Les Djiboutiens se préparent à la fête de l’Aïd

Afriquinfos Editeur
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Dans chaque ville et chaque quartier, dans chaque maison et dans chaque regard croisé, l'on note toujours la même excitation qui va en crescendo, jour après jour. Tout le monde s'agite. Les activités se succèdent. Et prennent du rythme.

Les petits garçons sillonnent les rues avec leurs brouettes chargées de déchets ménagers et autres ustensiles devenus "gênants " pour l'Aïd. Les femmes tatoueuses vérifient la commande de leurs ingrédients et se frottent les mains.

Les plus réputées travaillent avec une liste datée et sont déjà payées en avance.

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Soucieux d'occuper en premier la place stratégique du quartier, certains jeunes ont déjà planté les deux poteaux qui feront office du légendaire "shirimiri" (balançoire). D'autres achètent les lots du jeu qu'ils proposeront et construisent les matériels appropriés.

Coups de peintures, rideaux neufs, nouvelle disposition des meubles.. Les maisons changent de "toilettes". Les hommes aussi. Le long de la route, les usagers du transport en commun doivent faire preuve de patience. Bus et minibus défilent devant l'impuissance de leurs yeux, et affichent complets. Normal, la destination pour tous les passagers est la même : Place Mahamoud Harbi. Alors, le rare moment qu'un passager descend en cours de route, il faut "oser" pour prendre sa place.

Mais revenons à notre Place M. Harbi qui a du mal, beaucoup de mal à se démarquer définitivement de l'étiquette de son premier baptême, son baptême colonial à la mémoire d'un Dormeur du Val, un certain.. Rimbaud.
Passons.

En période de Ramadan, la nuit reste l'idéal pour faire ses achats. Et comme les Djiboutiens sont adeptes de la dernière heure, et que la capitale compte un seul quartier commercial, l'image est impressionnante. Presque surréaliste. Un parcours de combattant s' impose.
Ce qui était conçu pour être une gare routière s'est transformée en un gigantesque bazar à ciel ouvert sans dessus dessous. Aux marchants ambulants habituels, s'est ajoutée une multitude d'hommes et femmes-sandwiches débout avec leurs articles suspendus sur les épaules.

Ce n'est pas tout.

De centaines de brouettes sont transformées ingénieusement pour l'occasion en des véritables petits magasins roulants. Sandales, mocassins, jouets, chemises, pantalons, boubous, draps, sous- vêtements.. Il n y a plus un coin à mettre les pieds. Un océan d' articles s'étale partout, à même le sol. Cris. Ululements. Chamaillades. Sourires. Une galaxie de folie.

Pour beaucoup, l'Aïd rapporte énormément. Alors tout le monde veut tenter sa chance et y croit profondément. Tout le monde devient vendeur pour l'occasion. Le mécanisme est simple : si on a fait des économies en amont, après analyse de l'article qui a le vent en poupe, on achète une commande en fonction de ses moyens auprès de la grossiste. Si on a juste que des idées et rien dans les poches, alors on cherche un garant auprès de Madame et si ça marche, on prie le Très Haut pour que l'affaire soit juteuse.

Halimo Osman est une de ces commerçantes djiboutiennes qui ont travaillé dur et seules, et ont réussi dans le secteur du prêt-à- porter. Veuve depuis plus d'une décennie, quand l'Aïd pointe son nez, Halimo n'est plus la quinquagénaire diabétique. Elle retrouve une force surhumaine.
La voilà prête à soulever de montagnes. Se nourrir ou dormir deviennent des mots dépourvus de sens. D'intérêts. Halimo défie tous les lois organiques.

Tout ce qu'elle a besoin, c'est de l' argent. De l'argent d'abord. Puis, peut être un peu d'oxygène. C' est tout.

Plus elle vend, plus elle semble habiter par la puissance d'une force venue d'un autre monde. "J'ai perdu mon mari très tôt. Pour nourrir mes cinq enfants, je me suis battue toute seule. J'ai travaillé nuit et jour. J'ai vendu des cacahuètes, du khat, j'ai monté des gargotes. Mais jamais, je n'ai tendu la main à quiconque. La vie est un éternel combat dont seul les plus audacieux réussissent.

Dieu soit loué, aujourd'hui, je parviens à subvenir avec dignité aux besoins de ma famille. Depuis que le Ramadan a débuté, je rentre chaque jour à trois heures du matin pour ouvrir le lendemain les portes de mes trois boutiques à huit heures précises.

Et à partir du quatrième jour avant l'Aïd, je ne rentre plus à la maison. Je fais la navette entre les boutiques. Quatre jours de nuits blanches au milieu de tout cela. Aujourd'hui, mes enfants ont grandi et ils sont tous mobilisés à mes côtés. Que voulez-vous, ainsi va la vie…”