Sortir de l’après-Bongo: Le Gabon choisit de ne pas s’ancrer dans une Transition sans fin conduite par des militaires sanctionnés à l’étranger

Afriquinfos Editeur
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Clotaire Oligui Nguema a prêté serment ce 4 septembre (DR).

Les militaires qui ont renversé le président Ali Bongo cet été ont promis lundi 13 novembre des élections en août 2025, précisant toutefois que ce calendrier sera soumis au printemps à une Conférence nationale incluant « toutes les forces vives de la Nation ».

Le chef des putschistes du 30 août dernier, le Général Brice Oligui Nguema, prête serment à Libreville le 4 septembre 2023.

Le chef des putschistes du 30 août dernier, le général Brice Oligui Nguema, proclamé Président de Transition par l’Armée, avait immédiatement promis de rendre le pouvoir aux civils au terme d’une transition, mais il n’en n’avait jusqu’alors pas fixé la durée. Ce que peu lui reprochaient tant il est populaire chez l’immense majorité des Gabonais pour avoir mis fin à 55 ans de « dynastie Bongo » dans un pays miné par une corruption endémique.

Si le calendrier annoncé lundi 13 novembre est respecté, la « transition » durera donc deux ans. Dans un contexte où plusieurs régimes putschistes en Afrique ont déjà prorogé ces périodes de transition devant mener à des élections, les généraux de Libreville seront observés attentivement par la communauté internationale. Eux qui ont bénéficié, par comparaison, d’une relative indulgence des capitales africaines et occidentales à ce jour.

– « Dialogue inclusif » –

« Août 2025: élections et fin de la Transition« , a annoncé lundi en direct sur la télévision d’Etat le porte-parole du pouvoir militaire, le lieutenant-colonel Ulrich Manfoumbi Manfoumbi, en égrenant un « chronogramme officiel de la transition (…) adopté en Conseil des ministres« . Mais celui-ci demeure « indicatif », devant être soumis à un « Dialogue national Inclusif » en avril 2024 incluant « toutes les forces vives de la Nation ».

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Dans la nuit du 30 août, alors qu’il venait d’être proclamé vainqueur de la présidentielle, Ali Bongo Ondimba avait été renversé sans coup férir par la quasi-totalité des officiers généraux de l’Armée et de la Police rassemblés autour du général Brice Oligui Nguema, proclamé deux jours plus tard Président de la Transition, dans une liesse manifestée dans tout le pays.

Tous les partis politiques, y compris celui de M. Bongo, ainsi que les organisations de la Société civile dans leur immense majorité, avaient aussitôt rallié le pouvoir du général Nguema et loué non pas un « coup d’Etat » mais un « coup de libération« , selon le terme cher aux putschistes. M. Bongo avait été élu il y a 14 ans, après la mort en 2009 de son père Omar Bongo Ondimba, qui dirigeait sans partage ce pays d’Afrique centrale riche de son pétrole depuis déjà plus de 41 ans.

-Détournements massifs-

Carte de Libreville, au Gabon.

Pour destituer Ali Bongo, les militaires putschistes avaient invoqué des élections grossièrement truquées, une « gouvernance irresponsable » et un pouvoir corrompu par l’entourage familial et des proches collaborateurs du Chef de l’Etat. Ce dernier, assuraient les putschistes, était « manipulé« , depuis un AVC en 2018, notamment par son épouse et l’un de ses fils, tous deux en prison depuis et accusés de détournements massifs de fonds publics, entre autres.

Selon le « chronogramme officiel » énoncé lundi 13 novembre, les suggestions de « tous les Gabonais » invités à en formuler depuis un mois seront synthétisées et proposées au Dialogue National Inclusif d’avril 2024. « Début juin 2024, le Parlement de Transition (nommé en octobre 2023 par le Président Oligui Nguema, ndlr) » se transformera en Assemblée « constituante« , a ajouté le lieutenant-colonel Manfoumbi Manfoumbi. Entre novembre et décembre, un projet de nouvelle Constitution sera soumis à un référendum, a-t-il ajouté.

« Les étapes mentionnées dans ce chronogramme sont sujettes à modifications suivant les résultats du Dialogue national Inclusif« , a-t-il cependant conclu. Le général Oligui avait rapidement nommé les membres d’institutions de transition: un Gouvernement, une Assemblée nationale, un Sénat, une Cour constitutionnelle…

Une « Charte de la Transition » – Constitution provisoire – interdit aux membres du Gouvernement, aux Présidents des deux Chambres et au généraux membres du Comité militaire de transition présidé par le Chef de l’Etat de se présenter à la future élection présidentielle. Sauf Oligui Nguema, qui a troqué ces derniers jours l’uniforme dont il ne se séparait jamais jusqu’alors pour le costume cravate à certaines occasions.

Le Gabon est le troisième pays le plus riche d’Afrique en revenu par habitant mais un tiers de la population vit encore sous le seuil de pauvreté à moins de deux euros par jour, selon la Banque mondiale, et les immenses richesses du pays sont concentrées depuis 55 ans dans les mains d’une petite élite autour du clan Bongo.

Image extraite d’une vidéo montrant l’ancien Président du Gabon, Ali Bongo Ondimba, le 6 septembre 2023 dans sa résidence, à Libreville.