Présidentielle 2024/Liste définitive de l’ISIE: La Tunisie court vers un scrutin non inclusif

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La foule célèbre dans la rue après la décision du président tunisien Kais Saied de geler les travaux du Parlement pour 30 jours et de s'octroyer le pouvoir exécutif, le 25 juillet 2021 à Tunis.

Trois candidats perçus comme des concurrents sérieux du Président Kais Saied pour la présidentielle du 6 octobre en Tunisie ont été exclus lundi 02 septembre 2024 par l’autorité électorale, l’ISIE, « verrouillant » le scrutin en faveur du Chef de l’Etat, selon des experts.

L’instance électorale, ISIE, a annoncé avoir écarté Abdellatif Mekki, un ancien dirigeant du mouvement islamo-conservateur Ennadha, Mondher Zenaïdi, un ancien ministre du régime Ben Ali, et Imed Daïmi, un conseiller de l’ex-Président Moncef Marzouki, également proche d’Ennahdha.

La liste est « définitive et non sujette à un quelconque recours », a affirmé l’ISIE. Elle inclut, outre M. Saied, 66 ans, en lice pour un deuxième mandat, Zouhair Maghzaoui, 59 ans, un ancien député de la gauche panarabe, et Ayachi Zammel, 43 ans, un industriel peu connu à la tête d’un petit parti libéral. Le chef de l’ISIE, Farouk Bouasker, a justifié cette décision par le fait que « le Tribunal administratif (TA) n’a pas communiqué officiellement ses décisions (à l’ISIE) dans le délai de 48 heures comme le prévoit la loi ».

Le candidat à la présidentielle Kaïs Saied quitte le bureau de vote après avoir déposé son bulletin dans l’urne, lors du second tour, le 13 octobre 2019 à Tunis.

A la surprise générale, la semaine écoulée, le TA avait décidé en appel la réadmission de trois postulants, considérés comme ayant des chances de rivaliser avec M. Saied. Sur la page Facebook de M. Zenaïdi, son équipe juridique a refusé de reconnaître le verdict de l’instance électorale, qui « a montré qu’elle n’est plus indépendante », et a annoncé un recours devant le Tribunal administratif.

– « Un boulevard » –

Le porte-parole du TA, Fayçal Bouguerra, a assuré de son côté que ses décisions de réintégration des candidats avaient bien été notifiées à l’ISIE « le jour-même ». La liste définitive « renforce l’impression d’élections verrouillées. Les candidats qui pouvaient gêner Saied viennent d’être écartés. Saied a un boulevard devant lui. La décision de l’ISIE prouve qu’il n’y a plus d’Etat de droit », a indiqué à l’AFP le politologue Hatem Nafti.

Pour Isabelle Werenfels, politologue à l’institut allemand SWP, « l’ISIE a pratiquement décidé de l’issue du scrutin ». Et « ce qui s’est passé récemment montre que l’Administration ou une partie de la justice sous influence du Président (Saied) vont faire obstacle aux campagnes de ses deux concurrents », MM. Maghzaoui et Zammel, a indiqué l’experte. Interpellé à l’aube, M. Zammel a été placé, dans la soirée de ce 02 septembre, en garde à vue pour 48 heures pour des soupçons de faux parrainages dans sa candidature, selon des sources judiciaires aux médias locaux. M. Saied, élu démocratiquement en 2019, est accusé de dérive autoritaire depuis un coup de force le 25 juillet 2021 lors duquel il s’est octroyé les pleins pouvoirs, avant de réformer la Constitution l’année suivante pour instaurer un régime ultra-présidentialiste.

Ses détracteurs lui reprochent aussi d’avoir mis sous tutelle les institutions de contrepouvoir créées après la chute du dictateur Zine El Abidine Ben Ali en 2011 et l’avènement de la démocratie en Tunisie. Face à M. Saied, on a « un candidat de l’intérieur du régime (Maghzaoui, qui avait soutenu le processus du 25 juillet) et un autre en prison depuis ce matin », a ajouté M. Nafti.

Pour Isabelle Werenfels, la réadmission inattendue de candidats par le TA reflète des « frictions au sein des élites entre pro et anti Saied, ce qui pourrait être positif pour ce qu’il reste de démocratie en Tunisie ». Mais ces tensions pourraient être « problématiques, voire dangereuses car si le Président se sent contesté, il pourrait devenir encore plus autoritaire », selon l’experte.

– « Pure formalité » –

Samedi 31 aout, 26 ONG tunisiennes et internationales et près de 200 personnalités parmi lesquelles de nombreux juristes avaient appelé l’ISIE à respecter les décisions du Tribunal administratif, en soulignant qu’elles étaient « exécutoires et ne pouvaient être contestées ».

Leur pétition signée notamment par Legal Agenda et la Ligue tunisienne des droits de l’Homme exhortait l’ISIE à « éviter toute pratique pouvant porter atteinte à la transparence et à l’intégrité du processus électoral ».

Rim Mahjoub, un responsable du parti social-libéral Afek Tounes, qui participait lundi à une manifestation d’une cinquantaine de personnes devant l’ISIE, a jugé « regrettable » qu’une « institution de l’Etat ne respecte pas les décisions du Tribunal administratif ». « Quel message cela envoie au citoyen ordinaire »?

Pour Houssem Hami, coordinateur de la coalition de citoyens Soumoud (centre-gauche), avec les trois candidats retenus, « l’élection deviendra une pure formalité ». La sélection initiale des prétendants avait été critiquée, des experts, candidats et ONGs déplorant la difficulté de réunir les parrainages, des entraves administratives et des poursuites judiciaires ayant empêché une dizaine de candidatures sérieuses.

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