Condamné à 15 mois de prison pour outrage à la justice, J. Zuma a désormais cinq jours pour se rendre

Afriquinfos Editeur
5 Min de Lecture
L'ex-président sud-africain Jacob Zuma s'adresse à ses partisans devant le tribunal de Pietermaritzburg, le 15 octobre 2019.

L’intouchable ex-président sud-africain, Jacob Zuma, a finalement été condamné mardi à 15 mois de prison pour outrage à la justice, après de multiples tentatives et stratagèmes pour éviter de témoigner dans le cadre d’enquêtes pour corruption d’Etat.

Jacob Zuma, 79 ans, qui avait affirmé n’avoir aucune crainte d’être arrêté, condamné, ou incarcéré, a désormais cinq jours pour se rendre. Dans le cas contraire, la police sera autorisée à venir le chercher à son domicile pour le conduire dans une prison où il commencera à purger sa peine.

« La Cour constitutionnelle n’a pas d’autre choix que de conclure que M. Zuma est coupable d’outrage à la justice », a déclaré la Cour constitutionnelle, la plus haute juridiction du pays. « A la majorité des membres, la Cour ordonne une peine d’emprisonnement sans sursis pour une période » de 15 mois, a déclaré la juge Sisi Khampepe.

L’ex-président est accusé d’avoir pillé l’argent public pendant ses neuf années au pouvoir (2009-2018). Englué dans les scandales, il avait été poussé à la démission.

- Advertisement -

Depuis la création en 2018 d’une Commission chargée d’enquêter sur la corruption d’Etat, l’ex-président, déjà mis en cause dans une quarantaine de témoignages, multiplie les manœuvres pour éviter d’avoir à s’expliquer, multipliant les recours ou faisant valoir son droit au silence.

Après une énième convocation à laquelle il ne s’est pas présenté fin février, la commission a réclamé une condamnation à deux ans de prison. L’ex-président cette fois-là avait non seulement ignoré la commission mais aussi une décision de la Cour, l’obligeant à comparaître et le privant du droit à garder le silence.

« Ce genre de réticence et de défi est illégal et sera puni », a déclaré la juge Khampepe. « Je n’ai pas d’autre choix que d’emprisonner M. Zuma, dans l’espoir que cela envoie un message sans équivoque », a-t-elle ajouté.

Sauf surprise de dernière minute ou dernier tour tiré de sa manche, l’ancien chef d’Etat devrait donc se retrouver derrière les barreaux dans les prochains jours. « Il n’y a pas d’appel possible d’une décision de la Cour constitutionnelle », a expliqué à l’AFP l’expert en droit constitutionnel, Lawson Naidoo.

– Tensions internes –

Jacob Zuma n’a témoigné qu’une seule fois, en juillet 2019, devant la commission anticorruption. Il avait rapidement claqué la porte, s’offusquant d’être traité comme un « accusé ». La commission a salué mardi dans un communiqué une décision de la Cour « significative pour l’indépendance du système judiciaire ».

Selon la politologue Amanda Gouws, qui enseigne à l’Université de Stellenbosch, près du Cap, la condamnation de M. Zuma risque d’aggraver les tensions internes qui minent déjà le parti historique au pouvoir, le Congrès national africain (ANC). « Les partisans de Zuma sont probablement outrés et en train de préparer quelque chose », met-elle en garde, tandis que le clan de son successeur Cyril Ramaphosa « est sans doute soulagé ».

Le président Ramaphosa a fait de la lutte contre la corruption un cheval de bataille, mais a lui-même été appelé à témoigner devant la commission. Cette condamnation « peut conduire à une grave instabilité politique », a confirmé à l’AFP un proche de M. Zuma au sein de l’ANC, Carl Niehaus.

Ismail Ebrahim, qui raconte avoir dormi à côté de Jacob Zuma lorsqu’ils étaient tous incarcérés dans le pénitencier de Robben Island, sous l’apartheid, estime « triste » ce retour en prison mais qu’il « doit obéir » à cette décision.

Qualifiant la décision d' »historique », l’ONG Corruption Watch a souligné que « pour la première fois en Afrique du Sud, un ancien chef d’État est directement sanctionné par une peine de prison ».

M. Zuma est également jugé pour une affaire de pots-de-vin de plus de vingt ans. Il est accusé d’avoir empoché plus de quatre millions de rands (soit 235.000 euros au taux actuel) du français Thalès, qui était l’une des entreprises attributaires d’un juteux contrat d’armement d’une valeur globale d’environ 2,8 milliards d’euros.

Jacob Zuma, dont on pense qu’il a peu de fortune personnelle, a par ailleurs été plusieurs fois condamné ces derniers mois à payer, sur ses deniers personnels, des frais de justice estimés à plus d’1,5 million d’euros.