En Côte d’Ivoire, le président Alassane Ouattara s’est engagé dans une démarche complexe de réformes, notamment dans l’urbanisation, qui suscite de nombreux débats. Le chef de l’État se trouve aujourd’hui face à un défi de taille : comment conjuguer fermeté dans la gestion de l’urbanisation, notamment à travers des démolitions pour assainir les villes, tout en faisant preuve d’humanité envers les populations concernées? Cette dualité, fermeté et humanité, est-elle vraiment compatible, ou sont-elles fondamentalement opposées ?
Depuis plusieurs années, Abidjan et d’autres grandes villes ivoiriennes sont en proie à une urbanisation galopante, parfois anarchique, où l’insalubrité et l’occupation illégale des terrains sont devenues des problématiques majeures. Le gouvernement a donc lancé des campagnes de démolition d’habitations construites sans autorisation sur des terres à risque ou dans des zones réservées. L’objectif affiché est d’améliorer la salubrité des infrastructures urbaines, protéger la population contre les dangers naturels (inondations, éboulements) et rétablir un ordre dans l’occupation des sols. Mais ces mesures sont souvent perçues comme brutales par les populations touchées, qui se retrouvent sans abri du jour au lendemain.
Ouattara peut-il être à la fois ferme et humain?
La question se pose : peut-on agir avec fermeté dans la gestion de l’espace urbain sans perdre de vue l’aspect humain? Pour certains, la fermeté est nécessaire pour mettre fin à des années de laisser-aller et d’occupation anarchique. Ces partisans du changement estiment que la réorganisation des villes est primordiale pour le développement économique et social du pays. Cependant, la rapidité et l’ampleur des démolitions ont provoqué de vives critiques. Plusieurs voix s’élèvent pour rappeler que des familles entières se retrouvent sans toit ni recours, souvent sans solutions de relogement immédiates. Des questions de justice sociale émergent alors : peut-on privilégier la salubrité des infrastructures urbaines au détriment du bien-être humain?
Le pragmatisme peut-il allier fermeté et compassion?
Ouattara se retrouve dans une position délicate, où il doit arbitrer entre l’exigence de réformes fermes et la nécessité de protéger les populations vulnérables. Le pragmatisme, allié à une dose de modération, pourrait être la clé pour concilier ces deux aspects. En effet, des programmes d’accompagnement, tels que des solutions de relogement anticipées ou des compensations financières, seraient un signe de bienveillance et d’humanité dans ce processus. De telles mesures permettraient de ne pas simplement démolir, mais aussi de reconstruire des vies et de redonner de l’espoir à ceux qui subissent les conséquences de ces réformes.
Dans un pays où l’urbanisation est souvent synonyme d’inégalités sociales, il est crucial que la fermeté dans l’action gouvernementale soit accompagnée de politiques inclusives. L’État peut, par exemple, mettre en place des initiatives pour offrir un logement social décent aux familles évincées. Ce serait une manière d’agir avec fermeté sur les grands enjeux d’urbanisme tout en montrant une réelle empathie pour les citoyens les plus démunis.
Réformer avec fermeté, mais sans perdre l’humanité
La gestion des flux migratoires, citée en exemple par d’autres pays, montre que la fermeté n’exclut pas l’humanité. Le défi est de taille pour Ouattara : gérer la transformation urbaine sans tomber dans une logique purement répressive. L’expérience d’autres gouvernements africains prouve qu’une approche équilibrée, alliant rigueur et sensibilité sociale, peut porter ses fruits à long terme.
Ouattara doit donc répondre à cette question cruciale : peut-il agir avec fermeté dans la gestion de l’urbanisation, tout en étant attentif à l’humanité de ses réformes? Une urbanisation mieux planifiée et plus saine est nécessaire pour le bien-être de tous, mais elle ne doit pas se faire au prix de la détresse des populations les plus vulnérables. Le président ivoirien peut, en intégrant des mesures sociales et des politiques de relogement, montrer qu’il est possible d’être à la fois ferme dans ses réformes et humain dans leur mise en œuvre.
Une quête de salubrité urbaine, mais pas au détriment des citoyens
En fin de compte, la Côte d’Ivoire ne peut faire l’économie de réformes profondes pour améliorer la salubrité et l’organisation de ses villes. Mais il est tout aussi impératif que ces réformes soient conduites avec un souci constant de l’humanité et de la justice sociale. C’est là tout l’enjeu pour Alassane Ouattara : réformer, mais sans sacrifier les vies humaines dans la quête d’une urbanisation moderne et efficace.
ALEX KIPRE, écrivain, éditeur, journaliste