Le nouveau Gouvernement de coalition en Afrique du Sud, annoncé dans la soirée de ce 30 juin 2024, déplace le curseur politique vers le centre-droit avec l’intégration d’un tiers de ministres de l’Opposition, suscitant l’espoir d’une meilleure gouvernance mais aussi des inquiétudes sur sa cohésion.
« Le temps de la confrontation est terminé, celui de la collaboration s’ouvre », a déclaré lundi 1er juillet John Steenhuisen, leader de l’Alliance démocratique (DA, centre libéral) désormais intégrée au Gouvernement avec six portefeuilles. La DA, qui a constamment critiqué le Président Ramaphosa ces dernières années pour son incapacité à relever l’économie, créer des emplois, assurer les services de base ou contenir la corruption, est désormais partie prenante d’un exécutif qui doit « obtenir des résultats » pour les Sud-Africains, a relevé M. Steenhuisen, lui-même nommé ministre de l’Agriculture.

L’accord inédit entre le Congrès national africain (ANC), qui a régné seul pendant trente ans après le démantèlement du régime raciste de l’apartheid, et la DA, jusque-là première force d’opposition, ainsi que cinq autres petits partis, est le résultat de semaines d’âpres négociations. « Nous avons mené une rude bataille » pour obtenir des ministères influents, a relevé M. Steenhuisen, notamment les Infrastructures, l’Education ou l’Environnement, pour « jouer un rôle significatif dans la reconstruction » du pays.
Cyril Ramaphosa a rappelé dans la soirée du 30 juin, en annonçant un Gouvernement élargi à 32 ministères, dont douze pour d’autres partis que l’ANC, que cette coalition était le résultat des législatives fin mai 2024, qui a privé l’ANC de sa majorité absolue, pour la première fois dans l’histoire de la jeune démocratie. En obtenant seulement 40% des voix, l’ANC a choisi de s’allier avec la DA (22% des voix) plutôt qu’avec des partis de gauche radicale, rassurant d’emblée les marchés et les investisseurs.
« Les citoyens ont clairement indiqué qu’ils attendaient des partis politiques qu’ils travaillent ensemble » pour atteindre « croissance et renouveau », a promis le Chef de l’Etat de 71 ans, à la télévision. Évoquant « l’intérêt national », il a assuré avoir visé « la stabilité, l’efficacité et la durabilité du Gouvernement » formé.
– « Sagesse collective »-
Mais de nombreux analystes se demandent déjà si ce mariage de raison peut fonctionner. « La possibilité d’un affrontement est déjà clair », souligne le politologue Sandile Swana auprès de l’AFP. « La DA se perçoit comme venant à la rescousse de l’ANC, qui, lui, continue de se considérer en position de force parce qu’il a presque deux fois plus de députés » au Parlement. « L’entêtement, l’intimidation et un sentiment de supériorité, entre la DA et l’ANC, existent des deux côtés », ajoute-t-il. En attendant, Velenkosini Hlabisa, le leader du parti nationaliste zoulou Inkhata, qui intègre aussi l’exécutif avec deux ministres, veut croire que ce Gouvernement élargi obtiendra « des résultats positifs, en puisant dans « la sagesse collective » des différents mouvements.
Emploi, criminalité, croissance faible ou coupures récurrentes d’électricité: résoudre « ces problèmes complexes qui affectent les Sud-Africains au quotidien ne nécessitent pas d’idéologie politique » particulière, mais du sens commun et de la bonne volonté, insiste-t-il. L’ANC a conservé la part belle, avec vingt ministres et les postes-clé: Finances, Energie, Affaires étrangères, Défense, Commerce ou encore Transports. Les portefeuilles que Ramaphosa a confiés à la DA « peuvent être considérés comme cyniques » car ce sont des dossiers sur lesquels la DA a formulé des critiques féroces contre l’ANC, note Hlengiwe Ndlovu, de l’Université de Witswatersrand. Mais si la DA y « obtient des progrès », le parti pourra se « positionner stratégiquement » en vue des prochaines élections pour « prendre le contrôle du pays », souligne-t-elle.
L’opposition est désormais clairement située à gauche de l’échiquier politique. Le récent petit parti de l’ex-Président Jacob Zuma, devenu en quelques mois troisième force politique du pays, a refusé de participer à la coalition. Tout comme les Combattants pour la liberté économique (EFF, gauche radicale).
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