Mali: Critiques vives de l’Opposition face la nouvelle prorogation du mandat du Général Assimi Goïta

Afriquinfos Editeur
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Le Général Assimi Goita (Dr-Twitter Assimi Goita)

Bamako (© 2025 Afriquinfos)- L’opposition malienne s’oppose à la prorogation du mandat du Général Assimi Goïta, une prorogation justifiée par la situation sécuritaire. Les opposants promettent de ne pas se laisser faire et de résister à ce qu’ils qualifient désormais de « dictature », sans dévoiler comment ils comptent contourner le risque de répression, très dissuasif.

Un projet de loi prévoit d’accorder au président de transition un mandat de cinq ans. Selon le communiqué officiel, ce mandat présidentiel pourra être reconduit ‘’jusqu’à la pacification totale’’ du territoire malien, mais aussi de ceux du Niger et du Burkina Faso. Autrement dit : sans limite de temps clairement définie. À 41 ans, Assimi Goïta se voit ainsi conforté à la tête du pays pour une durée indéterminée, sans passer par les urnes.

 Cette décision suscite des tensions et des critiques quant à la durée du mandat et aux justifications avancées. Plusieurs opposants notent le caractère anticonstitutionnel du projet de loi et d’un tel maintien au pouvoir sans élections, mais ne se font plus d’illusions. ‘’La réelle intention des militaires est de rester au pouvoir, constate, désabusé, un ancien ministre, le reste n’est que de l’habillage’’.

’Au moment où nos soldats sont massacrés, ils ne pensent qu’aux délices que le pouvoir usurpé leur procure’’, fustige un autre ancien ministre, qui dénonce ‘’un nouveau coup d’État, cette fois-ci constitutionnel’’. ‘’Le Mali vaut mieux qu’un mandat volé, poursuit ce pilier du mouvement pro-démocratie, mais le peuple, tôt ou tard, leur retirera ce qu’ils ont cru pouvoir garder par la force’’.

’Nous abordons l’une des phases les plus sombres de notre pays’’, pose enfin un cadre de l’opposition, qui appelle à résister ‘’par tous les moyens possibles’’. Mamadou Ismaïla Konaté: «La Transition devait être une parenthèse, elle devient un projet de gouvernement militaire à long terme».

L’ancien ministre Mamadou Ismaïla Konaté n’est rattaché à aucun parti, mais l’avocat s’est progressivement mué en farouche opposant politique des autorités maliennes de transition ces dernières années. Installé hors du Mali, Me Konaté exprime librement son indignation :

‘’Cette Transition devait être une parenthèse de rétablissement institutionnel, elle devient un projet de gouvernement militaire à long terme, sans base populaire, sans contrôle parlementaire, et sans aucun chronogramme électoral. Nous sommes installés dans une dictature militaire, plus personne n’en a le doute.

Ce maintien au pouvoir n’est ni légitime ni légal, parce qu’il ne résulte d’aucun processus électoral ou référendaire. On s’est contenté de réunir un certain nombre de personnes dans une salle pour les appeler les  »forces vives » : ce n’est ni plus ni moins qu’un autre coup d’État. Celui-ci est constitutionnel, et le but est d’installer de façon durable un pouvoir militaire sans aucune base légale’’.

Une prorogation de mandat justifiée

La situation sécuritaire est invoquée pour justifier la décision d’octroyer au président de transition du Mali, le général Assimi Goïta, ‘’un mandat de 5 ans renouvelable à partir de 2025’’. Le projet de loi adopté le 11 juin en conseil des ministres pour modifier la Charte de la transition sera bientôt soumis au Conseil national de transition.

Ce maintien au pouvoir du président et de l’ensemble des institutions de la transition, sans élections et sans limite de temps, n’a surpris personne. Les militaires au pouvoir avaient pourtant promis de ne pas s’y attarder, de sécuriser le pays, de réformer les institutions et d’organiser des élections.

Cinq ans plus tard, la période de transition a plusieurs fois été prolongée et les élections annoncées reportées. Les Maliens qui avaient cru à ces promesses sont désormais fixés.

Oumar Berté, avocat, politologue, et chercheur associé à l’Université de Rouen, souligne: «On l’a vu venir. Je pense que la transition passe maintenant dans une nouvelle phase. Il n’y a plus aucune perspective électorale, plus aucune perspective de fin de transition. On en revient à la case départ, avant la restauration de la démocratie dans les années 1990. Ça clarifie les choses ! Il n’y a aucune volonté de laisser le pouvoir et de repartir dans les casernes».

La dissolution, le mois dernier, des organisations politiques du pays, empêche toute velléité d’opposition, sous peine de sanction. Si certaines voix, en exil notamment, dénoncent les atteintes aux droits des Maliens et la confiscation du pouvoir, les autorités de transition ont verrouillé toute perspective de mobilisation au Mali.

Oumar Berté ajoute : ‘’Il est certain que les partis politiques dissous vont tenter de s’organiser, ceux qui sont en exil et ceux qui sont encore sur place. Mais pour tous ceux qui sont sur place, toute tentative de s’organiser pour s’opposer à cette mesure va être étouffée non seulement par la violence – comme ça a été récemment le cas avec des enlèvements et des kidnappings – et la justice’’.

V. A.