Mali/Des exécutions assimilables à des violations des droits humains à Dioura?

Afriquinfos
5 Min de Lecture

BAMAKO (© 2018 Afriquinfos) – Une association peule et des proches de 14 suspects tués pendant leur détention par l’armée malienne dans le centre du pays ont dénoncé ce 08 avril 2018 des « exécutions sommaires », tandis que le ministre de la Défense annonçait une enquête du procureur militaire. L’armée malienne avait affirmé vendredi dernier que « suite à une présumée tentative d’évasion, quatorze suspects terroristes ont trouvé la mort le 6 avril 2018 à Dioura » (centre), où ils avaient été arrêtés la veille avant d’être remis à des militaires maliens.

 

Dans un communiqué rendu public dimanche soir, le ministre malien de la Défense, Tièna Coulibaly, a exprimé sa «vive préoccupation» à la suite de la mort à Dioura de «suspects terroristes arrêtés le 5 avril en possession d’armes de guerre», sans mention d’une éventuelle tentative d’évasion. «Le procureur militaire a été saisi pour diligenter les enquêtes appropriées de manière à faire toute la lumière sur cet incident et traduire les éventuels auteurs en justice», rassurait le ministre dans son texte.

Cet officiel a de ce fait enjoint les forces armées maliennes à «poursuivre leur mission de sécurisation des personnes et des biens avec professionnalisme et dans le strict respect des droits de l’Homme». Prenant le contre-pied des autorités maliennes, dans une déclaration citée par l’AFP, Nouhoum Sarr, membre de Tabital Pulaaku (principale Association de la communauté peule au Mali), souligne «qu’il ne s’agissait pas du tout d’une tentative d’évasion. Nos sources sont sûres. Ces personnes ont été victimes d’exécutions sommaires», a corroboré M. Sarr, précisant disposer des noms des victimes. Deux proches des personnes tuées ont également affirmé qu’il s’agissait d’exécutions sommaires, ont rapporté nos confrères de l’AFP. «Mon cousin Moussa Nay Diallo fait partie des gens tués. Ils n’ont pas essayé de fuir, parce qu’ils n’ont rien à se reprocher. Ils ont été tués par des militaires», a même déclaré à l’AFP l’un de ces proches, habitant de la localité. La minorité peule du centre du Mali affirme être systématiquement soupçonnée de collusion avec le groupe armé du prédicateur jihadiste peul Amadou Koufa, apparu en 2015 dans la région. Le 3 avril dernier, Amnesty International avait appelé les autorités du Mali à faire la lumière sur des exécutions extrajudiciaires dans le centre du pays où six corps ont été récemment retrouvés dans une fosse commune.

- Advertisement -

«Il faut arrêter de culpabiliser l’armée malienne ; je n’exclus pas une bavure dans ce dossier (…) L’armée du Mali est soutenu par le peuple malien, et a le moral au beau fixe. Il n’y a pas de dissidents au sein de nos forces de sécurité. Nous sommes déjà en guerre, et c’est un problème énorme auquel nous faisons déjà face. Il ne faut pas en rajouter», a défendu  sur RFI ce lundi matin le ministre Tièna Coulibaly. Promettant des sanctions si les allégations de bavure s’avèrent justes.

Le nord du Mali est tombé depuis mars 2012 sous la coupe de divers groupes jihadistes liés à Al-Qaïda (nébuleuse terroriste internationale). Ces groupes dont certains ont des origines obscures ont envahi le Sahel après l’assassinat de Mouammar Kadhafi le 20 octobre 2011, suite à l’attaque de son pays par une coalition occidentale conduite par la France, la Grande-Bretagne et les USA, avec pour principal argument d’éviter «un bain de sang en Libye». Un accord de paix signé en mai 2015 entre les principaux acteurs de l’actuelle crise malienne de 2012 et censé ramener progressivement la souveraineté du pouvoir central sur de larges superficies du pays demeure non-appliqué, essentiellement à cause de la mauvaise foi des uns et des autres.

Depuis 2015, des attaques jihadistes se sont ainsi étendues au centre et au sud du Mali et le phénomène déborde sur les pays voisins, en particulier le Burkina Faso qui a déjà a payé depuis 2016 un lourd tribut à la dislocation de l’Etat libyen et la dissémination de l’arsenal du régime de Kadhafi dans le Sahara.

 

Par BELLA EDITH avec AFP