Tribune: Pour un nouveau réalisme africain dans nos partenariats internationaux

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(FILES) This handout photograph taken and released by RIA Novosti on June 17, 2023, shows Russian President Vladimir Putin (L) shaking hands with South Africa's President Cyril Ramaphosa (R) ahead of a meeting with delegation of African leaders at the Constantine (Konstantinovsky) Palace in Strelna, outside Saint Petersburg. Russia's President Vladimir Putin will not attend a BRICS nations summit in South Africa in August, South Africa's presidency said on July 19, 2023 ending months of speculation. (Photo by Ramil Sitdikov / RIA NOVOSTI / AFP)

ABIDJAN (© 2025 Afriquinfos)- Les récentes négociations sur l’issue du conflit en Ukraine engagées par les USA et la Russie sans d’ailleurs la participation des principaux concernés, les Ukrainiens eux-mêmes et leur étranger proche européen qui en subissent la majeure partie des conséquences directes et indirectes de cet affrontement, doivent être un enseignement pour les Etats africains.

Elon Musk jubilant lors d’un meeting de Donald Trump (DR, AFP).

Il n’y a pas d’avenir ni d’espoir dans des relations équilibrées avec ces deux Etats, tout le moins avec leurs Administrations actuelles. Ce n’est d’ailleurs pas un phénomène nouveau. Ils l’ont chacun démontré au cours de leurs histoires dans leurs sphères d’influence respectives. Mais aujourd’hui, l’acceptation résignée voire souhaitée des opinions publiques de l’expression brute de la volonté de puissance expose aux yeux de tous ce qui auparavant faisait l’objet de manœuvres secrètes et de jeux d’ombres.

Les apparences ne sont même plus préservées. Entre une Russie poutinienne qui cherche à s’accaparer par la force du territoire souverain d’un pays voisin et provoquer un changement politique au sein de celui-ci, et une Amérique trumpienne qui veut imposer un pillage économique de l’Ukraine et balaye d’un revers de main les considérations sécuritaires, humaines et morales de base en espérant désarrimer la Russie de la Chine, nous assistons tous à la matérialisation de ce proverbe: «Lorsque deux éléphants se battent, c’est la savane qui est piétinée».

Aujourd’hui la savane est européenne, mais elle a déjà été et sera encore demain probablement aussi africaine. Or, l’Afrique, comme tous les autres espaces géographiques et économiques mondiaux, ne peut se réaliser sans prendre part au concert des nations. Bien que le continent soit finalement presque une très grande île, il n’y a pas d’avenir dans l’isolationnisme.

Il faut donc choisir des partenaires qui renforceront sa capacité à atteindre ses objectifs. Quels sont-ils ? Créer un modèle politique endogène. Réussir une Union sinon politique, au moins économique et d’idéal. Assurer la sécurité humaine de sa population et lui fournir les moyens de sa libre expression et de son épanouissement. Peser diplomatiquement sur la course du monde. Se préparer à affronter les enjeux environnementaux dont nous ne percevons encore que les premiers effets.

Sont-ils compatibles avec les comportements manifestés par les grandes puissances? Non. L’Amérique est entré dans une phase ouverte de diplomatie transactionnelle, d’un donnant-donnant biaisé par une relation assumée du fort au faible.

La fin de l’USAID, premier bailleur mondial, aura des conséquences sociales désastreuses qui illustrent son désintérêt pour les populations qui ne servent pas son projet politique. La Russie habille sa politique étrangère agressive d’un discours libérateur pour faire oublier qu’elle n’a pas les moyens d’assurer une aide multiforme.

 Se faisant, elle exploite les Etats faibles et tord le droit international qui, malgré tous ses défauts, fixait un horizon plus harmonieux que celui de la loi du plus fort. La Chine enfin, asservit par la dette, assomme les industries africaines embryonnaires par son dumping, achète des terres dans le dos des populations et noue des deals avec les autorités politiques sans se préoccuper des effets sociaux et environnementaux.

Il ne s’agit pas bien sûr pour les Etats de couper les relations avec ces pays, incontournables sur l’échiquier mondial et d’ores et déjà bien implantés sur le continent. Il faut en revanche comprendre la nature des rapports et fixés les axes prioritaires de coopération. Où sont-ils?

En premier lieu, et de façon urgente et indispensable: entre Etats africains. Il n’y aura pas de succès individuel en avançant et en négociant de façon fragmentée. En second lieu, développer de véritables relations trans-océaniques, celles sous-tendant le concept un peu vague de Sud Global.

Il y a plus de similarités géographiques et économiques, et donc de synergies possibles entre la République Démocratique du Congo et le Brésil, qu’entre la RDC et la Chine. Il en va de même pour la Côte d’Ivoire et la Malaisie, entre la Corée du Sud et l’Ethiopie. Les potentiels sont légion. Mais pour l’essentiel, les relations ne sont à ce stade que peu développées. Et le Sud Global n’est pas encore en mesure de s’imposer seul comme une quatrième voie entre les trois puissances.

Ironiquement, il est donc indispensable de recréer une relation avec l’Europe. Certes, celle-ci n’est plus aussi attractive qu’auparavant, traversée par des courants nationalistes, économiquement en difficulté, perdue dans des débats sociétaux, et est politiquement affaiblie. Mais, c’est justement plus que jamais une opportunité pour définir une relation véritablement équilibrée.

Nous partageons des valeurs, une histoire (forcée), des espaces géographiques tels que la Méditerranée. Et désormais un intérêt commun compréhensible par tous, au-delà des rancunes passées et des tensions présentes: pour sauver le multilatéralisme et une certaine vision des relations internationales, fondées sur les droits des peuples et les droits de l’Homme.

Soyons réalistes: construisons cet avenir commun.

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