La dernière grève en date des transporteurs rappelle l’urgence de la fin de la dépendance de la Centrafrique de ses voisins

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Des camions garés sur un parking à Garoua Boulaï, à la frontière entre la Centrafrique et le Cameroun, le 8 janvier 2021.

Au marché Boy-Rab à Bangui, 1.000 FCFA (1,52 euros) ne suffisent plus pour un sachet de café, du savon et du sucre à cause d’une grève lancée par les transporteurs camerounais après la mort d’un des leurs dans une fusillade survenue la semaine dernière sur la route vers la capitale.

‘En l’espace de 24h, certaines denrées comme le sucre et l’huile qu’on achète souvent pour le petit déjeuner ont grimpé beaucoup trop vite’, peste amèrement Grâce-à-Dieu Ndomoyando, 30 ans, avant de renoncer à ses achats. Les chauffeurs routiers camerounais ont cessé leurs livraisons en dénonçant un « assassinat » perpétré selon eux par les paramilitaires russes de Wagner et en demandant que les autorités des deux pays prennent des mesures pour rétablir la sécurité.

Antoine Bissa, un pharmacien de Bangui, dans sa boutique le 21 février 2022.

Mercredi 27 novembre 2024, la ministre centrafricaine des Affaires étrangères Sylvie Baïpo-Temon a assuré qu’une enquête était en cours sur ce décès lié à « un échange de coups de feu » et qu’une « rencontre était prévue au niveau gouvernemental avec la partie camerounaises pour poursuivre les discussions » déjà engagées sur le sujet. ‘La République centrafricaine veille à ce que tous ceux qui compromettent la paix rendent compte de leurs actes’, a-t-elle déclaré au cours d’un point de presse sans vouloir se prononcer sur la possible implication des mercenaires russes.

Depuis la fusillade, survenue à Bogoin, à 166 km au nord-est de Bangui, sur le « corridor » routier menant à Douala, les chauffeurs camerounais refusent d’emprunter la route qui relie la capitale centrafricaine et Douala, grand Port et capitale économique du Cameroun. Depuis, « les denrées sont difficiles voire impossibles à trouver, si par chance nous les boutiquiers arrivons à en trouver, c’est à un coût très exorbitant », justifie Magloire Guerematchi, 27 ans, propriétaire d’une échoppe au marché de Bangui.

Une palette de savon qui coutait 5.500 FCFA (8,38 euros) il y a quelques jours peut désormais atteindre 6.350 FCFA (9,68 euros). D’autres produits essentiels comme le sucre et l’huile ont fortement augmenté.

« Pour se faire du profit, il faudrait réduire les quantités et augmenter les prix car nous aussi on doit pouvoir subvenir aux besoins de nos familles », ajoute le commerçant. « Cela impacte non seulement nos bénéfices, mais aussi notre capacité à maintenir nos stocks », dit-il.

– Axe vital-

Enclavée au coeur de l’Afrique centrale, la Centrafrique, l’un des pays les plus pauvres du monde, est largement dépendante des importations, dont 40,2% provenaient du Cameroun en 2022, d’après les chiffres de l’International Trade center. Située à la frontière avec le Cameroun, Garoua-Boulaï, à 725 km à l’ouest de Bangui, est la plaque tournante de l’axe routier vital pour l’approvisionnement en marchandises en provenance du Cameroun, du Nigeria et du Tchad. ‘Les camions sont chargés mais ils sont à l’arrêt car les chauffeurs ont peur pour leur sécurité’, explique au téléphone Hamadou Djika, au nom de l’Intersyndicale des transporteurs camerounais qui a déposé un préavis de grève vendredi 22 novembre 2024.

Au téléphone depuis Garoua-Boulaï, Maxime Molako, un chauffeur centrafricain qui fait régulièrement le trajet « compatit » avec ses collègues camerounais en grève. « Il est essentiel de trouver un équilibre qui assure la sécurité de tous, et permette une circulation fluide des marchandises », espère-t-il.

‘Nous espérons que cette grève ne va pas prendre de l’ampleur, sinon il y aura plusieurs produits que nous ne pourrons plus proposer, comme le riz et l’huile », car « nous ne produisons rien ici », commente Magloire Guerematchi derrière son comptoir.

– Conflits armés –

En 2015, les camionneurs centrafricains et camerounais avaient déjà cessé leurs activités pour protester contre les attaques de groupes armés en Centrafrique, et le pays avait connu pénuries et flambée des prix.

En 2021, plusieurs centaines de camions étaient restés bloqués à la frontière camerounaise pendant 50 jours à la suite d’un blocus imposé par des groupes rebelles. Bangui n’avait connu aucune pénurie grave, mais les prix des denrées de base y avaient considérablement augmenté.

La Centrafrique, où selon la Banque mondiale, 71% des plus de 6 millions d’habitants vivent en dessous du seuil de pauvreté, a été secouée par une succession de guerres civiles, coups d’État et régimes autoritaires depuis son indépendance de la France en 1960, est en proie à des guérillas multiformes menées par des groupes armés.

Fin 2020, le régime du Président Faustin Archange Touadéra a fait appel à Moscou et obtenu l’envoi de centaines de paramilitaires de la société privée Wagner pour repousser la rébellion loin de Bangui. Depuis, les conflits ont baissé en intensité mais des poches de violences subsistent. Les ripostes de l’Armée centrafricaine et de leurs alliés de Wagner concourent à l’éclatement des groupes rebelles qui, déstabilisés dans leurs bastions, se déploient en unités restreintes pour mener des attaques sur les axes routiers et les sites miniers.

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