La disparition d’Idriss Déby Itno, coup dur pour la lutte régionale anti-djihadisme

Afriquinfos Editeur
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Stabiliser la région tchadienne

N’Djamena (© 2021 Afriquinfos)- La brusque disparition du Maréchal Idriss Déby Itno ce 20 avril plonge la lutte anti-djihadiste engagée au Sahel depuis janvier 2013 par une large coalition internationale dans une somme d’incertitudes géostratégiques et techniques.

De l’opération Serval à la mise en place de l’opération régionale Barkhane ou encore la mise en route de la Force conjointe du G5-Sahel, le Tchad occupe une place stratégique dans le dispositif militaire qui permet de contrer le péril djihadiste au Sahel. D’une part parce que la France dispose sur le sol tchadien d’une base aérienne qui lui permet de se projeter rapidement en Afrique centrale et au Sahel. Et d’autre part parce que le Tchad est l’un des rares Etats sahéliens à disposer «d’une armée réputée professionnelle et aguerrie», de l’avis de plusieurs spécialistes du monde militaire. Ces 20 dernières années, l’aura militaire du Tchad s’est davantage renforcée dans la sous-région via la résilience de ses troupes face à de rudes attaques rebelles (à relents politico-militaires et ethniques), même si le rôle de Paris a toujours été décisif dans la préservation du pouvoir à N’Djamena. Ce fut le cas en 2006 et surtout en 2008. Feu le Maréchal Itno était aussi le seul dirigeant de la région à descendre personnellement sur la ligne de front pour combattre tous types d’insurgés, sur des terrains d’affrontements éminemment dangereux. 

Une donne géostratégique qui soulève plusieurs interrogations après la disparition brusque du leader Déby Itno, personnage-clé dans la définition de la stratégie militaire de son pays depuis 1991. Lui-même militaire de formation (formé au Tchad puis en France), Idriss Déby Itno, 68 ans, avait ardemment œuvré sur le front diplomatique pour que son pays occupe une place-clé dans l’architecture diplomatique et militaire anti-djihadiste au Sahel. C’est le cas au sein  de la MINUSMA au Mali ou encore d’autres forces sous-régionales.  

 La mort du dirigeant tchadien efface ainsi à la fois un combattant téméraire et volontariste de premier plan au Sahel, renforce les incertitudes régionales autour de la future place des armées tchadiennes dans les combats dans la sous-région, tant la gestion du pouvoir tchadien était fortement centralisée. Un pouvoir rétif aux principes démocratiques basiques depuis plusieurs décennies et qui fait face à une kyrielle de dissensions ethniques, en interne, d’un côté (comme l’ethnie zagawa des Déby), et de l’autre à une série de mouvements rebelles hétéroclites et très divergents entre eux-mêmes autour de la finalité de leur lutte.  

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Des zones d’ombre tenaces qui le passage à témoin du pouvoir ce 20 avril à Mahamat Déby Itno (fils du défunt président Déby) va consolider, puisque cette dévolution du pouvoir viole les textes constitutionnels de ce vaste Etat, digue naturelle entre l’Afrique de l’ouest et l’Afrique centrale. 

 E. G.