Massacre présumé de Moura : guerre de mots durs entre Bamako et l’ONU

Afriquinfos Editeur
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Bamako (© 2023 Afriquinfos)- Le ton monte entre le Gouvernement de Transition au Mali et l’Organisation des Nations Unis (ONU). La raison, un rapport du Bureau onusien des droits de l’homme qui accuse directement l’armée malienne du massacre de 500 civils à Moura en 2022. Des accusations vigoureusement rejetées par Bamako qui dénonce une manœuvre de déstabilisation du Mali et entend ouvrir une enquête pour atteinte à la sécurité de l’Etat.  

Selon l’ONU au moins 500 personnes ont été exécutées à Moura en mars 2022. Si les autorités soutiennent que les personnes tuées étaient des terroristes, le rapport du Bureau des Droits de l’homme des Nations Unies révèle que c’est sans distinction que les victimes, y compris des femmes et des enfants ont été abattues par l’armée malienne et des supplétifs étrangers. Le document précise que des viols et des actes de torture auraient été perpétrées. Human Rights Watch qui avait déjà un an plus tôt, quelques temps après les faits présumés, désignent sans détour, les accompagnateurs de soldats maliens comme des agents russes.

La réaction de Bamako face à ce rapport accablant ne s’est pas fait attendre. A travers un communiqué lu à la télévision nationale par le Col Abdoulaye Maïga, porte-parole du Gouvernement, la junte militaire malienne rejette lesdites accusations. Une enquête judiciaire contre la mission d’établissement des faits des Nations unies ‘’et ses complices ‘’pour ‘’espionnage ‘’, ‘’atteinte à la sûreté extérieure de l’État’’, et ‘’complot militaire’’, est annoncée dans la foulée. Cette position est soutenue par Fousseyni Ouattara, vice-président du Comité de défense et de sécurité du Conseil national de la transition,  » Sur un terrain de guerre chaque fois que nous agissons, pourquoi l’Onu ou d’autres trouvent que ce sont des civils ? Ce sont des gens qui avaient des armes… Les gens qui étaient à Moura étaient des terroristes. Le rapport de l’Onu est un rapport fallacieux, tendancieux qui n’est basé sur aucune preuve. Nous avons pris le soin d’attirer les gens dans un piège et il n’y avait pas de civils. Les témoins de l’Onu ce sont des gens qui sont payés par l’Onu (…). Ce sont des gens qui ne sont pas crédibles et qui ne sont pas sur le terrain « , a-t-il réagi.

L’enquête annoncée par Bamako n’est pourtant pas vu d’un bon œil par Ousmane Diallo, chercheur au Bureau Régional d’Amnesty International pour l’Afrique de l’Ouest : ‘’Les autorités maliennes doivent répondre à un auditoire national, c’est-à-dire que la stratégie de discours martial contre les partenaires extérieurs, ce discours souverainiste, populiste, leur permet d’assoir une légitimité qu’elles n’ont pas au point de vue démocratique. Nous allons aussi assister au renouvellement du mandat de la Minusma dans un mois, l’objectif des autorités étant de limiter le mandat des droits humains de la Minusma et de faire de la mission une mission qui ne soit pas en charge de la question des droits humains ou de la justice mais plutôt une mission en support des objectifs politiques et militaires des autorités maliennes.’’

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Malgré les tensions avec Bamako, l’ONU a fait des recommandations à la junte militaire. L’organisation a insisté sur l’indépendance de l’enquête, la sanction des auteurs des exactions et la justice aux victimes.

Boniface T.