Bogota (© 2024 Afriquinfos)- Dans un pays où près de 9% des 50 millions d’habitants sont d’origine africaine, Francia Marquez est devenue en 2022 la première femme noire vice-présidente de Colombie. Celle dont les ancêtres ont été déportés d’Afrique au XVII e siècle pour travailler comme esclaves dans les colonies espagnoles, continue deux ans plus tard (malgré les critiques et le racisme ambiant dans ce pays d’Amérique latine) à assurer ses fonctions. Aux côtés du Président Gustavo Petro, dont elle était la colistière.
Jamais une femme noire, n’avait atteint ce niveau de responsabilité en Colombie. Née dans une famille pauvre de la région de Cali, Francia Marquez a grandi, à La Toma, un village se situant sur les contreforts de la Cordillera occidentale Là où, au tout début de la colonisation, les Espagnols ont amené les premiers esclaves venus d’Afrique pour travailler dans les mines d’or. La jeune fille est devenue mère célibataire à seize ans, a fui son pays sous les menaces de mort, a étudié le droit et est devenue une écologiste de premier plan. Remportant le prix Goldman, connu comme le prix Nobel des écologistes.
C’est en défendant les terres de ses ancêtres, lors d’une marche des Turbans avec d’autres femmes, que Francia Marquez s’est faite connaître. Quelques années plus tard, elle rentre dans l’histoire.
Le 7 août 2022, Francia Marquez a prêté serment et devenait à 41 ans la première afro-descendante, Vice-présidente du pays. A cette occasion, elle n’a pas manqué de rappeler ses origines africaines: « Je jure aussi devant mes ancêtres, hommes et femmes, jusqu’à ce que la dignité devienne une habitude« . En envoyant ce message dans l’au-delà à ses aïeuls, à ceux de sa lignée, elle a perpétué une tradition proprement africaine, jadis rappelée par l’ancien Président guinéen Sékou Touré: « Nous, Africains, nous croyons fermement que les morts continuent d’être vivants à nos côtés, nous sommes des sociétés de morts et de vivants ».
Il faut dire que son accession aux hautes sphères du pouvoir a révélé le racisme caché qui persiste en Colombie. Une animosité qui a pris de l’ampleur quand en 2023, Francia Marquez a décidé de faire une tournée en Afrique. Un séjour qui l’a menée en Afrique du Sud, au Kenya, au Ghana et en Éthiopie.
La droite conservatrice a vivement critiqué ledit voyage, parlant de «safari» ou de «fête en Afrique». Une polémique à laquelle elle a répondu: «C’est une forme d’attaque vicieuse. Je suis déjà allée en Europe et aux États-Unis, et personne n’a regardé combien j’avais dépensé», a rétorqué la Vice-présidente.
«Le problème c’est qu’il s’agit de l’Afrique et qu’ils ont une vision coloniale qui ne leur permet pas de voir plus loin. Cette tournée doit « renforcer les relations diplomatiques, alors que pendant de nombreuses années, la Colombie a tourné le dos au continent africain, et que le moment est important » pour le regarder comme un partenaire», a-t-elle justifié. Francia Marquez avait élu reçu le soutien du Président Gustavo Petro sur le sujet: « La Colombie doit s’adresser au monde entier, à toute l’humanité. Dans notre pays, il y a des Noirs et des Mulâtres, nous venons aussi d’Afrique. La culture et les intérêts communs nous rassemblent », avait-il défendu.
Outre le racisme, l’Afro-colombienne doit également composer avec la violence qui mine le pays. Elle-même a échappé de justesse à un attentat en janvier 2023. Sept kilos d’explosifs ont été découverts sur le trajet qui mène à la résidence de ses parents. Pas de quoi lui faire peur. La première femme noire Vice-présidente de la Colombie se sent investie d’une mission: «Je sens que je ne suis pas arrivée à la Vice-Présidence toute seule, que ma présence ici répond à la lutte qu’ils ont menée depuis 500 ans. Je sens que ne suis pas ici par hasard, mais parce que d’autres ont préparé le chemin», rengaine-t-elle d’habitude.
Boniface T.