Nigeria: Colère littéraire de Wole Soyinka envers une partie de ses compatriotes

Afriquinfos
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Lagos (Afriquinfos 2016) – Pour avoir déclaré qu’il a jeté sa carte verte de résidence permanente aux Etats-Unis à la suite de l’élection de Donald Trump, Wole Soyinka le prix Nobel de littérature nigérian, essuie des critiques. Les attaques acerbes  lui viennent des réseaux sociaux. Comme du berger à la bergère, l’écrivain a répondu sèchement à ses détracteurs. De la manière la plus virulente.

«Je ne veux pas que les gens pour lesquels je me suis battu pour défendre la liberté d’expression en fassent usage pour faire des commentaires stupides», a-t-il déclaré lundi dernier à Lagos, la capitale nigeriane. Le prix Nobel de la littérature était devant des journalistes au Freedom Park, ancien lieu de détention transformé en un cadre de liberté d’expression.

«Le jour de l’investiture de Trump, je serai en deuil. Mais vous savez quel sera mon deuil? Je pleurerai la mort du bon sens au Nigeria. Parfois, j’ai honte de partager ma nation avec des imbéciles», a ajouté l’écrivain. Selon lui, il y a «trop d’illettrés au Nigeria». «Je l’ai déjà fait. (…) J’ai fait ce que j’ai dit que je ferai», avait-il déclaré lors d’un Conférence sur l’éducation à Johannesburg en Afrique du Sud. «Quand j’ai fini (mes cours), j’ai jeté la carte et je me suis réinstallé de façon permanente au Nigeria», avait-il dit. «Ca me faisait horreur de penser à ce qui allait se passer avec Trump à la Maison Blanche», avait-il justifié. Mais cela n’a pas convaincu des Nigérians, visiblement remontés contre lui.

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«Attendez, vous l’avez vu vous la jeter?», «Je veux le voir pour le croire», «Il n’avait qu’à me la donner!», sont entre autres, les railleries sur les réseaux sociaux à l’égard de Wole Soyinka qui avait confirmé avoir tenu à sa promesse qui est celle de renier sa carte de résident permanent aux Etats-Unis. Ses détracteurs l’accusent d’être déconnecté de la réalité. Pour ces derniers, l’acte de leur illustre compatriote est une manière de les décourager à aller chercher leur bonheur aux USA où vivent selon le Migration Policy Institute 376.000 Nigérians.

Fidélité à des convictions

«Je n’ai pas de mal à recevoir des critiques. Mes étudiants m’ont régulièrement demandé des comptes sur mes idées», a répondu Wole Soyinka à un journaliste. Ce dernier demandait à son interlocuteur si sa déclaration n’était-elle pas due au fait que beaucoup de Nigerians n’ont pas apprécié son rejet de la carte verte. Toutefois, l’écrivain a déclaré que son geste ne vise pas à décourager «quiconque qui veut aller aux Etats-Unis».

En réalité, le prix Nobel de la Paix paie pour son soutien apporté à Muhammadu Buhari lors de l’élection présidentielle. Le chef de l’Etat est aussi sous le feu des critiques par rapport à sa gestion de la crise économique qui secoue le pays, un (01) an et demi après son élection.

Aussi, beaucoup de Nigérians accusent-ils Wole Soyinka (82 ans) d’être déconnecté de la réalité. Icône de la littérature africaine, et grande figure d’opposition pendant les dictatures militaires au Nigeria, Wole Soyinka est auteur d’une soixantaine de romans, pièces de théâtre et poèmes. Écrivain engagé, il a passé 22 mois en prison pendant la guerre d’indépendance du Biafra. En 1994, l’écrivain a été contraint à l’exil après avoir été condamné à mort pendant la dictature de l’ex- chef d’Etat Sani Abacha.

Anani  GALLEY