Les ministres français des Affaires étrangères et des Armées ont affirmé vendredi à Niamey leur volonté d’approfondir le partenariat-clé de Paris avec le Niger sur les plans économique et militaire, à l’heure où la France cherche à redéfinir son offre stratégique en Afrique.
« Nous sommes là pour marquer l’engagement de la France aux côtés des autorités nigériennes », dans l’aide au développement et la lutte contre le terrorisme, a assuré la ministre française des Affaires étrangères, Catherine Colonna. « Nous sommes ici de façon à répondre le mieux possible aux besoins que vous exprimez », a-t-elle insisté, lors d’une conférence de presse avec le ministre français des Armées, Sébastien Lecornu et leurs homologues Hassoumi Massoudou et Alkassoum Indatou, à l’issue d’une entrevue avec le président Mohamed Bazoum.
Poussée hors du Mali par la junte au pouvoir depuis 2020, qui a fait appel aux services du sulfureux groupe paramilitaire russe Wagner, l’armée française se sera totalement retirée du pays à la fin de l’été, après neuf ans de lutte antijihadiste. La France poursuit néanmoins sa coopération avec le Niger voisin, devenu le partenaire central de Paris au Sahel. Plus d’un millier de militaires français et des capacités aériennes y seront maintenues pour fournir un appui feu et du renseignement aux armées nigériennes dans le cadre d’un « partenariat de combat » visant à sécuriser la zone frontalière avec le Mali.
Paris et Niamey ont par ailleurs signé vendredi un prêt de 50 millions d’euros pour le renforcement du réseau électrique nigérien et un don de 20 millions d’euros au profit du Niger, qui figure parmi les pays prioritaires de l’aide au développement française (143 millions d’euros en 2021).
Ces dix dernières années, l’Agence française de développement (AFD) a multiplié par dix ses engagements au Niger. La France va également augmenter de 66% son aide alimentaire au profit du Niger en 2022, à 8 millions d’euros, « à un moment difficile pour la sécurité alimentaire mondiale » en raison de la guerre en Ukraine, a annoncé Mme Colonna.
« Si nous ne gagnons pas la guerre du développement, nous perdrons à terme la guerre contre le terrorisme », a commenté son homologue nigérien, M. Massoudou.
– Nouvelle philosophie –
Le partenariat entre Paris et Niamey sur le plan sécuritaire a également fait l’objet d’échanges sur les besoins de l’état-major nigérien. Au Sahel, la philosophie des interventions militaires françaises a évolué: plus question pour les soldats d’agir seuls, mais seulement en deuxième ligne, en appui des forces locales et en fonction de leurs demandes. Une manière de réduire la visibilité de leur action, qui agit comme un irritant dans les sociétés africaines, tout en restant présents dans cette zone d’influence historique.
Outre la menace jihadiste, « il y a une nouveauté qui nous tient à coeur, c’est de nous intéresser davantage à (…) la guerre de désinformation, aux menaces cyber qui sont tout aussi importantes », a également affirmé M. Lecornu, alors que les Russes mènent en Afrique de l’Ouest une stratégie agressive d’influence à coup de campagnes anti-françaises massives sur les réseaux sociaux. Les deux ministres français étaient attendus dans l’après-midi sur la base militaire nigérienne de Ouallam, au nord de Niamey. C’est de là que sont pilotées les opérations conjointes d’environ 300 soldats français et des Forces armées nigériennes (FAN) à proximité de la frontière malienne, face aux jihadistes liés à Al-Qaïda ou au groupe Etat islamique.
Les Nigériens viennent de consentir à ce que ces militaires français soient co-localisés sur leur base de Ouallam. Les ministres français visiteront également le village de Simiri près de Ouallam, où la France finance notamment un projet de lutte contre la malnutrition infantile.
A l’issue de son déplacement au Niger, Sébastien Lecornu se rendra samedi en Côte d’Ivoire pour y rencontrer le président Alassane Ouatarra et rendre visite aux Forces françaises en Côte d’Ivoire (FFCI). Ces visites interviennent alors que le président Emmanuel Macron souhaite redessiner la stratégie de l’ancienne puissance coloniale en Afrique, afin d’éviter un déclassement stratégique à l’heure d’une compétition accrue sur la scène internationale.
« J’ai demandé aux ministres et au chef d’état-major des Armées de repenser d’ici à l’automne l’ensemble de nos dispositifs sur le continent africain », a-t-il déclaré mercredi.
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