Ebola en RDC: Chronique d’une année de fièvres

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Epidémie d'Ebola, nombre de cas et décès depuis avril 2018

GOMA (© 2019 AFP) – Crise sanitaire, menaces sécuritaires, angoisses aux frontières, batailles politiques, enjeux pharmaceutiques: déclarée il y a tout juste un an jeudi, l’épidémie de fièvre hémorragique Ebola dans l’est de la République démocratique du Congo multiplie les défis aux professionnels de la santé publique, qui n’en voient pas le bout.

La dixième épidémie en RDC préoccupe bien au-delà des frontières des provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri où elle a tué près de 1.800 personnes (1.790 selon les derniers chiffres) en 365 jours, principalement dans les zones de Beni et Butembo. L’Arabie Saoudite a fermé les portes de la Mecque aux musulmans vivant en RDC pour prévenir tout risque de propagation lors du prochain pèlerinage. Au Maroc, un dépliant de conseils et d’informations sur Ebola est remis à l’aéroport de Casablanca aux passagers en provenance de Kinshasa. « Les échanges économiques et humains sont très intenses », a averti Pierre Somse, ministre de la Santé de la Centrafrique voisine. « Nos éleveurs vendent leur bétail en RDC. Des groupes rebelles et des braconniers vont et viennent de l’autre côté de la frontière. Les risques sont élevés ». Aucun cas n’a été enregistré dans la capitale congolaise qui se situe à deux heures d’avion des principaux foyers d’infection.

À Goma, la capitale du Nord-Kivu à la frontière avec le Rwanda, la frustration et le désespoir sont au rendez-vous pour les deux millions d’habitants. « Nous sommes sensibilisés, nous respectons les règles (lavage des mains et contrôle de température), mais ce que nous voulons c’est que cette épidémie prenne vite fin », affirme Jonas Shukuru, taxi-moto de la ville. « Le gouvernement doit en faire sa priorité car nous ne devons pas mourir à la fois à cause de l’insécurité et de cette l’épidémie ». L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a fait de l’épidémie d’Ebola une « urgence de santé publique de portée internationale » après la découverte d’un premier cas mi-juillet à Goma. Un second cas y a depuis été enregistré, le 30 juillet, renforçant les inquiétudes. L’OMS a cependant déconseillé la fermeture des frontières de la RDC avec les pays voisins, dont l’Ouganda où deux décès ont été enregistrés en juin.

– Tourbillon de la violence – 

Contrôle de la température à la frontière entre la RDC et le Rwanda le 16 juillet 2019 (photo AFP).

Quinze jours après, l’organisation se félicitait d’une augmentation de l’aide étrangère pour aider la RDC et son système de santé publique quasi-inexistant. La Banque mondiale a annoncé 300 millions de dollars d’aide supplémentaire. Après les 11.000 morts en Afrique de l’Ouest en 2014, l’épidémie congolaise est la plus grave de l’histoire de la maladie en Afrique où elle était apparue en 1976 dans l’ex-Zaïre (devenu RDC), près de la rivière Ebola. L’épidémie frappe principalement les zones de Beni et Butembo-Katwa, pris dans le tourbillon de la violence des groupes armés depuis 25 ans.

La présence des très sanguinaires Forces démocratiques alliées (ADF) a compliqué les actions de prévention au nord de Beni, à Oicha, un foyer marginal de l’épidémie. Les incursions meurtrières des ADF dans Beni même ont suspendu les activités sanitaires pendant quelques jours. Mais les équipes sur le terrain se sont surtout heurtées aux « réticences » et aux « résistances » des habitants: déni de la maladie, refus de la vaccination, de l’hospitalisation des proches, des enterrements « dignes et sécurisés » conduits par la Croix-Rouge pour éviter tout contact avec les fluides du défunt particulièrement contagieux. Ces « résistances » ont été violentes, avec l’assassinat d’un médecin épidémiologiste de l’OMS dans l’attaque d’un hôpital à Butembo en avril, et l’attaque des centres de traitement d’Ebola (CTE) à Butembo et Katwa.

– « Une année, c’est trop ! » –

L’épidémie a également eu plusieurs conséquences politiques. Le ministre congolais de la Santé Oly Ilunga a démissionné fin juillet, s’estimant désavoué par le président Etienne Tshisekedi qui a décidé de prendre le contrôle direct de la lutte contre Ebola. M. Tshisekedi a confié la responsabilité de la « riposte » au professeur Jean-Jacques Muyembe, qui travaillait déjà avec l’OMS en 1976 sur la première d’épidémie Ebola dans l’ex-Zaïre. M. Ilunga, médecin expatrié en Belgique, s’opposait à l’introduction d’un deuxième vaccin, répétant chaque jour sa confiance dans l’actuelle injection des laboratoires Merck. Il invoquait aussi les risques liés à l’introduction d’un nouveau produit dans des communautés où la méfiance à l’égard du personnel soignant était déjà élevée. Recommandé par l’OMS, ce deuxième produit est fabriqué par la société Johnson & Johnson et en est au stade des enquêtes sur son efficacité. Le vaccin Merck a été testé, mais n’a pas de licence. La société civile du Nord-Kivu a invité « les autorités à faire une évaluation des résultats de la riposte contre Ebola », a déclaré à l’AFP son président, John Banyene : « Une année, c’est trop ! ».

Lavage des mains obligatoire sur une route à Goma le 16 juillet 2019 (AFP).