l'Agence de promotion des investissements agricoles (APIA) dans son bulletin mensuel, précisant que ces investissements approuvés en 2012 ont favorisé 3 951 emplois permanents dont 185 emplois seulement bénéficieront aux diplômés du supérieur.

Malgré des indicatifs positifs enregistrés en 2012, la reprise de l'économie tunisienne reste toujours "timide", les investissements qui sont la cléf de créer de la richesse et de l'emploi, attendent un vrai rétablissement de la situation sécuritaire et politique, surtout un gouvernement compétant et efficace issu de prochaines élections législatives et présidentielles.