Retour en prison de Zuma, test pour les institutions de la jeune démocratie sud-africaine

Afriquinfos Editeur
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Edward Zuma, fils de l'ex-président sud-africain Jacob Zuma, (C) devant la maison de son père, le 4 juillet 2021 à Nkandla.

L’ex-président sud-africain Jacob Zuma, englué dans des scandales de corruption, a passé sa première nuit en prison: inédit en Afrique du Sud et test d’ampleur pour les institutions de cette jeune démocratie. 

L’ex-président Jacob Zuma chez lui, le 4 juillet 2021 à Nkandla, en Afrique du Sud.

Le sulfureux et charismatique dirigeant, qui a gagné ses lettres de noblesse en passant dix ans incarcéré aux côtés de l’icône Nelson Mandela avant de diriger en exil le renseignement du Congrès national africain (ANC), son parti, sous l’apartheid, a mis fin au suspense et s’est rendu. A la sidération quasi générale.

Le « Freedom fighter » (« combattant de la liberté ») déchu, autrefois surnommé « Teflon » en raison de son talent pour échapper la justice, a tenu le pays en haleine jusqu’après minuit (22H00 GMT) mercredi, ultimatum pour son incarcération. Un convoi de voitures a fendu la nuit devant sa résidence de Nkandla, en pays zoulou (Est), pour filer vers la prison moderne d’Escourt à quelque 200 km.

La semaine dernière, le plus haute cour du pays l’avait condamné à 15 mois de prison ferme pour son refus de témoigner devant la commission anticorruption. Cette instance créée en 2018 face à l’ampleur des scandales entourant le président Zuma a déjà recueilli une quarantaine de témoignages le mettant en cause.

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Après plusieurs recours ces derniers jours, M. Zuma, 79 ans, a fini par se constituer prisonnier. Pas « un aveu de culpabilité », a immédiatement réagi son porte-parole Mzwanele Manyi, prévenant qu’il resterait injoignable le temps de digérer cette « tragédie ».

De nombreux Sud-Africains ont salué l’incarcération de M. Zuma, respectueuse des règles démocratiques. « Personne n’est au-dessus de la loi », ont répété témoins et acteurs ces derniers jours.

– « Météo orageuse » –

Un convoi supposé transporter l’ex-président sud-africain Jacob Zuma quitte son domicile de Nkandla, le 7 juillet 2021.

L’ancienne médiatrice de la République Thuli Madonsela a salué « un jour de gloire » qui montre « la primauté de l’Etat de droit ». Mais sur le plan humain, a-t-elle nuancé auprès de l’AFP, « c’est désolant d’avoir à envoyer » un vieux monsieur et un combattant anti-apartheid « en prison, simplement parce qu’il refuse de rendre des comptes ».

Elle avait détaillé dans un rapport accablant en 2016 comment une fratrie d’hommes d’affaires d’origine indienne, les Gupta, avait pillé les ressources publiques sous sa présidence (2009-2018).

L’inoxydable Zuma, dont le deuxième prénom signifie en zoulou « celui qui rit en broyant ses ennemis », a bien tenté de plaider son âge avancé et l’iniquité — comparable selon lui aux méthodes de l’apartheid — de l’emprisonner sans jugement. Mais ces arguments, comme les menaces de chaos dans le pays si l’on « osait » venir le chercher, n’ont pas mobilisé.

Le ministre de la Police Bheki Cele, qui s’était montré plus qu’hésitant à l’arrêter, a finalement fait volte-face, se disant obligé de respecter la loi. « On ne peut pas défier la loi en toute impunité », a commenté l’Alliance démocratique (opposition).

« M. Zuma et ses partisans doivent être tenus pour responsables » de leurs actes, a insisté la Fondation Mandela, affirmant que « sa stratégie juridique a consisté à brouiller les pistes et à retarder » le travail de la justice. L’ANC au pouvoir a salué une victoire pour l' »indépendance de la justice ». Mais « sans aucun doute », l’épisode est « difficile à vivre », a reconnu le parti, appelant au « calme et au respect » des règles.

« Reste fort. Météo orageuse mais il ne peut pas pleuvoir indéfiniment », a twitté Ace Magashule, secrétaire général récemment écarté de l’ANC pour corruption. Le ministre de la Justice a précisé que comme tout détenu, Zuma pouvait espérer une libération conditionnelle au bout d’un quart de sa peine, soit un peu plus de trois mois. « On s’occupe de lui, il est d’humeur joviale, comme on le connaît », a commenté Ronald Lamola.

Lundi dernier, la plus haute Cour réexaminera sa sentence. Et un autre rendez-vous judiciaire devrait l’occuper dès le 19 juillet: la reprise du procès pour corruption dans une affaire de pots-de-vin de plus de 20 ans impliquant le groupe français Thalès.