Libérez le potentiel de l’innovation « Made in Africa »

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Tunis (© 2023 Afriquinfos)-L’Afrique connaît actuellement une croissance démographique rapide, la population étant majoritairement très jeune, avec un âge médian de 19 ans en Afrique subsaharienne contre 28 en Asie du Sud et 43 en Europe[1]. D’ici 2030, 100 millions de jeunes Africains rejoindront le marché du travail, soit plus de 10 millions chaque année[2]. Par ailleurs, d’ici moins de dix ans, quelque 230 millions d’emplois requerront des compétences numériques, selon une étude publiée par la Société Financière Internationale (SFI) en 2019[3].

Dès lors, favoriser l’apprentissage des technologies numériques pour faciliter l’employabilité de cette jeunesses ambitieuse et dynamique est un enjeu vital pour l’Afrique et sa croissance socio-économique. Miser sur le capital humain est donc essentiel pour libérer le potentiel de l’innovation « Made in Africa ». Encourager l’entrepreneuriat, l’inclusion et la parité, tout en luttant contre la marginalisation de certaines populations africaines se présente donc comme un prérequis.

C’est uniquement de cette façon que la puissance innovante du continent pourra être mise au service d’une croissance économique et sociale durable et inclusive, répondant ainsi à l’ensemble des défis auxquels les pays africains sont confrontés. Dans cette perspective, les Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) jouent un rôle stratégique, car elles offrent de nombreuses opportunités pour stimuler un développement continental sans précédent. À condition cependant, que leur démocratisation à l’ensemble des populations soit effective.

La révolution numérique en Afrique : vers un avenir « Made in Africa » ?

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La transformation numérique que connaît l’Afrique depuis quelques décennies a offert de nouvelles et multiples opportunités pour les jeunes entrepreneurs. Selon une étude réalisée par l’Ichikowitz Family Foundation (IFF), 78% des jeunes Africains ont l’intention, nonobstant les problèmes de connectivité affectant le continent, de créer leurs propres entreprises dans les prochaines années[4]. Cherchant à répondre aux besoins et défis identifiés, ils ont pour ambition de transformer leur continent et de stimuler son émergence économique.

Cette volonté est notamment rendue possible par la démocratisation progressive des smartphones. Selon le rapport 2022 de l’Association mondiale des opérateurs de téléphonie (la GSMA), le nombre de connexions par smartphone a connu des taux de croissance annuelle moyens de 20% sur les cinq dernières années[5]. Cela est notamment le fait d’une meilleure accessibilité des téléphones portables, tout particulièrement en Afrique subsaharienne.

Cette popularisation du téléphone mobile et de facto, l’amélioration de la connectivité, a ainsi participé à l’essor de jeunes pousses qui tirent parti des opportunités offertes par la digitalisation croissante des économies. Selon Disrupt Africa, les start-ups tech africaines ont levé plus de 2 milliards de financement en 2021, soit une augmentation de 200% par rapport à 2020[6]. Bien que l’Afrique ait été sous-représentée au Mobile World Congress (MWC) de Barcelone cette année, la présence de plusieurs jeunes pousses souligne malgré tout le potentiel de développement technologique considérable qui anime le continent. Parmi les nouveaux hubs, la Tunisie occupe progressivement une place de choix, s’affirmant depuis quelques années comme le nouveau catalyseur des compétences et connaissances technologiques.[7]

Sur le continent, de nombreux secteurs connaissent une envolée prometteuse, tels que le e-commerce ou encore le mobile money. Cette dynamique vient ainsi souligner la manière dont la démocratisation des outils numériques favorise la création de nouvelles opportunités d’entrepreneuriat dans des secteurs compétitifs tels que ceux de la Fintech, de la Greentech et de la HealthTech. Les start-ups africaines battent de plus en plus de records, en témoignent les nombreuses levées de fonds. Ainsi, avant la fin de l’été 2022, 100 jeunes entreprises levaient leur premier million de dollars, un chiffre en hausse par rapport à 2021 où, sur l’ensemble de l’année, 112 start-ups avaient atteint un tel objectif.[8] A ceci, l’émergence de licornes africaines, bien que peu nombreuses, illustre également la reconnaissance de l’innovation « Made in Africa ».

Cette reconnaissance globale se traduit enfin par des compétitions mondiales, telles que celles proposées par l’entreprise chinoise Huawei. En effet, dans le cadre du concours international Tech4Good, l’équipe algérienne SevenG a remporté le deuxième prix de la finale avec sa solution FarmAI d’autonomisation de l’agriculture grâce à l’intelligence artificielle.

A l’image de ce qui a été exposé précédemment, la révolution numérique en Afrique transforme le paysage et l’écosystème entrepreneurial du continent, offrant ainsi des opportunités sans précédent pour les jeunes entrepreneurs africains. Cependant, leur accompagnement sera plus que nécessaire pour propulser l’innovation Made in Africa au-delà des frontières continentales.

Un potentiel africain en quête de moyens et d’outils pour une croissance pérenne

Le potentiel africain est considérable. L’émergence de licornes, dont la valorisation dépasse le milliard de dollars, en est une preuve grandiloquente. Cependant, celles-ci restent minoritaires au regard du chiffre global à l’échelle internationale et restent pour l’instant essentiellement cantonnées à l’Afrique anglophone. Dès lors, il importe de multiplier les stratégies et les leviers qui permettront de faire émerger une nouvelle génération de champions africains.

L’investissement dans les systèmes éducatifs est l’une des premières priorités. Au-delà de l’apprentissage de la langue de Shakespeare nécessaire aux échanges commerciaux, il est essentiel de former la jeunesse aux technologies numériques. Afin de pallier les difficultés identifiées, de nombreuses entreprises proposent des formations dans les TIC. C’est notamment le cas de Huawei qui offre, pour ne citer que deux exemples, des programmes tels que Seeds for the Future ou encore la ICT Academy. Ces formations se révèlent parallèlement essentielles afin de développer l’employabilité et ainsi retenir les talents sur le continent. Conscients du potentiel de l’innovation africaine, les acteurs institutionnels ont également fait de cette mission le cœur de leur action. Ainsi, la Banque africaine de développement (BAD) a mis en place le programme Boost Africa dans le cadre de sa Stratégie pour l’Emploi des Jeunes en Afrique[9]. Celui-ci vise à exploiter le potentiel de la jeunesse africaine à travers la création d’emplois et le soutien à l’entrepreneuriat. La BAD a également lancé la Stratégie pour l’emploi des jeunes en Afrique 2016-2025 afin de créer 25 millions d’emplois pour les jeunes, dont l’impact positif sera identifiable sur 50 millions d’Africains[10].

Outre la formation, il est essentiel d’accompagner et de soutenir cet écosystème. Dans cette optique, Digital Africa a lancé le programme Connectors, dont l’ambition est de créer un réseau de leaders collaborant pour le développement des écosystèmes entrepreneuriaux et technologiques en Afrique. En effet, le succès d’une jeune pousse réside avant tout dans sa capacité à répondre à un besoin réel et identifié sur le continent. Développer des business models fonctionnels afin d’assurer la pérennité de l’entreprise sera donc essentiel.

De plus, il est également nécessaire d’investir dans les infrastructures, celles-ci permettant aux populations de saisir les opportunités qu’offrent la transformation numérique et l’innovation, et ainsi contribuer au développement socio-économique du continent dans une optique de croissance pérenne. Dès lors, il est essentiel qu’équipementiers et opérateurs travaillent de concert afin de bâtir un monde numérique meilleur et plus accessible, permettant l’avènement de technologies disruptives. Tel était en substance le message clé du Northern Africa OTF organisé le 28 février dernier par le géant des télécommunications Huawei, lors du MWC.

Enfin, la mise en place de cadres règlementaires et de politiques publiques favorables à l’entrepreneuriat, à l’image du Startup Act déployé dans bon nombre de pays africains, permettra le déploiement effectif d’écosystèmes entrepreneuriaux et d’innovation africains. En facilitant l’accès des entreprises à des financements, ces leviers d’actions leur donneront la possibilité de se développer en dehors des frontières continentales et ainsi de cibler les marchés internationaux. Pour cela, il faudra « instaurer une coopération active entre le secteur privé et les pouvoirs publics afin de définir les besoins et identifier les obstacles sur le terrain — les financements, les ressources humaines, les infrastructures, l’accès au marché —, en vue de définir une roadmap claire », déclarait ainsi Adnane Ben Halima, Vice-président en charge des relations publiques de Huawei Northern Africa, lors du webinaire organisé en novembre 2022 sous l’égide de l’Africa CEO Forum et portant sur les licornes africaines[11].

La jeunesse est l’atout de l’Afrique. Ambitieuse, dynamique, volontaire et de plus en plus adepte des nouvelles technologies, elle porte en son sein un fort potentiel entrepreneurial. Si cette affirmation du « Made in Africa » se doit d’être louée, elle se doit surtout d’être accompagnée et soutenue afin d’être un instrument de poids sur la scène internationale dans les années à venir.

Afriquinfos

[1] « The State of Mobile Internet Connectivity 2022 », GSMA, octobre 2022.

[2] « Gagner la bataille de l’emploi des jeunes », UNESCO, juillet 2022.

[3] « Afrique subsaharienne : d’ici 2030, 230 millions d’emplois nécessiteront des compétences numériques selon la SFI », Agence Ecofin, mai 2019.

[4] « 78% des jeunes africains prévoient de créer leur propre entreprise durant les cinq années à venir (étude) », Agence Ecofin, juin 2022

[5] « The State of Mobile Internet Connectivity 2022 », GSMA, octobre 2022.

[6] « Les start-ups IT se multiplient sur le continent africain », Le Monde informatique, février 2022.

[7] « Tech : timide présence de l’Afrique au Mobile World Congress », La Tribune Afrique, mars 2023.

[8] « Déjà 100 start-ups africaines ont levé leur premier million de dollars », Jeune Afrique, septembre 2022.

[9] Boost Africa – Soutenir les jeunes entrepreneurs africains , Banque Africaine de Développement.

[10] Stratégie du Groupe de la Banque pour l’emploi des Jeunes en Afrique 2016 – 2025 , Banque Africaine de Développement, juin 2016.

[11] Startups : Créer des licornes en Afrique francophone, rêve ou réalité ? , CEO Afrique, janvier 2023.