N’Djaména (© 2025 Afriquinfos)- Le Tchad et le Sénégal ont réagi suite aux propos d’Emmanuel Macron tenus ce 6 janvier, selon lesquels que certains pays avaient « oublié de dire merci » à la France pour son aide dans la lutte contre le terrorisme. N’Djaména a dénoncé « l’attitude méprisante » du président français Le Sénégal a également condamné ces propos.
Le gouvernement tchadien a exprimé sa « vive préoccupation suite aux propos tenus récemment par le Président de la République française, Emmanuel Macron, qui reflètent une attitude méprisante à l’égard de l’Afrique et des Africains« , indique un communiqué du ministre tchadien des Affaires étrangères Abderaman Koulamallah lu à la télévision d’Etat lundi soir.
Le Tchad a rompu fin novembre aux accords militaires qui le liaient à l’ancienne puissance coloniale.
M. Koulamallah rappelle « qu’il n’a aucun problème avec la France » mais également que « les dirigeants français doivent apprendre à respecter le peuple africain ».
Le Premier ministre sénégalais Ousmane Sonko a quant à lui contesté lundi que le retrait annoncé des soldats français de son pays aurait donné lieu à des négociations entre Paris et Dakar et s’est inscrit en faux avec virulence contre des propos du président Emmanuel Macron sur l’engagement militaire français en Afrique.
M. Sonko a qualifié sur les réseaux sociaux de « totalement erronée » l’affirmation selon laquelle le départ annoncé de centaines de soldats français ferait suite à une proposition de la France qui aurait laissé aux pays concernés par une réorganisation de la présence militaire française la primeur d’annoncer de tels retraits.
Dans sa réplique, Sonko a aussi battu en brèche l’argument du dirigeant français selon lequel « aucun pays africain ne serait aujourd’hui souverain, si la France ne s’était déployée ».
« Constatons que la France n’a ni la capacité ni la légitimité pour assurer à l’Afrique sa sécurité et sa souveraineté », a-t-il souligné à ce propos.
« Bien au contraire, elle a souvent contribué à déstabiliser certains pays africains comme la Libye avec des conséquences désastreuses notées sur la stabilité et la sécurité du Sahel », a poursuivi le PM sénégalais, non sans rappeler à Macron l’engagement des Africains ayant été déterminant pour la libération de la France lors de la seconde guerre mondiale 1939-1945.
Rappel du « rôle déterminant » de l’Afrique dans la libération de la France
« Si les soldats Africains, quelquefois mobilisés de force, maltraités et finalement trahis, ne s’étaient pas déployés lors la deuxième guerre mondiale pour défendre la France, celle-ci serait, peut être aujourd’hui encore, Allemande« , a-t-il adressé au président français qui, dans sa déclaration.
« J’ai instruit le ministre des Forces armées de proposer une nouvelle doctrine en matière de défense et de sécurité impliquant, entre autres conséquences, la fin de toutes les présences militaires de pays étrangers au Sénégal dès 2025« , avait indiqué le président sénégalais.
Dans son communiqué, Abderaman Koulamallah souligne notamment le « rôle déterminant » de l’Afrique et du Tchad dans la libération de la France lors des deux guerres mondiales que « la France n’a jamais véritablement reconnu » ainsi que « les sacrifices consentis par les soldats africains ».
« En 60 ans de présence (…) la contribution française a souvent été limitée à des intérêts stratégiques propres, sans véritable impact durable pour le développement du peuple tchadien« , a t-il critiqué.
« Le peuple tchadien aspire à une souveraineté pleine et entière, à une véritable indépendance, et à la construction d’un État fort et autonome » a ajouté M. Koulamallah.
Le Tchad avait annoncé par surprise le 28 novembre qu’il mettait fin à l’accord militaire entre Paris et N’Djamena, actant la fin de soixante ans de coopération militaire depuis la fin de la colonisation française.
Le Tchad constituait le dernier point d’ancrage de la France au Sahel, avec environ un millier de soldats stationnés, principalement au camp Kossei dans la capitale tchadienne N’Djamena.
Des troupes et des avions de combat français ont été stationnés au Tchad quasiment sans discontinuer depuis l’indépendance en 1960, servant à la formation et l’entraînement des militaires tchadiens.
L’ex-puissance coloniale a compté jusqu’à plus de 5.000 militaires au Sahel dans le cadre de l’opération anti-djihadiste Barkhane, stoppée fin novembre 2022.
Entre 2022 et 2023, quatre anciennes colonies françaises, le Niger, le Mali, la Centrafrique et le Burkina Faso, ont enjoint Paris à retirer son armée de leurs territoires, où elle était historiquement implantée et se sont rapprochées de Moscou.
Le mois dernier, à quelques heures d’intervalle, le Sénégal et le Tchad ont à leur tour annoncé le départ des militaires français de leur sol et officialisé une « réorganisation« . En janvier, la Côte d’Ivoire a également annoncé que la base militaire française de Port-Bouet près d’Abidjan serait rétrocédée au pays.
La France a eu « raison » d’intervenir militairement au Sahel « contre le terrorisme depuis 2013 », mais les dirigeants africains ont « oublié de nous dire merci », avait déclaré lundi le président Macron, estimant qu' »aucun d’entre eux » ne gèrerait un pays souverain sans cette intervention.
Le président français Emmanuel Macron s’exprimait dans discours devant les ambassadeurs de France en poste dans le monde, le lundi 6 janvier 2025, au palais de l’Elysée à Paris.
Afriquinfos