Chronique Santé/Atelier sur «L’exigence de preuve judiciaire avant l’interruption de grossesse: vers une nouvelle barrière pour les victimes de viol»?

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Atelier de réflexion approfondie sur les enjeux médicaux de l’avortement sécurisé, les défis culturels et la prise en charge psycho-sociale des victimes de violences sexuelles en Côte d'Ivoire.

ABIDJAN (© 2025 Afriquinfos)- L’Afrique fait face à des défis majeurs en matière de santé publique, notamment en ce qui concerne l’accès à des services de santé sûrs et dignes.

L’un des sujets les plus sensibles mais essentiels est l’avortement sécurisé, une question complexe qui mêle enjeux médicaux, légaux, éthiques et culturels. C’est dans ce contexte que s’est tenu les 20 et 21 mars 2025 (à Silver Moon Hôtel, à Abidjan) un atelier de réflexion approfondie sur les enjeux médicaux de l’avortement sécurisé, les défis culturels et la prise en charge psychosociale des victimes de violences sexuelles, notamment le viol et l’inceste.

Organisé par le CACI (Collectif des activistes de Côte d’Ivoire) avec des experts de la santé, des activistes, et des members d’associations de défense des droits des femmes, cet évènement a permis de poser les bases d’une approche plus juste et inclusive dans la prise en charge de l’avortement sécurisé.

Cadre judiciaire de l’avortement sécurisé, entre réformes et défis

L’atelier a debuté par la mise en lumière des avancées et défis du cadre légal de l’avortement sécurisé en Côte d’Ivoire. La loi-cadre de 2024 autorise désormais l’IVG dans trois nouveaux cas: viol/inceste, malformations graves du fœtus et risques graves pour la santé mentale ou physique de la femme.

Cependant, malgré ces progrès, les procédures judiciaires restent complexes et décourageantes pour les victimes, nécessitant plainte officielle, certificat médical et parfois ordonnance judiciaire. Le manque de coordination entre le système judiciaire et médical complique davantage l’application de la loi. Les participants ont recommandé de simplifier les démarches, former les professionnels et renforcer la sensibilisation des populations pour garantir un accès plus équitable à l’avortement sécurisé.

Les enjeux médicaux de l’avortement sécurisé: comprendre pour mieux agir

Cette session a été animée par un gynécologue-obstétricien qui a expliqué en détail les procédures médicales essentielles pour assurer la sécurité des patientes, les risques associés, ainsi que les protocoles à suivre pour garantir une intervention sans danger.

Ce fut l’occasion d’aborder les exigences légales et éthiques qui encadrent ces actes, rappelant l’importance d’une approche humaine et responsable, tant pour les professionnels de santé que pour les patientes elles-mêmes.

L’intervenant a également abordé l’impact de la loi sur les praticiens, et plus particulièrement sur les victimes, soulignant les zones d’ombre juridiques et les marges de manœuvre souvent limitées par des lois restrictives.

Accès à l’avortement sécurisé et défis culturels: quand la Culture se heurte à la loi

L’atelier a également permis de discuter des obstacles socio-culturels de l’accès à l’avortement sécurisé ainsi que la clarification des valeurs. Modérée par un activiste du CACI précisement de l’ONG ‘Actuelle’, cette session a mis en lumière la stigmatisation que subissent souvent les victimes de viol et d’inceste dans de nombreuses communautés. Ces femmes, parfois encore plus marginalisées dans les sociétés où le silence autour de ces questions est la norme, se retrouvent face à des défis culturels qui les empêchent de bénéficier des soins nécessaires.

Prise en charge psychologique: ne pas oublier la dimension humaine

Au jour 2 de cet Atelier, un psychologue spécialisé en “violences basées sur le genre’’ a animé une session sur la prise en charge psychologique des victimes. Le traumatisme psychologique infligé par des agressions comme le viol ou l’inceste est souvent aussi dévastateur que les blessures physiques.

Le psychologue a abordé les techniques de prise en charge adaptées, tout en soulignant la nécessité d’une intégration de l’accompagnement psychologique dans le parcours de soins des victimes. Une fois encore, l’objectif est de créer un environnement de soins holistique qui répond non seulement aux besoins médicaux mais aussi à ceux de l’esprit et de l’âme.

Plaidoyer pour un meilleur accès à l’avortement sécurisé: une action collective nécessaire

L’atelier a enfin permis de nourrir des actions de plaidoyer pour défendre un meilleur accès à l’avortement sécurisé. Et comment les mener. Les participants ont discuté de stratégies pour influencer les politiques publiques et améliorer la législation en faveur des droits reproductifs des femmes et de l’accès à l’avortement medicalisé. Cela inclut la réduction des barrières légales et socio-culturelles, et la promotion de l’accès à des soins de qualité, sans discrimination.

Pour un futur plus juste et digne

Cet atelier a été un moment précieux de partage, d’apprentissage et de propositions concrètes pour améliorer l’accès à des soins médicaux sûrs, dignes et respectueux des droits des femmes. Les discussions ont permis de mettre en lumière les défis, mais aussi les avancées possibles pour un système de santé plus équitable. La lutte pour l’accès à un avortement sécurisé reste un défi majeur en Afrique, mais avec une collaboration renforcée entre acteurs de santé, activistes, Gouvernements et communautés. Un changement positif est non seulement possible, mais aussi nécessaire.

L’atelier a ainsi jeté les bases d’un mouvement en faveur des femmes, de leur santé et de leurs droits, en espérant que chaque voix comptée aujourd’hui portera le changement nécessaire pour demain.

Par Tobi Grace Eunice