Autodafé de la dépouille d’un homosexuel à Kaolack au Sénégal: Un geste condamné de toutes parts!

Afriquinfos Editeur
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Kaolack (© 2023 Afriquinfos)- Amnesty International Sénégal, la Rencontre africaine pour la défense des droits de l’Homme et la Ligue sénégalaise des droits humains ont réagi après l’exhumation du cadavre d’un homme enterré dans un cimetière avant d’être traîné et brûlé ce 28 octobre 2023. Dans un communiqué, les trois entités ont ‘’condamné vigoureusement cet acte qui porte atteinte à la dignité du défunt et de sa famille’’.

Selon plusieurs médias, après sa mort au cours de la semaine, les proches du défunt avaient cherché à l’enterrer dans la ville sainte de Touba, à environ deux heures de route, mais l’information sur son homosexualité l’avait précédé, et la permission de l’inhumer là-bas avait été refusée.

Les proches avaient alors tenté de l’inhumer près de sa maison, mais le voisinage s’y serait opposé. Jusqu’à ce qu’on lui creuse une sépulture à Léona Niassène et que cette nouvelle aussi se propage.

Serigne Cheikh Tidiane Khalifa Niasse, plus haut responsable d’une branche locale de l’influente confrérie religieuse des Tidianes, a exprimé sa ‘’profonde indignation et (sa) condamnation catégorique de l’acte répréhensible qui a été commis à l’encontre d’un individu dont nous n’avons aucune responsabilité sur sa vie privée’’. ‘’Cet acte ne peut en aucun cas être justifié ou toléré’’, a-t-il dit dans un communiqué.

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Un responsable du collectif “And Samm Jikko Yi” (Ensemble pour la sauvegarde des valeurs), qui lutte pour une criminalisation de l’homosexualité et un alourdissement des peines, a également jugé ‘’ regrettable cette justice populaire’’.

Le collectif avait déposé en décembre 2021 une proposition de loi qui aurait puni l’homosexualité d’une peine de cinq à dix ans de prison. Le texte a été rejeté par le bureau de l’Assemblée nationale qui a estimé la législation existante assez sévère.

Une enquête ouverte

Par ailleurs,  la justice sénégalaise a ouvert une enquête après l’exhumation du cadavre de l’homme enterré dans un cimetière avant d’être traîné et brûlé par ‘’des hommes non identifiés’’, dans la soirée du samedi 28 octobre, a annoncé dimanche le procureur de la République, Abasse Yaya Wane. « Ces actes d’une extrême gravité, relevant de la barbarie, interpellent les autorités et ne peuvent rester impunis. Une enquête est ouverte afin d’identifier les auteurs et engager contre eux des poursuites pénales », écrit le procureur, cité dans un communiqué.

L’autorité judiciaire n’a toutefois pas donné de précisions sur la dépouille qui avait été enterrée vendredi au cimetière de Kaolack, à quelque 200 kilomètres au sud-est de Dakar. Mais selon plusieurs médias locaux, le corps a été exhumé car il serait celui d’un homosexuel présumé.

Des vidéos relayées sur les réseaux sociaux et des médias locaux montrent une foule de plusieurs centaines de personnes massées dans la nuit dans une rue autour d’un feu. Beaucoup de personnes ont filmé la scène avec leur téléphone portable.

Bien que très rare, l’exhumation d’un corps d’une personne présentée comme homosexuelle n’est pas une première au Sénégal. En 2008 et 2009, au moins deux cas avaient été documentés dans le centre et l’ouest du pays. Le romancier sénégalais Mohamed Mbougar Sarr, Prix Goncourt 2021, évoque aussi une scène similaire dans son roman ‘’De purs hommes’’.

En 2021 et 2022, des milliers de personnes avaient manifesté à Dakar pour réclamer un renforcement de la répression de l’homosexualité.

L’homosexualité au Sénégal, pays majoritairement musulman à plus de 90 %, très pratiquant et conservateur, est un délit pénal passible de cinq ans de prison, et la haine des « goor-jigeen » – le terme wolof péjoratif pour désigner les homos – y est répandue.

Dans le pays, les homosexuels se plaignent d’une montée des agressions et propos homophobes ces dernières années, un certain nombre fuyant le pays pour échapper aux discriminations. Le président Macky Sall, au pouvoir depuis 2012, tient lui-même régulièrement des propos homophobes.

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