Abidjan (© 2025 Afriquinfos)- La radicalité en politique, souvent une posture de pure opposition, reste une impasse. Au lieu de remettre en question de manière constructive, elle se contente de s’affirmer sans chercher à apporter une véritable réponse aux défis de la société. Ainsi, on observe des figures comme Billon s’opposant à Thiam, Affi à Gbagbo, ou encore Marcel A. Tanon à Ouattara, et Bacongo à Bictogo. Ces affrontements révèlent les dangers de la radicalité: ils ne font qu’exacerber les divisions sans réellement contribuer à l’avancée du pays.
L’exemple le plus frappant reste celui de Soro Guillaume, qui a d’abord utilisé la radicalité contre Gbagbo, pour ensuite l’appliquer à Ouattara. Cette oscillation entre oppositions radicales montre bien l’absence de véritable vision politique. Il est symptomatique d’une classe politique ivoirienne préoccupée davantage par sa propre vérité que par le bien-être commun. Cette «vérité» se décline sous différentes formes: Thiam incarne la vérité des diplômes et du parcours académique ; Gbagbo, celle du terrain, forgée par son expérience en prison; Ouattara, celle de la construction et des infrastructures ; Soro, celle du coup de force et de l’ultimatum politique. Ces différentes visions ne sont pas complémentaires, elles se dressent les unes contre les autres, rendant toute forme de dialogue difficile.
La contradiction des discours politiques ivoiriens est flagrante: tout le monde parle de paix, de réconciliation, mais, dans les faits, chacun se livre une guerre interne. Les leaders eux-mêmes ne suivent pas le modèle de comportement qu’ils prêchent. Prenons l’exemple d’Affi N’Guessan: il accuse Gbagbo de vouloir s’imposer comme le seul dirigeant du FPI, et pourtant, quelques années plus tard, il expulse lui-même de ce même parti Dagbo. Ce double discours est révélateur de la déconnexion entre les paroles et les actes.
De même, Soro Guillaume prône le retour au pays, le travail pour la Nation, notamment en invitant Blé Goudé à revenir en Côte d’Ivoire. Pourtant, lui-même reste en exil, dans un silence qui fait écho à une hypocrisie politique patente. Quant à Thiam et Billon, ils s’accusent mutuellement d’être des « enfants gâtés de la République », des produits du système, n’ayant rien prouvé sur le terrain et jouissant de multiples nationalités, mais se présentant comme des patriotes. Ces critiques ne sont pas dénuées de fondement: l’élite politique ivoirienne semble trop préoccupée par ses intérêts personnels pour réellement incarner l’idéal démocratique qu’elle prône.
En fin de compte, la radicalité ne mène à rien. Elle nourrit la division et la méfiance, tout en empêchant la construction d’un véritable projet national. L’opposition n’est pas un but en soi ; elle doit se transformer en un débat de fond, dans lequel les idées s’affrontent pour enrichir la démocratie. Mais pour cela, il faut dépasser les postures, abandonner les certitudes et accepter l’idée que la politique n’est pas une affaire de vérité unique, mais de confrontation d’idées au service du peuple.
Les politiciens ivoiriens doivent se remettre en question. S’ils veulent vraiment œuvrer pour la réconciliation et la paix, il est grand temps qu’ils s’engagent dans des débats ouverts, sincères, et surtout constructifs. La politique ne doit pas être une scène de guerre interne, mais un espace où les divergences s’expriment pour mieux avancer ensemble.
ALEX KIPRE, écrivain, éditeur, journaliste