Luttes de pouvoir, corruption et conflits ethniques compromettent la tenue d’élections générales en 2024 au Soudan du Sud

Afriquinfos Editeur
5 Min de Lecture
Riek Machar, premier Vice-président du Soudan du Sud, le 3 février 2023 à Juba.

Le Gouvernement du Soudan du Sud étudie « la faisabilité » des élections prévues en décembre 2024, a annoncé la Présidence après des entretiens entre le Chef de l’Etat Salva Kiir et des dirigeants des partis politiques.

La tenue des premières élections de l’histoire du plus jeune pays du monde (indépendant en 2011), qui a obtenu son indépendance du Soudan en 2011, est de plus en plus incertaine. Prévues dans le cadre d’un accord de paix qui a mis fin en 2018 à cinq ans d’une guerre civile meurtrière entre les rivaux Salva Kiir et Riek Machar (400.000 morts, des millions de déplacés), elles ont déjà été reportées à plusieurs reprises.

« La présidence, en collaboration avec les dirigeants des principaux partis politiques, a décidé de demander un avis technique aux institutions électorales sur la faisabilité de la tenue des prochaines élections », a-t-elle affirmé dans un communiqué publié dans la soirée du 13 aout 2024.

Le Président du Soudan du Sud, Salva Kiir, le 9 mai 2024 à Nairobi, au Kenya.

« Cette décision vise à fournir un calendrier réaliste sur lequel les dirigeants politiques pourraient s’entendre pour les élections », explique le communiqué, citant le ministre des Affaires gouvernementales, Martin Elia Lomuro. Selon l’accord de paix de 2018, le Soudan du Sud est dirigé par un Gouvernement d’union nationale intégrant Salva Kiir (Président) et Riek Machar (premier Vice-président), avec pour mission de mener à bien une « Transition » s’achevant par des élections.

Mais le pays, parmi les plus pauvres au monde, reste miné par les luttes de pouvoir, la corruption et les conflits ethniques locaux, et les progrès dans des domaines-clés de l’accord (rédaction d’une Constitution, création d’une Armée unifiée…) restent minces.

– Aucun progrès notable –

Le Gouvernement a plusieurs fois repoussé la fin de cette période de « Transition ». La dernière extension fixait son échéance à février 2025, après des élections en décembre 2024. Aucun consensus n’existe sur la tenue de ces élections, ni sur leur nature (présidentielle, législatives, élections des gouverneurs…). Riek Machar a annoncé en mars 2024 qu’il boycotterait tout scrutin tant que les dispositions-clés de l’accord de paix ne seront pas en vigueur.

Le Président Salva Kiir a, lui, assuré de sa volonté de tenir des élections en décembre 2024, mais aucun progrès notable n’a été fait pour leur organisation. Un Conseil des partis politiques et une commission électorale ont été créés, sans action concrète depuis, et l’inscription sur les listes électorales annoncée pour débuter en juin 2024 est au point mort.

Le Gouvernement fait également face à un cruel manque de moyens. Il a perdu sa principale source de revenus après qu’un oléoduc lui permettant d’exporter son pétrole a été endommagé par les combats au Soudan voisin. Selon l’envoyé des Nations Unies pour le Soudan du Sud, Nicholas Haysom, « le temps manque » pour réunir les conditions favorables à la tenue des élections.

Le mois dernier, l’organisation Save the Children a assuré que le pays était « au bord de la famine » en raison des inondations liées aux fortes pluies. M. Haysom a également souligné que le pays de 11 millions d’habitants est au bord du désastre, y compris une potentielle inondation dévastatrice en septembre 2024.

Selon M. Haysom, « une combinaison parfaite de conditions défavorables se rassemble au Soudan du Sud, en raison de la situation économique et humanitaire ». « Les coûts de l’inaction en ce moment critique sont trop élevés », a-t-il dit, en assurant qu’une telle catastrophe « déborderait les capacités de réponse des Nations Unies et risque de mettre en échec la Transition politique du pays ».

© Afriquinfos & Agence France-Presse