Des déclarations du Président français Emmanuel Macron estimant que ‘l’Algérie se déshonore en maintenant en détention l’écrivain Boualem Sansal’ ont été qualifiées mardi 07 janvier 2025 ‘d’inacceptables par la diplomatie algérienne’ et ont soulevé un tollé dans le pays.
‘Des propos du Président français qui déshonorent, avant tout, celui qui a cru devoir les tenir de manière aussi désinvolte et légère. Ces propos ne peuvent être que réprouvés, rejetés et condamnés pour ce qu’ils sont, une immixtion éhontée et inacceptable dans une affaire interne algérienne’, a estimé le ministère algérien des Affaires étrangères dans un communiqué. ‘Ce que le Président français présente indûment et faussement comme une affaire de liberté d’expression n’en est pas une au regard de la loi d’un Etat souverain et indépendant. Elle relève essentiellement d’une mise en cause de l’intégrité territoriale du pays, un délit punissable par la loi algérienne’, a ajouté le ministère précité.
Lundi 06 janvier 2025, Emmanuel Macron avait appelé Alger à la libération de M. Sansal (Franco-Algérien).
-‘Mépris pathologique’ –
‘L’Algérie que nous aimons tant et avec laquelle nous partageons tant d’enfants et tant d’histoires entre dans une histoire qui la déshonore, à empêcher un homme gravement malade de se soigner. Ce n’est pas à la hauteur de ce qu’elle est’, a dit E. Macron devant les ambassadeurs français réunis à l’Elysée. ‘Je demande instamment à son Gouvernement de libérer Boualem Sansal‘, avait-il ajouté. Ce ‘combattant de la liberté est détenu de manière totalement arbitraire par les responsables algériens‘, selon M. Macron.
Les uns après les autres, les partis politiques algériens ont condamné des propos jugés ‘inacceptables’ ou ‘irresponsables’. Pour le FFS (Front des forces socialistes, plus vieux parti d’opposition), les propos du Président Macron sont ‘écoeurants et inacceptables’. La déclaration de Macron ‘traduit un mépris pathologique et l’incapacité persistante de la France officielle à assumer son passé colonial et à rompre avec une attitude paternaliste et condescendante envers les nations souveraines’, a écrit le FFS dans un communiqué.
‘Au lieu de s’engager sur la voie de la reconnaissance pleine et entière des crimes coloniaux, la France, sous la Présidence de Macron, semble être aujourd’hui l’otage des courants extrémistes anti-algériens, de surcroît racistes et islamophobes, voire pour certains nostalgiques de l’+Algérie française+’, a ajouté le FFS. De son côté, le FLN (Front de libération nationale, ancien parti unique) a qualifié les déclarations du Chef d’Etat français ‘d’immorales’. Le FLN rejette ‘catégoriquement toute ingérence étrangère ou tentative de donner des leçons sur les libertés et les droits de l’Homme’.
– ‘Arrogance’ –
Le MSP (Mouvement de la société pour la paix), principal parti islamiste, a estimé sur sa page Facebook que les propos du Président français « reflètent une arrogance liée à une mentalité coloniale néfaste, loin du respect de la souveraineté et de la non-ingérence dans les affaires intérieures des Etats’. Des personnalités et de nombreux internautes ont aussi dénoncé les propos de M. Macron. Khaled Drareni, journaliste représentant de RSF pour le Maghreb qui avait passé 11 mois de détention en Algérie entre 2020 et 2021 après avoir été arrêté pendant le mouvement prodémocratie Hirak, a écrit: ‘M. Le Président @EmmanuelMacron, on ne met jamais +Algérie+ et +déshonneur+ dans la même phrase’.
Un homme au centre de toutes les attentions
Critique du pouvoir algérien, Boualem Sansal, 75 ans, est incarcéré depuis la mi-novembre 2024 pour atteinte à la sûreté de l’Etat, après son interpellation à son arrivée à l’aéroport d’Alger, et se trouve dans une unité de soins depuis la mi-décembre 2024. Selon le quotidien français ‘Le Monde’, le pouvoir algérien aurait mal pris des déclarations de M. Sansal au média français ‘Frontières’, réputé d’extrême droite, reprenant la position du Maroc selon laquelle ‘le territoire du pays aurait été tronqué sous la colonisation française au profit de l’Algérie’. L’auteur de ‘2084: la fin du monde’, naturalisé français en 2024, est poursuivi en vertu de l’article 87 bis du Code pénal, qui sanctionne ‘comme acte terroriste ou subversif, tout acte visant la sûreté de l’Etat, l’intégrité du territoire, la stabilité et le fonctionnement normal des institutions’.
© Afriquinfos & Agence France-Presse