Bogota (© 2024 Afriquinfos)- La capitale colombienne a accueilli du 17 au 20 octobre 2024, la première édition du festival ‘’Africa en Bogota’’. L’événement a mis en lumière l’héritage culturel de la diaspora africaine – et congolaise en particulier – et ses résonances dans les musiques actuelles.
Le festival « Africa en Bogotá » a récemment mis en lumière les racines africaines de la Colombie, où 30 % de la population descend d’Afrique de l’Ouest, notamment de la région du Congo et de la République démocratique du Congo (RDC). Comme dans d’autres régions des Amériques où des esclaves ont été amenés, la ville de Cartagena, sur la côte caraïbe, a vu des rébellions et la libération de certains esclaves qui ont réussi à s’échapper dans la jungle.
Ce phénomène de rébellion s’est également produit dans les colonies esclavagistes des Amériques et de l’océan Indien, observé chez les Nègres marron aux Antilles, les Marrons au Brésil et les Cimarrones dans les territoires espagnols. Ces groupes ont réussi à résister à la monarchie espagnole et à s’organiser en communautés, appelées Palenques, où ils ont pu préserver leurs traditions africaines, leurs noms, leurs dialectes et leur musique.
Cédric David, créateur et producteur du festival, souhaite établir un lien culturel entre les deux continents. L’initiative a été lancée en2012 avec la venue du duo Amadou & Mariam. Cédric se souvient de l’émotion des spectateurs durant le concert, un moment qui l’a touché profondément. « Les personnes que j’ai rencontrées après le concert avaient les yeux pleins de larmes et témoignaient d’avoir vécu une expérience intense de rencontre avec l’Afrique« , raconte-t-il.
Suite à cet événement, Cédric David a décidé de se consacrer aux musiques africaines en Colombie et en Amérique latine, en créant Afropicks, une agence de booking et de management pour des artistes issus de la diaspora africaine. Il a ainsi accueilli des artistes tels que Salif Keita, Fatoumata Diawara ou Ballaké Sissoko. « C’est ainsi que nous avons décidé de fonder ce festival pour tisser des liens entre la Colombie, l’Amérique latine et le continent africain. Chaque année, nous mettrons l’accent sur une région différente d’Afrique et intégrerons divers aspects culturels et artistiques », conclut-il sur Rfi.
Colombiens et Congolais réunis
Pour cette première édition du festival, des artistes congolais ont été invités à se produire aux côtés d’artistes colombiens. Le public a particulièrement apprécié l’ouverture avec la DJ Tysha Cee, d’origine congolaise, qui se produit à Paris. Ensuite, le groupe Kin’Gongolo Kiniata a électrisé l’auditoire dès les premières notes. Inspiré par les sons de Kinshasa, ce groupe a la particularité de fabriquer ses propres instruments à partir de matériaux recyclés. Leur nom, Kin’Gongolo, évoque le bruit d’un rythme créé en frappant une boîte de conserve avec une bouteille de soda, tandis que « Kiniata » signifie « écraser », représentant littéralement le son qui impacte.
Le groupe Jupiter & Okwess, bien connu sur les ondes de RFI, a également captivé le public de Bogotá. Originaire de la République démocratique du Congo, le groupe a su tisser des liens avec le monde, notamment par des collaborations avec des artistes comme Damon Albarn de Gorillaz et Money Mark des Beastie Boys. En2022, ils ont sorti deux albums remix de leur projet « Na Kozonga », intitulés « Mexico Is My Land » et « Brazil Is My Land », réalisés avec de jeunes artistes de la scène électro mexicaine et brésilienne, tels que le chanteur brésilien Rogê et la rappeuse chilienne engagée Ana Tijoux.
Jupiter a souligné que de nombreuses musiques latines trouvent leurs origines en Afrique : « La musique d’Amérique latine provient de chez nous, car des esclaves ayant émigré de ma région ont apporté la rumba, la pachanga, le boléro, la bossa nova, la samba, et bien d’autres. C’est ce que j’explore dans mon prochain album, ‘Ça viendra’. Et qu’est-ce qui va venir ? La vérité à travers la culture. Car nous avons étouffé nos racines pour nous éloigner de nos frères. ‘Africa en Bogotá’ a pour but de rassembler les Africains et leurs ancêtres en Amérique latine.«
Le festival a également été marqué par la présence d’artistes colombiens. La modernité de la Colombie a été représentée par Cerrero y la Marea, un expert de la cumbia électro, ainsi que par Ghetto Kumbé, un groupe de house directement inspiré par la jungle. Leur musique électronique, proche de la transe ethnique, a su envoûter le public.
Le hip hop était également au rendez-vous avec une révélation, le groupe de rap Kombilesa Mi, qui revendique ses origines africaines : « Nous sommes fiers d’être palenquero et afro-colombiens, mais aussi d’être africains nés en dehors de l’Afrique. Fier aussi d’être le premier peuple noir d’Amérique libre. C’est ce que nous chantons, ce que nous rappons et c’est ainsi que nous faisons le lien. On appelle notre zone de Palenque le coin de l’Afrique. Et beaucoup de personnes qui veulent aller en Afrique viennent à Palenque afin de se reconnecter avec leurs racines et rencontrer leurs ancêtres parce que nous tous, au plus profond de nous-même, nous avons quelque chose de noir.«
Des documentaires, des débats, de la danse, des concerts ainsi que des échanges très riches ont meublé cette première édition du festival Africa en Bogotá qui était un plein succès, appelant d’autres éditions avec d’autres pays africains.
Afriquinfos