Le principal opposant mozambicain, Venancio Mondlane, a accusé mardi 22 octobre 2024 les Forces de sécurité d’avoir assassiné son avocat, abattu au cours du week-end alors qu’il préparait un recours contre des fraudes lors des élections générales du 9 octobre.
Ce scrutin pour élire le Président et le Parlement est entaché par des ‘altérations injustifiées des résultats des élections au niveau des bureaux de vote et des districts’, ont estimé ce 22 octobre les observateurs de l’Union européenne, au langage d’ordinaire prudent, à quelques jours de l’annonce pressentie des résultats officiels. Se revendiquant vainqueur face au Frelimo, parti au pouvoir depuis un demi-siècle, Venancio Mondlane a appelé à ‘paralyser le pays d’Afrique australe jeudi et vendredi, annonçant qu’une ‘opportunité, un climat, une atmosphère révolutionnaires se présentent‘.

La tension pourrait s’intensifier dès mercredi 23 octobre avec l’enterrement d’Elvino Dias. L’avocat de Venancio Mondlane a été pris dans une embuscade et tué à bout portant dans la nuit de vendredi à samedi à Maputo, quand sa voiture a été bloquée par deux véhicules dont ont surgi des hommes armés. ‘Cela ne fait aucun doute, ce sont les forces spéciales qui ont tué Elvino de 25 coups de feu‘, a asséné l’opposant charismatique lors d’une vidéo diffusée en direct sur Facebook. ‘Cela n’a rien à voir avec une affaire passionnelle, il s’agit d’un crime commis par les Forces de défense et de sécurité‘, a-t-il souligné, accusant la Police de lier le double meurtre au règlement de compte d’un mari jaloux.
Un autre passager a été tué, Paulo Guambe, un responsable du parti Podemos qui a soutenu la candidature à la présidence de celui que son jeune électorat nomme simplement ‘Venancio’. Selon les évêques catholiques du Mozambique, l’embuscade visait ‘à réduire au silence, si ce n’est la vérité, du moins la démocratie‘. Ils ont aussi relevé ‘une fraude flagrante‘ lors des élections. ‘Les irrégularités et les actes frauduleux, perpétrés à grande échelle en toute impunité, ont renforcé le manque de confiance dans les institutions électorales’, a déploré l’archevêque Inacio Saure dans un communiqué.
– « Tête mise à prix » –
Après un appel à la grève générale lundi 21 octobre 2024, qui s’est traduit par des opérations ville morte dans plusieurs agglomérations, notamment Maputo et Beira, l’ancien animateur radio de 50 ans a lancé ce qu’il appelle une ‘deuxième étape de sa feuille de route révolutionnaire‘ pour protester contre les ‘résultats profondément faux‘ que doit annoncer prochainement la Commission électorale (CNE). Interrogée par l’AFP, une responsable de la CNE n’était pas en mesure de préciser la date de cette annonce mais théoriquement elle doit intervenir dans les quinze jours après le scrutin.
Les obsèques de l’avocat Elvino Dias, dans les environs de la capitale, risquent d’être ‘un premier point chaud. Les forces de sécurité vont probablement surréagir’, commente un analyste sous couvert d’anonymat. Le deuxième sera jeudi 24 octobre ‘avec la déclaration des résultats électoraux‘, selon cette même source qui estime qu’au vu de la tension, cette annonce pourrait être retardée.
A la différence de lundi 21 octobre, quand il avait appelé les Mozambicains à ‘rester à la maison‘, Venancio Mondlane a cette fois demandé à descendre ‘dans la rue pour manifester avec des pancartes‘. ‘Et cette fois-ci, mes frères, nous n’aurons pas de points de ralliement comme avant, où ils envoient des blindés‘, a-t-il prévenu. ‘Les 154 districts du Mozambique doivent aller manifester‘.
Celui qui ne quitte plus son polo jaune et son gilet sans manche dans ses vidéos distillées jour après jour sur les réseaux sociaux pour tenir ses partisans à jour de son décompte parallèle, se dit sûr que sa tête est ‘mise à prix‘. Il devait initialement diffuser sa vidéo en direct lundi soir avant d’annoncer reporter l’exercice car il était dans un ‘lieu non sûr‘.
Il est ‘essentiel que tous les candidats bénéficient de mesures de protection rigoureuses en cette période post-électorale‘, avait demandé samedi 19 octobre l’Union européenne dans un communiqué. Les observateurs de l’UE ont appelé en outre ce 22 octobre ‘au respect des libertés fondamentales et des droits politiques’ dans ce pays parmi les plus pauvres et inégalitaires au monde.
Venancio Mondlane, qui a fait une campagne électorale remarquée, suscite de l’espoir, notamment auprès de la jeunesse. ‘Mondlane et Podemos ont exploité les médias sociaux pour se rapprocher de la jeunesse du Mozambique qui cherche à changer le statu quo‘, analyse Emilia Columbo, du Centre d’études stratégiques et internationales basé à Washington.
© Afriquinfos & Agence France-Presse