ACP-UE : Commerce asymétrique, difficile consensus sur les APE entre économies déséquilibrées ACP

Afriquinfos Editeur
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Réunis jeudi et vendredi à Malabo en Guinée équatoriale à l'occasion de leur 7e sommet ordinaire pourtant qualifié de "critique" par le secrétaire général de l'organisation en personne, Ibrahim Ibn Chambas, les dirigeants ACP confirment leur absence de cohésion et de convergence de vues, à partir déjà d'une participation faible à une quinzaine de chefs d'Etat.

Parmi les absences remarquées à ces assises marquées par des discussions avec l'UE sur l'avenir du partenariat entre les deux parties avec en bonne place la question des APE, figurent le Sud-africain Jacob Zuma, le Nigérian Goodluck Ebele Jonathan et l'Angolais José Eduardo dos Santos dont les pays représentant pourtant des poids lourds de l'économie africaine.

D'une population globale de 930 millions d'habitants, le groupe ACP est un ensemble constitué de pays en majorité issus d'Afrique : 48 contre 16 pour la Caraïbe et 15 pour le Pacifique. Cette région est aussi celle qui regroupe le plus grand nombre de pays les moins avancés (PMA) au monde : 33 sur un total de 48, dont sept appartenant à la Communauté économique des Etats de l'Afrique centrale (CEEAC).

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Puissance pétrolière du continent, l'Angola fait partie de cette catégorie, au même titre que la République démocratique du Congo (RDC, pays réunissant tous les atouts pour être une grande économie du fait de ses immenses ressources minières, mais empêtré dans des conflits armés à répétition), la Guinée équatoriale (autre producteur de pétrole), la République centrafricaine (RCA), le Tchad, Sao Tomé et Principe et le Burundi.

Dans le partenariat ACP-UE portant sur des relations commerciales, une coopération au développement et un dialogue politique, les PMA, contrairement aux autres pays du groupe dont l'accès au marché européen est limité à quelques produits tels que les bananes, le cacao transformé, l'aluminium, les fruits frais et contreplaqués pour le cas du Cameroun par exemple, ont la latitude de tout vendre en Europe, sauf les armes, en franchise de droits de douane et sans quotas.

Mais, cet avantage est de peu d'effet, car, mis à part le pétrole pour le cas de l'Angola et de la Guinée équatoriale, les PMA, de manière générale, et ceux d'Afrique centrale ne font pas exception, sont des économies faiblement structurées, sans grand-chose à offrir au partenaire européen. Difficile dans ce cas pour les ACP de former une véritable communauté d'intérêts homogène, ce qui n'est pas pour rendre la tâche aisée à l'UE dans les négociations sur les APE.

Un ensemble de pays industrialisés enfoncé dans une crise financière sans précédent, l'UE a plus à gagner dans son commerce asymétrique avec les ACP, un marché assuré pour ses produits manufacturés et en même temps ses pourvoyeurs de matières premières telles notamment le pétrole, le bois, le cacao (dont la Côte d'Ivoire est le plus grand producteur mondial, suivie du Ghana, du Nigeria, puis du Cameroun après le Brésil), le café, les bananes.

Elle ne voit pas d'un bon œil la diversification des partenariats entreprise surtout par les pays africains en direction d'autres régions telles l'Asie. "Le temps est venu pour les ACP de s'engager ou non dans ce partenariat et d'en recueillir les fruits ou non", a menacé jeudi à Malabo Andris Pielbalgs, commissaire européen chargé du Développement.

Les APE en négociation visent l'institution d'une zone de libre-échange entre les deux parties, ce qui signifie l'application du principe de réciprocité dans le démantèlement des barrières douanières pour les pays ACP, qui redoutent ces accords pour une plus grande fragilisation de leurs économies, même s'ils sont destinés à leur offrir un accès quasi-total au marché européen, avec franchise de droits de douane et sans limitation de quotas, sauf pour le riz et le sucre.

Cette crainte, la Guinée équatoriale de Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, qui a plutôt appelé à la création d'une organisation de coopération Sud-Sud, à l'ouverture du sommet ACP qu'elle accueille, l'a clairement exprimée en choisissant de se mettre en retrait des pourparlers au sein de la CEEAC, auxquels elle participe en simple qualité d'observateur.

Les autorités de Malabo se déclarent même disposées à adhérer, au cas où il est finalisé avant la nouvelle échéance de 2016 fixée par l'UE après celle de 2014, à l'APE régional à compter seulement de 2020.

Le Gabon affirme lui aussi ne pas vouloir s'affranchir de la démarche de groupe pour contracter un accord commercial avec l'Europe. Il déclare des pertes annuelles de plus de 45 milliards de francs CFA (90 millions USD) dans l'exportation de bois contreplaqués sur le marché européen, des pertes jugées trois ou quatre fois plus grandes en cas de signature d'un APE intérimaire.

Pour l'ensemble de l'Afrique centrale, une étude réalisée en 2008 en Afrique centrale avait évalué à 4 milliards d'euros la compensation pour les pertes fiscales dues à l'APE et à 8 milliards d'euros la dimension développement de l'accord.

A Malabo, les désaccords entre les ACP et l'UE (qui perd du terrain au Cameroun par exemple, passant de 68% en 2004 à 38% en 2010 dans les exportations de ce pays, contre une progression de 9 à 16% pour l'Asie) ont persisté. "Après une dizaine d'années de négociation, nous sommes loin de parvenir à accord", a dit le président ghanéen, John Dramani Mahami.

Comme une épée de Damoclès au-dessus de leur tête, l'UE brandit à ses partenaires la menace de basculement après l'échéance de 2016 au Système de préférence généralisé (SPG), qui consacre des réductions de droits de douane. Mais du côté d'en face, les positions ne changent pas, la finalisation des APE avec les différentes régions apparaît toujours improbable.