Derniers hommages à Mangosuthu Buthelezi: C’est le crépuscule d’une époque en Afrique du Sud (C. Ramaphosa)

Afriquinfos Editeur
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Le convoi funèbre de Mangosuthu Buthelezi traverse la ville de Mahlabathini, en Afrique du Sud, le 15 septembre 2023.

Ils ont afflué par milliers menés par d’imposants régiments de guerriers en peaux de léopard: la nation zouloue a rendu hommage samedi 16 septembre à l’une de ses figures les plus influentes et redoutées, Mangosuthu Buthelezi, pour des funérailles nationales.

Mangosuthu Buthelezi, dirigeant historique du parti nationaliste Inkhata, donne une conférence de presse en novembre 1990.

Le fondateur du parti nationaliste Inkatha et membre de la famille royale est mort le week-end dernier à 95 ans, chez lui, dans la province du KwaZulu-Natal (sud-est).

A l’origine d’une guerre fratricide avec l’ANC de Nelson Mandela pendant la période trouble précédant la chute de l’apartheid, il incarnait pour certains le fier esprit zoulou. Pour d’autres, il ressemblait dangereusement à un chef guerrier. Sous un soleil de plomb dans le stade d’Ulundi, un des berceaux de la tribu la plus importante du pays d’Afrique australe d’un point de vue démographique (11 millions), des rangées de la brigade de femmes de l’Inkatha Freedom Party (IFP) ont défilé au petit trot en scandant: « Il nous a conduits jusqu’ici« . Le cercueil recouvert d’une peau de bête a été déposé au milieu du gazon par des proches encadrés de guerriers « amabutho« , traditionnellement voués à la protection de la famille royale, munis de lances et boucliers. La veille, ces hommes ont accompagné la dépouille du chef zoulou de la morgue vers la demeure familiale.

Dans la foule, Bonga Makhoba, 31 ans, raconte à l’AFP avoir roulé 150 km et passé la nuit dans sa voiture pour être présent: « Il nous traitait tous, nous Zoulous, comme des membres d’une seule famille. C’est pour ça que je suis là« . Le chef d’Etat, Cyril Ramaphosa, a prononcé l’éloge funèbre: « C’est le crépuscule d’une époque et la fin de la vie d’un homme qui a été témoin et a marqué une grande partie de l’histoire récente du pays« .

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-« Camps opposés »-

Des guerriers « amabutho », brandissent lances et boucliers lors des funérailles nationales du chef zoulou Mangosuthu Buthelezi, le 15 septembre 2023 à Ulundi, en Afrique du Sud.

« Nous avons eu des désaccords sur le terrain politique et nous avons souvent été dans des camps opposés« , a poursuivi le chef d’Etat, évoquant un personnage à la « parole dure« . Mais « l’Afrique du Sud serait sans doute très différente aujourd’hui » sans l’oeuvre de Buthelezi. Au départ membre du parti historique au pouvoir, le Congrès national africain (ANC), Mangosuthu Buthelezi crée le parti Inkatha en 1975. Initialement envisagé comme une organisation culturelle zouloue, le mouvement qu’il dirige d’une main de fer pendant plus de quarante ans ne tarde toutefois pas à entrer dans une rivalité sanglante avec l’ANC.

L’IFP mène au cours des années 1980-1990 des guerres territoriales avec les militants du parti de Mandela dans les townships à majorité noire: les violences, décrites comme les plus marquantes dans le pays avant les premières élections multiraciales en 1994, font des milliers de morts.

Orateur charismatique en dépit d’un fort bégaiement, le chef zoulou questionne les stratégies anti-apartheid de l’ANC et considère que Nelson Mandela, alors en prison, affaiblit les positions noires. Le chef zoulou est accusé d’avoir ainsi mis en danger le mouvement de libération contre le régime raciste de l’apartheid et d’avoir joué le jeu du pouvoir blanc, ce qu’il a toujours nié. Et malgré les controverses, il mène une longue carrière politique, traversant l’apartheid et l’avènement de la démocratie.

Premier ministre du « bantoustan » zoulou – une des entités territoriales pseudo « indépendantes » assignées aux noirs sous l’apartheid -, Buthelezi est élu député en 1994 et nommé ministre de l’Intérieur dans le Gouvernement d’unité nationale de Mandela. Pour certains, son héritage restera un sujet de débat dans le futur, même si la fondation à son nom a appelé à cesser de perpétuer de « vieux mensonges ».

« On a tous un passé. Mais pour moi, Buthelezi était le meilleur« , n’hésite pas à dire une proche, Fisokhule Buthelezi, 45 ans, portant fièrement un béret siglé de l’Inkatha.

Des militants du parti nationaliste Inkhata chantent devant la maison funéraire où repose Mangosuthu Buthelezi, le 15 septembre 2023 à Ulundi, en Afrique du Sud.