Centrafrique: Nouveaux condamnés par contumace, mauvaise nouvelle pour la vraie réconciliation

Afriquinfos Editeur
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Bangui (© 2023 Afriquinfos)- L’ex-Président de la Centrafrique François Bozizé, aujourd’hui à la tête de la principale coalition rebelle, a été condamné ce 21 septembre aux travaux forcés à perpétuité à Bangui pour « complot » et « rébellion ».

Cette condamnation intervient alors que ce pays progresse dans la mise en œuvre de l’Accord politique pour la paix et la réconciliation en République centrafricaine (APPR-RCA), signé à Bangui le 6 février 2019.

François Bozizé, qui s’était emparé du pouvoir en 2003 par un coup d’État avant d’être renversé 10 ans plus tard par des rebelles, a été condamné à cette peine par contumace comme deux de ses fils et vingt autres quo-accusés, dont des chefs rebelles importants.

Ils ont tous été condamnés pour « atteinte à la sûreté intérieure de l’État » et « assassinats« , selon le jugement lu par Joachim Pessire, Premier président de la Cour d’appel de Bangui qui juge en première instance pour les affaires criminelles.

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Exilé en Guinée-Bissau

Le jugement ne précise ni les crimes ni la période concernés. François Bozizé, 76 ans, réfugié au Tchad jusqu’en mars 2023, date à laquelle il s’est exilé en Guinée-Bissau, est le coordinateur de la Coalition des patriotes pour le changement (CPC). Il s’agit de la principale coalition rebelle centrafricaine formée en décembre 2020 et qui poursuit une guérilla dans le Nord du pays.

Ali Darassa, chef militaire en fuite de l’Unité pour la Paix en Centrafrique (UPC), principale composante de la CPC, figure parmi les condamnés. La guerre civile déchire la Centrafrique, pays parmi les plus pauvres du monde, depuis 2013 lorsqu’une coalition de groupes armés dominés par les musulmans, la Séléka, a renversé François Bozizé. Ce dernier a ensuite organisé et armé des milices dites anti-balakas, majoritairement chrétiennes et animistes, pour tenter de reprendre le pouvoir.

Des milliers de civils ont été massacrés jusqu’au paroxysme de la guerre en 2016, et l’ONU a accusé la Séléka et les anti-balakas de crimes contre l’humanité, malgré la présence d’une importante force de maintien de la paix de Casques bleus. Le conflit, extrêmement meurtrier les premières années, a considérablement baissé d’intensité depuis 2018. En décembre 2020, le Président Faustin Archange Touadéra a appelé Moscou à la rescousse pour contrer une offensive de la CPC.

Après plusieurs tentatives de putsch, François Bozizé était parvenu en 2003 à s’emparer du pouvoir par la force en chassant le Président Ange-Félix Patassé. Son régime, miné par la guerre civile, n’a jamais tenu ses promesses, l’insécurité empêchant tout décollage économique. Le général Bozizé, ancien chef d’état-major de l’Armée, avait tenté un retour, par les urnes cette fois-ci, en 2020 en se présentant à la présidentielle. Mais sa candidature avait été invalidée par la Cour Constitutionnelle au motif qu’il était « poursuivi pour des crimes présumés ».

Condamnation du 21 septembre, une entrave au processus de paix en cours?

La Représentante spéciale et Cheffe de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en République centrafricaine (MINUSCA), Mme Valentine Rugwabiza, a mis en avant les aspects positifs du processus de réconciliation en cours ces derniers mois dans ce pays d’Afrique centrale. Elle a salué l’organisation par le Gouvernement de la RCA, en mars dernier, d’une conférence sur le processus de décentralisation et de paix et la réactivation des mécanismes de mise en œuvre de l’APPR-RCA dans les différentes préfectures du pays.

Elle s’est aussi félicitée du désarmement, en avril 2023, de deux nouveaux groupes armés signataires de l’Accord de Bangui, tout en soulignant l’importance pour les anciens membres de ces groupes armés d’intégrer le processus de désarmement, démobilisation et réintégration, récemment doté de 5 millions de dollars. Si les membres du Conseil se sont tous félicités de cette évolution, ils se sont en revanche montrés préoccupés, tout comme la Représentante spéciale, de la dégradation de la sécurité dans plusieurs régions frontalières de la RCA. Notamment avec le Tchad et le Soudan, en lien avec le conflit armé qui a éclaté à Khartoum le 15 avril dernier.

Les implications tant humanitaires que sécuritaires de la crise au Soudan ont été mises en avant par plusieurs membres du Conseil de sécurité de l’ONU et par plusieurs voisins de la RCA ou acteurs régionaux ces derniers mois.

La Secrétaire d’État aux relations extérieures de l’Angola, Mme Esmeralda Mendonça, dont le pays a parrainé l’adoption, en septembre 2021, de la Feuille de route de Luanda, «mutualisée» avec l’Accord de Bangui, s’est ainsi dite préoccupée par l’augmentation des mouvements des groupes armés, le trafic d’armes et de munitions et la détérioration de la situation humanitaire due à l’afflux de réfugiés.

Le Commissaire de l’Union africaine chargé des affaires politiques, de la paix et de la sécurité, Adeoye Bankole, a rappelé que le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine s’était penché aussi sur ce sujet.

Dans ce contexte, des Etats africains ont été unanimes à appuyer l’exigence du Gouvernement de la RCA de voir supprimer les dernières restrictions imposées par le Conseil de sécurité à ses achats d’armes dans le cadre de la Résolution 2648 (2022) du 29 juillet 2022.

Élu en 2016, Faustin Archange Touadéra a été réélu en 2020 dans un scrutin très contesté auquel deux électeurs inscrits sur trois n’avaient pas pu prendre part en raison notamment des violences. Fin juillet 2023, une nouvelle Constitution a été votée par référendum à plus de 95%. Cette modification de la loi fondamentale permet au Président Touadéra, 66 ans, de briguer un troisième mandat en 2025.

V. A.