TUNIS (© 2019 AFP) – La justice tunisienne a inculpé le magnat des médias et candidat à la présidentielle Nabil Karoui pour blanchiment d’argent, et décidé de geler ses avoirs et de lui imposer une interdiction de voyage, a-t-on appris lundi auprès du pôle judiciaire financier.
Dans un communiqué, le parti récemment créé par Nabil Karoui, « 9alb Tounes » (Au coeur de la Tunisie), a déploré cette décision « à quelques jours du dépôt des candidatures aux élections législatives ». Il s’agit selon lui d’une « tentative vaine visant à perturber le parti et son président et à remettre en cause la popularité toujours croissante de ce dernier ». Nabil Karoui ainsi que son frère Ghazi Karoui sont visés par une instruction judiciaire du pôle financier depuis 2017, après le dépôt par l’ONG anti-corruption I-Watch d’un dossier l’accusant de fraude fiscal. « Après l’ouverture d’une enquête suite à la plainte déposée par I-Watch et après avoir convoqué et entendu plusieurs fois les deux hommes au pôle financier, le juge d’instruction a décidé il y a 10 jours d’inculper Nabil Karoui et Ghazi Karoui pour blanchiment d’argent », a indiqué à l’AFP le porte-parole du pôle judiciaire, Sofiène Sliti.
Le juge a également décidé « le gel de leurs biens et de leur fonds financiers et l’interdiction de voyager », a-t-il ajouté. Personnalité controversée en Tunisie, Nabil Karoui est un ancien commercial pour Colgate et Palmolive qui avait lancé en 2002, avec son frère Ghazi, une agence internationale de publicité, Karoui et Karoui. Des commissions rogatoires ont été émises afin d’enquêter sur les activités de leur société à l’étranger et les investigations sont toujours en cours, a souligné M. Sliti. Il a assuré que cette décision n’avait aucune motivation politique.
-« Eliminer les adversaires politiques » –
Nabil Karoui, qui avait été très actif pour l’élection du président Béji Caïd Essbesi en 2014, est aujourd’hui un adversaire de taille pour le Premier ministre Youssef Chahed. Le parti de M. Karoui a accusé M. Chahed et la formation d’inspiration islamiste Ennahdha qui soutient son gouvernement d’utiliser « de manière éhontée les institutions et moyens de l’Etat dans le but d’éliminer des adversaires politiques ». Il a appelé le Premier ministre à démissionner s’il compte se présenter.
Fondateur de la chaîne Nessma TV, l’une des principales chaînes privées tunisiennes, qui émet sans licence depuis plusieurs années, M. Karoui s’est déclaré en mai candidat à la présidentielle. Mais des amendements controversés du code électoral ont été votés fin juin, qui visent à écarter plusieurs candidats, dont lui, n’ayant pas respecté ces derniers mois les obligations faites aux partis politiques, notamment celle de ne pas octroyer « des avantages » aux électeurs. Ces trois dernières années, Nabil Karoui s’est patiemment construit une image d’homme charitable, distribuant électroménagers et biens aux quatre coins du pays sous l’œil des caméras de Nessma. La chaîne diffuse chaque jour « Khalil Tounes », une émission caritative en mémoire de son fils Khalil, mort dans un accident de voiture en 2016. Si les sondages restent sujets à caution en Tunisie, plusieurs ont placé M. Karoui nettement en tête des intentions de vote. Les élections législatives, prévues le 6 octobre en Tunisie, seront suivies par l’élection présidentielle le 17 novembre.