Violences du 20 octobre 2022 au Tchad: L’OMCT livre sa lecture des faits

Afriquinfos Editeur
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Genève (© 2023 Afriquinfos)- Un rapport d’enquête sur la répression sanglante des manifestations du 20 octobre 2022 au Tchad vient d’être publié. Intitulé «Ils ont enlevé trois de mes fils», le document édifie sur l’usage planifié et disproportionné de la force armée, la traque des opposants, les disparitions forcées et les déportations massives vers des lieux de détention où la torture a été pratiquée.

Elaboré par l’Organisation Mondiale Contre la Torture (OMCT) et la Ligue Tchadienne des Droits de l’Homme (LTDH), le rapport d’enquête vient d’être publié six mois après la répression sanglante de manifestations au Tchad.

« Ils ont enlevé trois de mes fils » est le résultat de trois mois d’enquêtes menée dans la capitale N’Djamena et les villes de Moundou, Mongo, Doba et Koumra, ainsi que d’une cinquantaine de témoignages de rescapés, de familles de victimes et de témoins oculaires.

D’après les deux organisations auteurs du document, les difficultés rencontrées pour accéder aux lieux des violences et le refus de nombreuses victimes de s’exprimer par crainte de représailles font que le bilan des violations des droits humains commises par les autorités tchadiennes le 20 octobre et les jours suivants est certainement sous-estimé.

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’Ce 20 octobre 2022, désormais tristement appelé “Jeudi Noir” restera sans doute dans l’histoire comme la plus grande répression d’un mouvement pacifique de ces dix dernières années au Tchad ‘’, commente Maître Adoum Bourcar, Président de la Ligue tchadienne des droits de l’Homme.

’On extrait le corps nuitamment pour aller le jeter soit dans le fleuve ou bien dans des fosses communes, explique  en outre Me Adoum Mahamat Boukar. Donc l’étendue de ces massacres, personne ne peut le mesurer avec exactitude. Quand vous regardez, la plupart des victimes ont des balles au niveau du front, à la tête, à la poitrine ou au dos. Donc ça veut dire que les gens visent la mort, quelque chose qui a été planifié. Et donc l’objectif était de décapiter l’opposition.’’

Six mois après ce que les Tchadiens nomment le « jeudi noir », les autorités du pays n’ont pris aucune mesure pour identifier les auteurs des graves violations des droits humains. Malgré les nombreuses allégations des victimes et des organisations de la société civile, aucune enquête n’a abouti à l’arrestation de suspects et rien n’a été fait pour apporter réparation aux victimes. Cette inertie concerne également les organismes régionaux et internationaux.

Aziz Mahamat Saleh, ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, affirme qu’il s’agit d’une organisation «partisane»: «Elle est partisane. Effectivement, on aurait voulu qu’il y ait des équilibres pour qu’on situe les responsabilités de part et d’autre. Ce sont des guérillas urbaines qui se sont organisées. Ce n’est pas une manifestation qui va d’un point A à un point B selon des procédures bien déterminées. Donc c’est un rapport à charge parce que ce sont ceux qui ont appelé à ces insurrections qui sont à la base de la rédaction de ce rapport, donc il ne pouvait être qu’à charge».

’C’est le massacre de trop que la communauté internationale, qui a souvent fermé les yeux par peur de déstabiliser la région, ne peut laisser passer. Il est urgent que les mécanismes régionaux et internationaux des droits humains adoptent des mesures permettant aux victimes d’obtenir justice et réparation’’, a déclaré Gerald Staberock, Secrétaire général de l’OMCT.

Les événements tragiques d’octobre 2022 s’inscrivent dans un contexte de confiscation du pouvoir par Mahamat Idriss Déby Itno, qui a succédé à son père Idriss Déby Itno, décédé le 20 avril 2021, après 30 ans de règne sans partage. La population, les partis politiques d’opposition et la société civile sont descendus dans la rue pour exprimer leur frustration à l’égard de Déby fils et de l’armée. Le gouvernement a réprimé les voix dissidentes par la force, comme Déby père l’avait fait auparavant.

’Le massacre planifié du 20 Octobre. Le rapport édifiant de l’Organisation Mondiale contre la Torture et la Ligue Tchadienne des Droits de l’Homme, de plus en plus proche des chiffres que nous avons en notre possession’’ a écrit l’opposant Succès MASRA, président du parti politique Les Transformateurs dans un tweet.

Ce dernier avait fui le territoire tchadien après le bain de sang du 20 octobre 2022.

Vignikpo Akpéné