Niger: Le pouvoir de l’officier Tiani imperméable aux pressions internationales, le PNDS dénonce l’arrestation de plusieurs de ses cadres

Afriquinfos Editeur
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Manifestation de soutien aux putschistes devant l'Assemblée nationale du Niger, à Niamey, le 30 juillet 2023.

Les militaires qui ont pris le pouvoir au Niger ont accusé lundi 31 juillet la France de vouloir « intervenir militairement », ce que Paris a démenti, après que les pays voisins ont menacé d’utiliser la force si le Président déchu Mohamed Bazoum n’était pas rétabli dans ses fonctions d’ici dimanche 06 août.

Photo diffusée sur la page Facebook du dirigeant tchadien Mahamat Idriss Déby Itno le montrant (g) à côté du Président nigérien déchu Mohamed Bazoum (d) à Niamey, le 30 juillet 2023.

Les pressions pour pousser les auteurs du coup d’Etat du 26 juillet à rétablir rapidement « l’ordre constitutionnel » s’accumulent, venant de l’ensemble des partenaires occidentaux et africains du Niger, pays jugé essentiel dans la lutte contre les groupes jihadistes qui ravagent certaines parties des pays du Sahel depuis des années. La France et les Etats-Unis, notamment, y déploient respectivement 1.500 et 1.100 soldats qui participent à la lutte anti-jihadiste.

La France, ex-puissance coloniale au Niger et soutien indéfectible du Président Bazoum, apparaît comme la cible privilégiée des militaires qui l’ont renversé. Ils l’ont accusée lundi de vouloir « intervenir militairement ».

« Dans sa ligne de conduite, allant dans le sens de la recherche des voies et moyens pour intervenir militairement au Niger, la France, avec la complicité de certains Nigériens, a tenu une réunion à l’état-major de la Garde nationale du Niger, pour obtenir des autorisations politiques et militaires nécessaires » afin de rétablir Mohamed Bazoum, a affirmé la junte dans un communiqué. En début de soirée, la cheffe de la diplomatie française, Catherine Colonna, a fermement démenti ces accusations.

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« C’est faux », a-t-elle déclaré sur la chaîne BFMTV. « Il faut démonter les intox et ne pas tomber dans le panneau », a-t-elle également déclaré à propos des slogans anti-français qui ont notamment fleuri lors d’une manifestation devant l’ambassade de France à Niamey dimanche. Des milliers de manifestants favorables au putsch militaire ont voulu entrer dans l’ambassade, avant d’être dispersés par des tirs de grenades lacrymogènes.

Dans un autre communiqué, les putschistes nigériens ont précisé que les tirs de gaz lacrymogène avaient fait « six blessés, pris en charge par les hôpitaux » de la capitale. Mme Colonna y a vu de son côté « une manifestation organisée, non spontanée, violente, extrêmement dangereuse, avec des cocktails Molotov, des drapeaux russes qui sont apparus, des slogans anti-français copiés-collés de ce que l’on peut avoir ailleurs », relevant « tous les ingrédients habituels de la déstabilisation à la mode russo-africaine ».

Interrogée ensuite sur le rôle de la Russie, elle a répondu: « Beaucoup pensent plutôt que c’est une démarche opportuniste » et « que la Russie essaie d’en profiter, c’est une hypothèse ». Le président français Emmanuel Macron avait menacé dimanche 30 juillet de répliquer « de manière immédiate et intraitable » à toute attaque contre les ressortissants de la France et ses intérêts au Niger.

M. Macron « suit activement la situation en cours » et continue d' »échanger » sur le sujet avec « le Président Bazoum », les dirigeants d’autres pays ouest-africains et « nos partenaires européens et internationaux », a assuré lundi 31 juillet l’Elysée.

– Ultimatum –

Dans un communiqué conjoint lundi 31 juillet, les ministères français des Affaires étrangères et de la Défense ont démenti toute utilisation de « moyen létal », en réponse à certains responsables nigériens qui ont évoqué auprès de la presse des tirs français à balles réelles sur les manifestants. Une nouvelle manifestation de soutien à la junte a eu lieu ce même lundi à Zinder, à 850 km à l’est de Niamey. Dimanche, les pays d’Afrique de l’Ouest avaient fixé un ultimatum d’une semaine à la junte militaire au Niger pour un « retour complet à l’ordre constitutionnel », affirmant ne pas exclure un « recours à la force » si ce n’était pas le cas.

La Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) a également décidé de « suspendre toutes les transactions commerciales et financières » entre ses Etats membres et le Niger, et de geler les avoirs des responsables militaires impliqués dans le coup d’Etat.

La France a salué « les décisions prises par les Chefs d’Etat » de la Cédéao rassemblés à Abuja, une réunion à laquelle a également participé le dirigeant tchadien Mahamat Idriss Déby Itno, dont le pays n’est pas membre de l’organisation ouest-africaine.

Il s’est ensuite rendu à Niamey où il s’est entretenu avec Mohamed Bazoum, retenu depuis le 26 juillet dans sa résidence présidentielle, et avec le général Abdourahamane Tiani, le chef de la junte. Le dirigeant tchadien a publié une photo de chacun de ses rencontres, dont la première image de M. Bazoum depuis sa séquestration.

– « Arrestations abusives »

L’Union européenne (UE) a prévenu lundi qu’elle tiendrait les putschistes responsables « de toute attaque à l’encontre de civils, et de personnel ou installation diplomatiques » et « appuiera rapidement et résolument » les décisions de la Cédéao.

L’Allemagne et l’Espagne ont annoncé suspendre leur aide au Niger. La Russie de son côté, dont le drapeau a été agité par des manifestants pro-junte à Niamey, a appelé « à un rétablissement au plus vite de la légalité dans le pays » et « à la retenue ». Le Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDS, au pouvoir), a dénoncé les « arrestations abusives » de quatre ministres – Intérieur, Pétrole, Mines et Transports -, d’un ancien ministre et du chef du parti, dans un communiqué transmis lundi à l’AFP. Des sources proches de la Présidence ont également fait part de l’arrestation du ministre de l’Enseignement supérieur.

Le Niger est l’un des pays les plus pauvres du monde, en dépit de ses ressources en uranium. Miné par les attaques de groupes liés à l’Etat islamique et à Al-Qaïda, il est le troisième pays de la région à subir un coup d’Etat depuis 2020 après le Mali et le Burkina Faso.

Photo diffusée sur la page Facebook du dirigeant tchadien Mahamat Idriss Déby Itno le montrant (g) à côté du chef de la junte Abdourahamane Tiani (d) à Niamey, le 30 juillet 2023.