Afrique du Sud: Ramaphosa sur plusieurs fronts, fragilisé par ses rivaux de l’ANC

Afriquinfos
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Economie plombée, vaccinations compliquées mais aussi un flot incessant d’intrigues assassines au sein de son parti: le président Cyril Ramaphosa aborde fragilisé son discours aux Sud-Africains jeudi, à qui il a promis de vaincre la corruption. 

Son prédécesseur Jacob Zuma avait été poussé à la démission, disqualifié par une série de scandales de détournement d’argent public. « L’Oncle Cyril« , comme il est surnommé entre affection et dérision, promettait alors d’assainir le marécage. Après deux ans au pouvoir, il est attendu au tournant.

Son pays est le plus atteint d’Afrique par le coronavirus –près de 15 millions de cas, près de 47.000 morts–, un nouveau variant plus contagieux aggravant encore son cas. Et de nombreux responsables continuent à s’enrichir en pillant y compris les fonds destinés à la lutte anti-Covid.

Ramaphosa va devoir jongler: rassurer une population rincée par les confinements, relancer la confiance, tout en évitant de trop secouer ses rivaux à l’intérieur de l’ANC.

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« Les pressions vont venir de tous les côtés« , résume la politologue Amanda Gouws. « Et nous ne savons pas à quel point sa propre faction est forte« , au sein du parti historique de Mandela.

Une série d’enquêtes mettant au jour le détournement, par des membres de son gouvernement, d’au moins 14 millions d’euros de fonds Covid, ont déjà douché quelques espoirs. « Un chapitre déshonorant qui doit être fermement clos« , a plaidé le président lundi.

Respecté sur la scène internationale, notamment pour sa politique exemplaire de tests massifs au début de la pandémie, l’ex-président de l’Union africaine est constamment en lutte pour asseoir son autorité à l’ANC: Il est désormais confronté à l’hostilité croissante de plusieurs factions du parti mais aussi de groupes d’opposition.

« Ce sont de vieilles lignes de bataille tracées entre Zuma et ses acolytes corrompus, d’un côté, Ramaphosa de l’autre« , décrypte le professeur de sciences politiques Lawrence Hamilton.

Un président « absent »

Pourtant, « Cyril » a été prudent, veillant à ne jamais critiquer publiquement les membres de l’ANC mouillés dans des affaires, Jacob Zuma comme le secrétaire général Ace Magashule.

La semaine dernière, M. Zuma a défié une décision de justice l’obligeant à témoigner devant la commission enquêtant sur la corruption sous sa présidence. Il a affirmé qu’il n’irait pas, qu’il n’avait peur de rien ni personne.

Il a besoin « de temps et de prendre du recul pour réfléchir« , a timidement réagi Ramaphosa.

Quelques jours plus tard, Zuma, sourire de chat gourmand aux lèvres, prenait « le thé » avec le principal opposant du président sud-africain, Julius Malema, leader de la gauche radicale, prenant le soin d’inviter des photographes.

Ce « thé« , mis en scène dans le fief de Zuma, a monopolisé les conversations dans ce pays passionné de politique, agitant la rumeur d’une possible alliance pour renverser Ramaphosa.

« Pour le moment, on dirait que nous avons un président absent« , analyse Mme Gouws. Qui tente de ne pas mettre d’huile sur le feu pour maintenir l’unité de l’ANC, « mais il n’y a pas d’unité« .

Autre paradoxe, il voudrait projeter une image de stabilité, constamment brouillée par les combats incessants qu’il doit mener au sein de son parti.

Au gouvernement, des proches de Zuma occupent encore des postes stratégiques, souligne Mme Gouws. « Il a les mains liées, il ne peut pas aller l’encontre de la faction Zuma« .

Sur le front Covid, le gouvernement subit une série de déconvenues. Après avoir tardé à se procurer des vaccins, il n’a même pas acheté le bon, dénoncent ses critiques.

Dimanche, il a été contraint de reporter leur distribution prévu cette semaine: Le pays avait reçu un million de doses du vaccin AstraZeneca, mais une étude à montré leur efficacité « limitée » contre le variant local du virus.