Ce qui se passe dans le noir dans les régions nord-ouest et sud-ouest du Cameroun à l’abri des regards (Amnesty)

Afriquinfos Editeur
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Yaoundé (© 2023 Afriquinfos)- Amnesty International alerte sur les atrocités commises dans les régions anglophones du Cameroun. Dans un nouveau rapport publié ce mardi 4 juillet 2023, l’organisme répertorie des exécutions extrajudiciaires, des homicides, des tortures, ainsi que des viols et autres violences sexuelles.

Dans le rapport intitulé : « Avec ou contre nous. La population prise en étau entre l’armée, les séparatistes armés et les milices dans la région anglophone du Nord-Ouest« , Amnesty répertorie des « exécutions extrajudiciaires« , des « homicides » de civils dont des femmes et des enfants, des « tortures« , des « viols et autres violences sexuelles » perpétrés par les deux camps. Des « atrocités récurrentes » relevant de « graves violations des droits humains« .

L’ONG qui promeut la défense des droits de l’Homme, a souligné que ces crimes sont commis, à la fois par les forces de sécurité, les milices et les séparatistes, sur les populations des régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest du Cameroun.

La liste des violences et des exactions que subissent ces populations ne cesse d’augmenter depuis 2016, date à laquelle les anglophones se sont soulevés pour dénoncer la marginalisation dont ils sont victimes depuis l’indépendance (1960). Selon le groupe d’experts International Crisis group, 6.000 personnes auraient été tuées dans ce conflit oublié. L’intervention violente des forces de l’ordre a radicalisé leurs positions, précipitant la rupture entre les deux camps.

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L’ONU et les ONG internationales dénoncent régulièrement des « crimes » commis depuis plus de six ans par les deux camps dans les régions administratives du Nord-Ouest et du Sud-Est, peuplées principalement par la minorité anglophone camerounaise.

Fin 2016, le régime du président Paul Biya, qui dirige d’une main de fer le pays depuis plus de 40 ans, avait commencé à réprimer violemment des manifestations pacifiques d’anglophones s’estimant ostracisés et marginalisés par le pouvoir central dominé par la majorité francophone.

Puis de nombreux groupes armés indépendantistes anglophones avaient pris les armes et proclamé en 2017 l' »indépendance » d’une région qu’ils appellent l' »Ambazonie« . Paul Biya, intraitable, y dépêche depuis massivement des troupes.

Parmi les cibles des séparatistes, qui pratiquent également quasi-quotidiennement les kidnappings contre rançon, figurent des civils qu’ils accusent de « collaborer » avec Yaoundé, et particulièrement de l’ethnie peule des Mbororos. L’armée et la police, elles, sont régulièrement accusées par l’ONU et les ONG d’attaquer et dévaster des villages dont les habitants sont soupçonnés de sympathie avec les séparatistes, et d’y commettre bavures et crimes. Amnesty accuse aussi des « milices mbororos » d’épauler les militaires dans ces attaques.

Le rapport d’Amnesty se base sur les témoignages de « plus de 100 victimes » et de responsables d’ONG locales et journalistes. Amnesty accuse également de « violation des droits humains » les « autorités politiques et judiciaires« , notamment en faisant emprisonner « arbitrairement » des civils, des journalistes, des responsables de la société civile, et en les faisant juger par des tribunaux militaires pour des faits liés à du « terrorisme« .

L’ONG s’inquiète également du fait que « les partenaires internationaux du Cameroun, notamment la Belgique, la Croatie, les Etats-Unis, la France, Israël, le Royaume-Uni, la Russie et la Serbie ont continué de coopérer avec le pays sur le plan militaire, y compris en fournissant des armes et du matériel militaire » qui « risquent » d’être « utilisés par les forces armées, les milices ou les séparatistes armés pour commettre des exactions« .

Amnesty demande à ces « partenaires internationaux » de « condamner ces atteintes aux droits fondamentaux » commises par les deux camps, et au gouvernement de « diligenter de toute urgence des enquêtes approfondies, indépendantes et impartiales« .

« Les demandes de rendez-vous avec des ministres du gouvernement« , sollicités dans le cadre de ce rapport, « sont restées sans réponse« , assure Amnesty. Le gouvernement ne réagit jamais auprès de la presse à la publication régulière de rapports des ONG, et le fait généralement plusieurs jours ou semaines après leur publication.

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