Tchad: Législatives, provinciales et locales ce 29 décembre dans le calme pour asseoir la domination du MPS sur le pays

Afriquinfos Editeur
6 Min de Lecture
Des personnes regardent les listes électorales près d'un bureau de vote de N'Djaména, lors des élections du 29 décembre 2024.

En écho des appels au boycott de l’opposition, la participation aux élections législatives, provinciales et locales organisées dimanche 29 décembre 2024 au Tchad s’annonce faible, avec un taux national de 38% à la mi-journée, selon les chiffres de l’ANGE (Agence nationale de gestion des élections).

Des personnes regardent les listes électorales près d’un bureau de vote de N’Djaména, lors des élections du 29 décembre 2024.

‘Tous ceux qui ont voté massivement pour la présidentielle sont tous restés chez eux en suivant notre appel, c’est-à-dire l’écrasante majorité’, a commenté auprès de l’AFP le chef du principal parti d’opposition, Succès Masra. L’opposition a refusé de participer au scrutin présenté par le régime du maréchal Mahamat Idriss Déby Itno comme la dernière étape de la Transition ouverte par le putsch qui l’a porté au pouvoir en avril 2021, après la mort de son père avant une légitimation par les urnes en mai 2024.

Les Tchadiens ‘font confiance à notre parole et quand nous leur disons que les résultats sont déjà fabriqués dans les ordinateurs, ils savent que c’est vrai’, a ajouté M. Masra, lors d’un entretien téléphonique depuis Abidjan, en Côte d’Ivoire. Le Chef de l’Etat et ses ministres, eux, sont allés déposer leurs bulletins pour ce triple scrutin législatif, provincial et local.

J’appelle tous mes compatriotes inscrits sur la liste électorale à sortir massivement pour voter en ce jour historique‘, a déclaré le Maréchal Déby, sur sa page Facebook. Mais dimanche matin, dans plusieurs bureaux comme celui de Farcha et de Ardeb Timane, dans la commune du 1er arrondissement ou réside la famille présidentielle et les dignitaires du pouvoir, les urnes étaient presque vides. Les 8,2 millions d’électeurs inscrits ont eu à voter jusqu’à 18H00 (17H00 GMT).

 – Vote ‘inutile’-

Rencontré dans une rue de N’djamena, Hervé Natouingan, 28 ans, ‘juge inutile de voter car il n’y a pas de vote véridique au Tchad‘. Cet ouvrier du bâtiment travaille comme taxi-moto, faute de perspectives dans son secteur. Patrice Lumumba Deoumoundou, un chômeur de 39 ans, lui, a accompli son ‘devoir citoyen en espérant un changement dans tous les domaines, plus d’emploi, moins de prix en hausse, plus de justice, plus d’égalité. Rien n’a encore été fait‘, a-t-il dit en souhaitant ‘des actions positives’.

Comme le veut la tradition, nomades, policiers et militaires ont voté dès samedi 28 décembre 2024, avec plus de 72% de votes exprimés dans l’Armée et plus de 54% pour la population nomade, selon l’ANGE. 

‘Pour les militaires, voter est un devoir’, comme l’a dit à l’AFP le général Ahamat Mahamat Abakar, en charge du Centre d’instruction de Koundoul, au nord de N’Djamena. ‘Les nomades sont venus demander à ceux qui seront élus demain d’améliorer leurs conditions de vie’, a partagé le cheik Djibrine Hassabakarim, un de leurs représentants dans un campement proche de N’Djamena, en pointant une dégradation liée au changement climatique – mortalité des bêtes, heurts avec les cultivateurs sédentaires, difficulté pour nourrir les familles.

Le vote s’est déroulé dans 26.617 bureaux de vote à travers le pays, en présence d’une centaine d’observateurs étrangers et de représentants des partis politiques. Le scrutin intervient dans un contexte géopolitique mouvant, avec le retrait en cours de l’Armée française après la rupture d’un accord de coopération militaire remontant à la fin de la colonisation, des attaques du groupe jihadiste Boko Haram dans la région du lac Tchad et des accusations récurrentes d’ingérence du Tchad dans le conflit qui ravage le Soudan voisin.

– Eviter le chaos –

Les dernières législatives remontent à 2011. L’Assemblée devait être renouvelée en 2015 mais il y eu plusieurs reports successifs justifiés par la menace jihadiste, les difficultés financières, l’épidémie du coronavirus et la Transition qui a suivi le putsch militaire après le décès du Maréchal Déby père, tué par des rebelles, après trente ans de pouvoir sans partage. Puis, un Parlement de Transition composé de 93 membres a été désigné par décret présidentiel en 2021.

Le Président du Tchad, Mahamat Idriss Deby Itno, fait un signe de la main avant un déjeuner de travail au Palais présidentiel de l’Elysée, à Paris, le 6 février 2023.

En recevant son grade de maréchal le 21 décembre 2024, le Chef de l’Etat a affirmé que son accession au pouvoir ‘avait évité au pays de sombrer dans le chaos et vanté sa marche vers le progrès‘. L’opposition, elle, dénonce un régime qu’elle juge autocratique et violemment répressif. Dans son intervention samedi 28 décembre 2024, Succès Masra a rappelé ‘le bain de sang lors de la manifestation de l’opposition le 20 octobre 2022 et les tirs de joie mortels des Forces de l’ordre, le 9 mai 2024’, à la victoire au premier tour de Mahamat Idriss Itno, avec 61,3% des voix et une participation de 75%.

© Afriquinfos & Agence France-Presse