Bien qu’ils constituent la principale option pour de nombreux acheteurs en Afrique en raison de leur prix abordable, les véhicules d’occasion importés principalement d’Europe, du Japon et des USA soulèvent des préoccupations en matière de sécurité routière. Selon le rapport « Safe and Clean Vehicles for Healthier and More Productive Societies », la plupart de ces véhicules ne respectent déjà plus les normes dans leurs pays de provenance.
Une étude menée en 2019 aux Pays-Bas révèle quant à elle que plus de 80% des véhicules d’occasion exportés vers l’Afrique ne respectent pas la norme Euro 4, qui fixe les seuils maximaux d’émissions de polluants autorisés dans l’Union européenne.
Parfois âgés de plus de 20 ans, ces véhicules arrivent sur le continent africain sans certificats de conformité routière valides. Leurs principaux dispositifs de sécurité et de contrôle des émissions sont souvent défectueux, retirés ou totalement hors service. Parmi les défaillances les plus fréquentes, on observe des systèmes de freinage inefficaces, des feux et clignotants non fonctionnels, l’absence d’airbags ou encore des pneus fortement usés.
A lire aussi: UN TRAITE CONTRAIGNANT CONTRE LA POLLUTION PLASTIQUE DONT LA PRODUCTION ANNUELLE EST DE 460 MILLIONS DE TONNES DEVRA ATTENDRE, APRES LES NEGOCIATIONS DE NAIROBI
Cette situation est aggravée par l’absence ou l’insuffisance de réglementations strictes dans de nombreux pays africains concernant la qualité des véhicules d’occasion importés. Ainsi, leur entrée se fait sans véritable contrôle, exposant les usagers à des dangers routiers accrus et à une pollution croissante, ainsi qu’à des coûts économiques.
« Les normes de sécurité des véhicules sont cruciales pour réduire les risques d’accident et minimiser le nombre de décès et la gravité des blessures. Ces normes comprennent la robustesse des véhicules garantissant que la conception protège les occupants, et les technologies de prévention des collisions comme les systèmes de freinage antiblocage (ABS), le contrôle de la stabilité électronique (ESC) et les rappels de ceinture de sécurité. Dans les pays à revenu élevé, de telles normes sont imposées par la loi et strictement appliquées. Cependant, dans les économies émergentes et en développement, de nombreux véhicules manquent de ces caractéristiques de sécurité vitales, créant un écart en matière de sécurité », précise le rapport.
« Sur 146 pays étudiés, environ 2/3 ont des politiques faibles ou très faibles réglementant l’importation de véhicules d’occasion. De nombreux véhicules importés ne seraient pas autorisés à circuler sur les routes des pays exportateurs » apprend-on d’un autre rapport publié en décembre 2020, cette fois par le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE).
Des contrecoups économiques significatifs
Dans les économies émergentes et en développement où les systèmes de transport sont largement dominés par le mode routier, les accidents de la circulation ont des répercussions économiques majeures. Les conséquences sont notables sur le capital humain, notamment en termes de santé publique et de productivité générale des populations.
À l’échelle mondiale, le coût annuel des accidents de la route était évalué à 2900 milliards USD en 2021, soit environ 3% du PIB global. Pour les pays à revenu intermédiaire supérieur, cette part était de 4,9% du PIB, traduisant un accroissement de la pression financière. Les pays en développement supportent la plus grande charge, avec 1600 milliards USD représentant 55% du coût global. Les chiffres varient selon les régions : 98 milliards USD pour l’Afrique subsaharienne, 1160 milliards USD en Asie de l’Est/Pacifique.
« La mortalité et la morbidité dues aux particules fines en suspension (PM2,5) provenant du transport routier sont estimées à 385 milliards USD par an. Les pertes de productivité dues à l’altération cognitive causée par les émissions de PM2,5 s’élèvent à 157 milliards USD. […] Le coût mondial en bien-être lié à la mortalité due au dioxyde d’azote (NO2) est estimé à 420 milliards USD. En 2021, le coût mondial des pertes de QI annuelles s’est élevé à 2 trillions USD, ce qui représente la valeur actuelle des pertes de revenu à vie associées et équivaut à 2,1% du PIB mondial », détaille le rapport.
Une motorisation en forte croissance
En 2020, l’Amérique du Nord affichait un taux médian de 623 véhicules motorisés pour 1000 habitants, contre un peu plus de 40 véhicules pour 1000 personnes en Afrique subsaharienne. Si ce chiffre demeure parmi les plus faibles au monde, le taux de motorisation dans les économies émergentes et en développement est en nette progression, avec des hausses pouvant aller jusqu’à 10% par an dans certaines régions.
Cette dynamique laisse entrevoir un doublement du parc mondial de véhicules d’ici 2050, alors qu’il est actuellement estimé à entre 1,6 et 2,2 milliards d’unités. Aujourd’hui, les voitures particulières, camionnettes et pickups représentent à eux seuls environ 73% du parc en circulation, tandis que les motocyclettes et autres deux-roues motorisés comptent pour 23%. Les véhicules lourds ne constituent quant à eux que 4% du total.
Cette croissance rapide est particulièrement marquée dans les pays à revenu faible ou intermédiaire. Selon le rapport 2020 du PNUE susmentionné, environ 14 millions de véhicules légers (voitures, VUS et minibus) ont été exportés vers cette catégorie de pays entre 2015 et 2018, dont 40% à destination de l’Afrique.
Parmi les plus gros importateurs du continent figure le Nigeria, avec plus de 200 000 véhicules d’occasion chaque année. D’après l’International Trade Administration des USA, ce pays a un marché de consommation estimé à 720 000 véhicules par an, suivi d’autres comme l’Éthiopie, le Kenya et la Tanzanie.
Quelles solutions face à ce défi ?
Afin de mieux encadrer l’importation de véhicules d’occasion et de réduire les coûts économiques et sanitaires associés, le rapport recommande une approche intégrée. Celle-ci reposerait notamment sur le renforcement des réglementations à l’entrée et la réorganisation des procédures d’inspection des véhicules usagés importés. L’application de ces mesures à l’ensemble du parc (véhicules légers, poids lourds et deux-roues motorisés) pourrait permettre une réduction de près de 9% des décès causés par les accidents de la route.
Par ailleurs, l’adoption d’exigences réglementaires pour les véhicules d’occasion contribuerait à diminuer significativement les émissions polluantes : jusqu’à 20% pour les particules fines PM2,5 et 30% pour les oxydes d’azote (NOx). Certains pays comme l’Égypte et le Ghana se distinguent par des avancées notables, grâce à l’élaboration de cadres juridiques plus adaptés à l’importation de véhicules, axés notamment sur la réduction des émissions.
Au-delà de l’état des véhicules, le facteur humain reste la principale cause des accidents de la route en Afrique. Dans son rapport publié le 16 juillet 2024, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) identifie 6 comportements à risque majeurs : l’excès de vitesse, la conduite sous l’emprise d’alcool, le non-port du casque à moto, le non-port de la ceinture de sécurité, l’inattention et l’usage de téléphone au volant.
La question de la sécurité routière soulève aussi celle de carences profondes comme le retard infrastructurel, avec une grande partie du réseau routier en mauvais état ou non entretenu, l’absence de politiques incitatives encourageant l’achat de véhicules neufs, le manque de soutien à la production automobile locale, freinant le renouvellement des parcs.
Ces éléments pèsent sur les efforts de prévention et appellent à une approche systémique et coordonnée, mobilisant les politiques publiques, les acteurs du secteur privé et la coopération internationale.
Article publié en partenariat avec Tchadinfos.com