Election présidentielle en Côte d’Ivoire: Didier Drogba, le sens d’un silence

Dans cette ambiance tiède, un nom ne cesse de revenir : Didier Drogba. Silencieux.

Afriquinfos.com
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La CAN approche. Décembre 2025 portera l’adrénaline du sport roi au Maroc. Mais avril 2026 décidera avec la présidentielle, de l’avenir administratif du football ivoirien. Deux échéances capitales.

Idriss Diallo, en poste depuis 2022, semble vouloir rempiler. Il est candidat à sa propre succession, sans surprise ni adversité. Il pourrait entrer dans l’histoire comme le seul président ivoirien vainqueur de deux CAN s’il remporte celle organisée au Maroc. Mais au-delà du palmarès, la réalité fait grincer : les clubs peinent, la formation des jeunes stagne, et le public se détourne du championnat.

La FIF n’a pas vraiment réconcilié les Ivoiriens avec leur football. Malgré les jolis discours et les images bien cadrées de l’équipe nationale. Une fédération ce sont des Can certes. Mais pas que. C’est d’ailleurs d’abord un championnat alléchant que précède une formation rigoureuse de jeunes pousses. Canal+ perd 980 millions de francs CFA chaque saison, pour une ligue 1 qui ne captive plus ni sponsors ni fans.

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Les vraies réformes se font attendre. La formation, l’attractivité, la transparence financière : autant de chantiers que la Providence, la chance avec Haller et ses buts avec des surfaces de contacts inattendues ou Adingra et ses buts de dernière minute ne règlera pas. En tout cas l’histoire enseigne que la chance existe et sait sourire. Mais pas tout le temps aux mêmes personnes.

Dans cette ambiance tiède, un nom ne cesse de revenir : Didier Drogba. Silencieux.

Absent. Et donc encore plus présent.

Son irruption dans l’élection précédente avait électrisé l’opinion. Sa défaite, brutale. Son retrait actuel, incompréhensible pour beaucoup. Certains l’avaient quitté parce qu’il avait perdu. D’autres notamment Eugène Diomandé et une quatraine de présidents l’avaient quitté avant qu’ils ne perdent. De nombreuses personnes sont déçues parce qu’il refuse même de rejouer la partie. À quatre mois du scrutin, aucune déclaration, aucun mouvement, pas même une ombre de stratégie dans les coulisses. Le vide.

Mais faut-il blâmer l’homme ? Didier Drogba a peut-être simplement fait un choix personnel : celui de vivre autrement sa légende. Aux côtés de sa femme Gabrielle qui lui a donné un superbe enfant. La vie c’est aussi ça. Et c’est son droit. Il a gagné sa liberté. Finance ce qui lui parle, pas ce que la FIFA ou la rue attendent de lui.

Il préfère animer les cérémonies de remise de ballon d’or ou de tirage aux sorts. Elles n’ont rien de déshonorant. Il préfère -on le constate- vibrer au son de Kérozen après avoir fredonné les tubes de feu Arafat DJ que d’affronter les urnes. Loin des repérages sous canicule et des intrigues des fédérations, il danse. Il soutient. Il vit. C’est aussi un droit. Être fanatique de musique, de culture urbaine, de ses propres passions… n’est-ce pas là aussi une forme d’engagement assumé ?

Certes, la FIFA l’avait soutenu. Elle voyait en lui un ambassadeur moderne d’un football africain à rénover par le haut. Mais être président de fédé, c’est plus que marquer des buts : c’est trancher, écouter, convaincre, souffrir. Et Drogba n’en avait pas envie. Il n’a pas toujours pas envie de souffrir. D’arriver troisième sur trois. ce qui signifie dernier une deuxième fois. La Fifa, et ceux qui l’ont poussé sans l’armer ont aussi leur part de responsabilité dans cette désillusion collective qu’il incarne désormais malgré lui.

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Si Drogba ne revient pas, c’est peut-être qu’il ne voulait jamais vraiment venir, poussé plus qu’engagé par conviction personnelle. L’ombre de la FIFA à qui il fallait un visage iconique pour réformer, mais avec de vrais relais crédibles en local est là. Or, Drogba semble avoir manqué d’envie, d’alliés, ou simplement d’intérêt pour les enjeux politiques et administratifs du football ivoirien.

Sincèrement blessé personnellement, il ne serait pas prêt à affronter une deuxième humiliation dans les arènes électorales ivoiriennes. Un feu de paille pour beaucoup, un espoir consumé pour d’autres qui croyaient en une révolution à la Eto’o. Mais Drogba n’est pas Eto’o. Il n’a ni l’impulsivité de gestion ni la capacité à braver les tempêtes institutionnelles durables.

Des rumeurs évoquent des pressions, un conditionnement extérieur, voire une instrumentalisation mal assumée par des réseaux internationaux. La FIFA voulait bouger les lignes, mais elle veut aussi travailler avec des partenaires fiables, disciplinés et politiquement cohérents.

Alors, la route semble dégagée pour Idriss Diallo.

Mais rien n’est sûr. Aujourd’hui, le risque est grand : voir Idriss Diallo reconduit non pas par adhésion, mais faute d’alternative sérieuse et visible. Une CAN gagnée masquerait tout. Une CAN ratée, en revanche, pourrait raviver toutes les rancunes, réveiller tous les rapports enterrés. Le rapport de Dao Gabala, sur la gestion fédérale passée, referait alors surface avec une force décuplée par la frustration populaire. La Providence semble accompagner l’actuel président Diallo, mais le temps file, et les vérités mal enfouies ne dorment jamais longtemps.

ALEX KIPRE

Article publié en partenariat avec Pouvoirs Magazine