Mozambique: Perspectives sombres pour le ‘Dialogue national’ sans Venancio Mondlane

Afriquinfos Editeur
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Des Policiers devant un rassemblement de partisans du leader de l'opposition Venancio Mondlane à Maputo, le 15 janvier 2025 au Mozambique.

Un Dialogue national a été annoncé et une « flamme de l’unité » allumée, mais de nombreux Mozambicains restent sceptiques quant à la volonté du Gouvernement de répondre aux profondes divisions nées des dernières élections.

Le Président Daniel Chapo a annoncé ce dialogue en mars 2025, après avoir pris les commandes de ce pays de 33 millions d’habitants qui a été pendant des semaines le théâtre de manifestations contre les résultats du scrutin d’octobre 2024, au cours desquelles des dizaines de personnes ont été tuées. Un dialogue dirigé par une Commission de 18 personnes qui doit parcourir le pays pour écouter les préoccupations qui ont éclaté au grand jour lors des dernières élections, du chômage des jeunes aux accusations de clientélisme de l’État.

Le principal opposant, Venancio Mondlane, lors d’une conférence de presse à Maputo, le 10 mars 2025 au Mozambique.

Tous les partis politiques y sont représentés, et trois places réservées à la Société Civile doivent être pourvues d’ici juillet 2025. Mais le grand absent de ce processus reste le leader de l’opposition, Venancio Mondlane, qui a alimenté les manifestations en se déclarant vainqueur et en dénonçant des résultats officiels qu’il juge truqués. « Exclure Mondlane signifie aussi exclure ses partisans », estime l’analyste Andre Mulungo, du Centre pour la démocratie et les droits de l’Homme.

Très apprécié des jeunes, M. Mondlane a bousculé le parti Frelimo comme jamais en 50 ans de pouvoir. Sa campagne mobilisatrice a transformé le paysage politique et relégué au second plan l’Opposition traditionnelle. Sans lui dans la Commission du dialogue, le processus est fragilisé, estime M. Mulungo, pour qui « ses partisans risquent de se sentir exclus et d’en rejeter les conclusions ».

– « Enorme déception » –

Lorsque M. Mondlane a mis fin aux manifestations après plusieurs semaines, le bilan s’élevait à près de 390 morts selon l’ONG Plataforma Decide. D’après cette ONG, les victimes sont majoritairement des manifestants tués lors de la répression du mouvement, qui a aussi fait des dizaines de blessés et provoqué des centaines d’arrestations. Le pays riche en gaz mais très pauvre a connu là sa pire crise depuis la fin de la guerre civile en 1992. Les conséquences économiques sont lourdes: 500.000 dollars de dégâts et 50.000 emplois détruits, selon le Gouvernement.

« Il y a encore une énorme déception dans la population à propos de la brutalité des autorités », selon l’analyste politique Joao Feijo pour qui « l’État doit assumer la responsabilité des dommages causés. » M. Feijo pense que le Frelimo organise ce Dialogue pour en fait asseoir son autorité. « Je pense que cela échouera parce que le Frelimo n’est pas prêt à s’éloigner du pouvoir », ajoute-t-il.

Pour Wilker Dias de Plataforma Decide, le processus est « excluant » parce que les jeunes n’y sont pas représentés. L’Opposition « est une victime du régime », dit-il.

– Symboles contre réalité –

Venancio Mondlane cherche depuis des semaines à obtenir l’autorisation d’enregistrer son nouveau parti, Anamalala, ce qui signifie « C’est fini », en référence à sa promesse de campagne de mettre fin à la corruption. Ses partisans, souvent des jeunes que sa campagne a politisés, restent optimistes: « Notre combat doit réussir et nous restons derrière lui », assure Candido Guambe. Pour une autre jeune militante, Celia Mucondo, « l’État échoue à gérer nos problèmes » et l’argent dépensé pour ce dialogue va « encore aggraver » la situation du pays. 

Le fait que le processus devrait durer des mois, peut-être jusqu’aux municipales de 2028, ajoute au scepticisme quant à la possibilité qu’il entraîne un véritable changement. La « flamme de l’unité » initiée par Daniel Chapo en avril 2025 sillonne le pays avec un écho limité. Elle doit arriver à Maputo le 25 juin, jour du 50e anniversaire de l’indépendance du pays vis-à-vis du Portugal.

« On n’unit pas les gens avec des flammes », commente M. Mulungo. « On unit avec une bonne gouvernance, de l’inclusion, et en éliminant l’exclusion et la marginalisation ».

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