Mozambique: Chapo élu avec 50% d’écart de voix avec Mondlane, contestation dans plusieurs villes

Afriquinfos Editeur
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Manifestations lors des funérailles d'Elvino Dias, l'avocat du candidat présidentiel de Podemos, Venancio Mondlane, le 23 octobre 2024 près de Maputo, au Mozambique.

Daniel Chapo, ancien Gouverneur provincial de 47 ans, sera le prochain Président du Mozambique, a annoncé jeudi 24 octobre 2024 la Commission électorale, plus de deux semaines après le scrutin du 9 octobre, entaché de nombreuses irrégularités selon plusieurs observateurs.

Investi par le Frelimo qui est aux manettes de ce pays d’Afrique australe depuis un demi-siècle, Daniel Chapo a obtenu près de 71% des voix contre 20% des suffrages pour l’opposant Venancio Mondlane, qui revendique la victoire et dénonce des fraudes.

Photo diffusée par le Front de libération du Mozambique (FRELIMO), le 9 octobre 2024, du candidat du parti à la présidentielle, Daniel Chapo (d), montrant son index marqué à l’encre après avoir voté à Inhambane, au Mozambique.

L’abstention a été massive selon les chiffres officiels: nettement moins d’un électeur sur deux s’est déplacé, avec une participation estimée à 44,48%, inférieure à celle de 2019 de plus de 7 points. La capitale Maputo, déserte dans la matinée sous l’effet d’un appel à la grève générale lancé par l’opposition, a vu défiler ensuite des centaines de manifestants dénonçant des fraudes et le meurtre de deux figures de l’opposition le week-end dernier.

A Nampula ou Nacala dans le nord-est, des foules aux visages juvéniles ont suivi l’appel à « paralyser le pays » jeudi et vendredi en défilant avec des pancartes comme ‘Fatigués d’être les esclaves de voleurs‘ ou ‘J’aime VM7‘ – le sigle par lequel ils désignent Venancio Mondlane, qu’ils voient comme le Cristiano Ronaldo (CR7) de la politique.

Daniel Chapo, dépourvu d’expérience à l’échelon national, avait été investi par le Frelimo à la surprise générale en mai 2024, faute de consensus entre factions rivales. Il devient le premier Président mozambicain né après l’indépendance en 1975, ainsi que le premier n’ayant pas combattu lors de la guerre civile (1975-1992). Ce conflit en sommeil a connu des répliques jusqu’à l’accord de paix définitif de 2019 entre le Frelimo et le parti d’opposition Renamo.

Au Parlement, le Frelimo s’est adjugé 195 sièges sur 250, soit 78% des députés, bien au-delà des deux tiers nécessaires pour modifier la Constitution et plus encore qu’en 2019 (184 sièges, 74%). Podemos, porté par Venancio Mondlane, a ravi au parti historique Renamo le statut de premier parti d’opposition avec 31 sièges contre 20 pour l’ex-faction rebelle, qui en perd 40 par rapport à 2019.

– « Paralyser le pays » – 

Délaissant la Renamo après avoir échoué à en prendre la tête, ‘Venancio’ comme l’appelle la rue, a encore galvanisé les siens dans la soirée du mercredi 23 octobre 2024 lors de l’un de ses traditionnels directs sur les réseaux sociaux. L’ex-animateur de radio de 50 ans a appelé à ‘paralyser le pays pour démontrer au Gouvernement illégitime, illégal et immoral du parti Frelimo que le peuple est aux commandes‘.

Et ce, en dépit de l’avertissement du Président sortant Filipe Nyusi, réélu avec 73% de voix en 2019: Nyusi, qui ne pouvait se représenter, a prévenu ‘qu’inciter à la révolte et créer le chaos à des fins politiques‘ pourraient s’apparenter à des ‘actes délictueux‘, dans une rare intervention depuis le scrutin du 9 octobre.

La tension reste palpable depuis l’assassinat samedi d’Elvino Dias, l’avocat de Venancio Mondlane, et d’un responsable du parti Podemos, dans une embuscade en plein coeur de Maputo. L’opposant accuse le pouvoir d’avoir ordonné leur exécution à bout portant par des hommes armés. Des milliers de personnes ont participé aux obsèques de l’avocat ce 23 octobre, en l’absence de ‘Venancio’ qui s’est dit la prochaine ‘cible à abattre’.

Ces résultats sans surprise sont-ils la promesse de manifestations d’ampleur dans les jours à venir? ‘La question est de savoir comment va réagir la Police’, répond un analyste spécialiste de cet Etat lusophone, sous couvert d’anonymat. Des incidents ont déjà été signalés dans plusieurs villes du pays, avec quelques violences.

Dans tous les quartiers, on va descendre dans la rue, il n’y aura pas assez de balles pour tout le monde, pas de gaz lacrymogènes, pas assez de blindés‘, a prévenu Venancio Mondlane.

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