La nouvelle loi sur l’expropriation promulguée en Afrique du Sud par le Président Cyril Ramaphosa fin janvier 2025 a provoqué les critiques du Président américain Donald Trump et ravivé des tensions sur les questions d’inégalité raciale et de propriété foncière.
Pourquoi cette réforme?
Le Natives Land Act voté en 1913 en Afrique du Sud, alors dominion de l’Empire britannique, empêchait les Noirs d’acheter ou d’occuper des terres. Des familles ont été déplacées de force. Son héritage est que les Blancs – constituant environ 7% de la population — possèdent et mettent en valeur encore la majorité des terres agricoles: 72% en 2017, selon des chiffres du Gouvernement. Plus de trente ans après les premières élections libres d’avril 1994, la réforme agraire reste un sujet pressant, selon Mme Temmers Boggenpoel: « Inégalité foncière et pauvreté sont liées, et le changement attendu dans le schéma foncier en trente ans n’a pas eu lieu », dit-elle.

Qui s’inquiète de quoi ?
L’Alliance démocratique (DA, centre-droit), deuxième parti sud-africain et membre du Gouvernement d’unité nationale, soutient que la « compensation nulle » pourrait être contraire à la Constitution. Tout en reconnaissant qu’il n’est « pas vrai que cette loi autorise la saisie arbitraire de terres » car le texte « exige une juste compensation ». Son leader John Steenhuisen redoute qu’elle ne « cause également d’énormes problèmes » tant pour l’emploi que pour les investisseurs, et a promis de porter la question devant les tribunaux.
L’organisation Afriforum, destinée à « protéger et promouvoir l’identité Afrikaner », descendants des premiers colons européens, est la plus virulente.
Comptant dans ses rangs de nombreux fermiers blancs, l’organisation aux 300.000 membres revendiqués affirme que la loi pourrait ouvrir la voie à des saisies de terres comme au Zimbabwe. Afriforum demande un amendement en urgence pour « garantir la protection des droits de propriété ». C’est dans ce contexte que Donald Trump est intervenu le week-end écoulé, affirmant que l’Afrique du Sud autorise des « confiscations » de terres et menaçant de couper les financements américains.
Pourquoi la référence au Zimbabwe ?
Plus de 4.000 des 4.500 fermiers blancs du Zimbabwe ont été dépossédés de leurs terres après un plan de redistribution lancé en 1997 par l’ancien Président Robert Mugabe, qui considérait que les colons britanniques s’en étaient emparés 100 ans plus tôt. La production agricole s’est effondrée! « Pour simplifier, il a mis de côté les lois sur la propriété et dit +vous pouvez reprendre les terres+, » résume Ben Cousins, qui a vécu en exil au Zimbabwe avant la chute de l’apartheid.
La loi sud-africaine est cependant différente, selon lui, d’abord parce qu’elle s’inscrit dans un véritable cadre juridique et constitutionnel, et parce qu’elle prévoit une estimation juste et équitable des terres ainsi qu’une réparation judiciaire, a-t-il déclaré. « Si la situation évolue ici et vu les problèmes sociaux majeurs qui nous attendent, il n’est pas inconcevable que l’occupation et la confiscation des terres puissent avoir lieu à l’avenir », avertit ce spécialiste des questions agraires.
© Afriquinfos & Agence France-Presse