Ouganda: L’opposant K. Besigye devant les juges depuis ce 20 novembre après un kidnapping au Kenya

Afriquinfos Editeur
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L'opposant ougandais Kizza Besigye le 13 juillet 2016 à Kampala.

L’opposant historique ougandais Kizza Besigye a comparu mercredi 20 novembre 2024 devant une Cour martiale de la capitale Kampala pour des soupçons de menace à la sécurité nationale, quatre jours après avoir été « kidnappé » au Kenya selon son épouse.

De nombreuses voix se sont élevées contre l’arrestation de cet adversaire du Président Yoweri Museveni. Ancien médecin personnel du Chef de l’Etat, Kizza Besigye, 68 ans, s’est notamment présenté contre lui à quatre reprises à l’élection présidentielle (2001, 2006, 2011, 2016).

L’opposant ougandais Kizza Besigye lors d’une conférence de presse le 22 décembre 2017 à Kampala.

Lors de sa comparution, en compagnie d’un autre membre de l’opposition, Hajji Lutale Kamulegeya, également arrêté à Nairobi, il a été accusé d’avoir été en possession de deux pistolets, a indiqué l’un de ses avocats, Erias Lukwago. Selon l’accusation, les deux hommes auraient ‘sollicité un soutien logistique en Ouganda, en Grèce et dans d’autres pays dans le but de compromettre la sécurité nationale du pays’, a indiqué l’avocat.

‘Il a nié les accusations et contesté la compétence du Tribunal pour le juger et il a été placé en détention provisoire à la prison (de haute sécurité) de Luzira jusqu’au 2 décembre’, a-t-il ajouté. Ancien colonel ayant quitté l’Armée en 2001, Kizza Besigye estime qu’il doit être jugé par un tribunal civil.

– « Jours sombres » –

Il était arrivé en début d’après-midi au Tribunal, vêtu d’un costume bleu et d’une chemise rose, souriant, une main menottée à celle d’un policier en civil et faisant le V de la victoire de l’autre, mettant fin à plusieurs heures d’interrogation sur son sort. Dans la nuit de mardi à mercredi 20 novembre 2024, son épouse Winnie Byanyima, directrice du Programme commun des Nations Unies sur le VIH/Sida (Onusida), avait affirmé sur X qu’il avait été « kidnappé samedi dernier alors qu’il se trouvait à Nairobi » pour la sortie d’un livre d’une figure de l’opposition kényane, Martha Karua, et qu’il était détenu dans une prison militaire à Kampala. 

L’emblématique opposant ougandais Bobi Wine a condamné sur X « cette violation flagrante de la loi par le régime ougandais et, malheureusement, par les autorités kényanes ». ‘Nous revenons aux jours sombres où les Ougandais étaient ramassés sans discernement dans les rues de Nairobi et renvoyés en Ouganda pour être torturés, emprisonnés et d’autres exécutés’, a-t-il déploré.

La LSK (Principale association professionnelle kényane d’avocats) a « fermement condamné » l’arrestation de Kizza Besigye, qu’elle juge « contraire non seulement à nos lois locales, mais aussi aux lois internationales ».

Une série de récents enlèvements de ressortissants étrangers sur le sol kényan suscite également l’inquiétude des organisations de défense des droits humains. Le mois dernier, le Kenya avait reconnu avoir renvoyé quatre réfugiés turcs qui, selon des groupes de défense des droits humains, avaient été enlevés à Nairobi et expulsés en violation du droit international.

Le Réseau de solidarité avec les dirigeants d’Opposition panafricains a qualifié l’extradition de M. Besigye de ‘profondément inquiétante’. ‘Ce nouveau modèle d’enlèvement/kidnapping de ressortissants étrangers sur le sol kényan, suivi de retours illégaux et forcés et de détention dans leur pays d’origine n’est pas de bon augure pour nous en Afrique de l’Est’, s’est alarmé ce réseau dans un communiqué.

K. Besigye, avec d’autres déçus du Président Museveni, a fondé en 2004 le FDC, qu’il a quitté il y a quelques mois pour créer une formation qui n’a pas encore été homologuée, le PFF (Front du peuple pour la liberté).

Un opposant, un parcours marqué par une répression permanente

Kizza Besigye, figure majeure de l’opposition ougandaise, a été « kidnappé » à Nairobi et est détenu dans une prison militaire de Kampala, a déclaré mardi 19 novembre 2024 son épouse, Winnie Byanyima, directrice de l’Onusida.

Winnie Byanyima a exigé sur X que le Gouvernement ougandais « libère immédiatement » son mari, affirmant qu’il a été « kidnappé samedi 16 novembre alors qu’il se trouvait à Nairobi » pour la sortie d’un livre de l’ex-candidate à la présidentielle, Martha Karua. M. Besigye, 68 ans, avait lui-même été candidat malheureux aux présidentielles de 2001, 2006, 2011 et 2016 contre Yoweri Museveni, qui dirige le pays depuis 1986 et dont il avait initialement été un partisan.

Des médias ougandais avaient dit être sans nouvelles de l’opposant depuis plusieurs jours. ‘J’ai désormais des informations fiables selon lesquelles il se trouve dans une prison militaire à Kampala’, a indiqué son épouse, qui dirige depuis 2019 le Programme commun des Nations Unies sur le VIH/Sida (Onusida), basé en Suisse.

‘Nous, sa femme et ses avocats, demandons à le voir’, a-t-elle ajouté, soulignant que M. Besigye, qui a été déjà été arrêté plusieurs fois par le passé, n’était « pas un soldat ». De ce fait, ‘pourquoi est-il détenu dans une prison militaire?’, s’est inquiété Mme Byanyima. Les autorités ougandaises ont multiplié les arrestations dans les rangs de l’Opposition ces derniers mois.

Fin juillet, 36 membres du FDC (Forum pour le changement démocratique), un parti créé par M. Besigye, avaient été inculpés pour « terrorisme », après avoir été expulsés du Kenya voisin. Placés en détention, ils ont été libérés sous caution fin octobre 2024. M. Besigye a longtemps été un proche de M. Museveni, dont il a été le médecin personnel du temps de leur lutte armée contre l’ancien dirigeant ougandais Milton Obote.

Leur rupture a été consommée en 2001, lorsque M. Besigye a quitté le Mouvement national de résistance (NRM) au pouvoir pour fonder le FDC et se présenter pour la première fois contre M. Museveni. M. Besigye a, ces dernières années, été la cible d’accusations diverses et de détentions fréquentes, et a accusé le pouvoir de le soumettre, ainsi que ses partisans, à du harcèlement et à des passages à tabac.

L’Ouganda est régulièrement pointé du doigt par des ONG et Gouvernements occidentaux pour ses atteintes aux droits humains et à la liberté d’expression. En 2021, le Bureau national des ONG avait suspendu 54 ONG, aussi bien des organisations de défense des droits des femmes que de défense des droits humains, pour non-respect des réglementations.

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