Une élection et une alternance pacifiques qui redonnent beaucoup d’espoir à plus de cinq millions de Libériens

Afriquinfos Editeur
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L'index d'un électeur est marqué après qu'il a voté au deuxième tour de la présidentielle, le 14 novembre 2023 à Monrovia, au Liberia.

Le décompte des voix avait commencé mardi 14 novembre au soir au Liberia pour savoir si l’ancienne gloire du foot George Weah, au bilan critiqué, serait reconduit à la Présidence ou remplacé par le vétéran Joseph Boakai malgré son âge. Le verdict final est désormais connu, à la plus grande satisfaction de toute l’Afrique occidentale.

La Commission électorale au Liberia avait commencé mercredi 15 novembre à rendre compte du dépouillement des bulletins du second tour de la présidentielle, de premiers résultats très partiels ont donné une très courte avance au vétéran Joseph Boakai sur le sortant, l’ex-star du foot George Weah.

La Commission électorale devait communiquer quotidiennement sur l’état du dépouillement. Le décompte des voix a commencé peu après la fermeture des bureaux dans la soirée du 14 novembre. Le décompte dans 1.315 bureaux de vote, sur un total de 5.890 (22,3% des bureaux) avait crédité Joseph Boakai de 50,71%, M. Weah de 49,29%, avait dit à la presse Davidetta Browne Lansanah, présidente de la Commission.

Elle n’avait pas précisé quelle part du nombre total d’électeurs ces bureaux représentaient. Ils totalisaient un peu plus de 386.000 des suffrages. Plus de 2,4 millions d’électeurs étaient appelés mardi dernier à choisir entre M. Weah, 57 ans, et M. Boakai, 78 ans, arrivés au coude-à-coude au premier tour le 10 octobre avec un peu plus de 43% et une avance de 7.126 voix pour le Président sortant.

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La présidente de la Commission électorale avait fait état « d’incidents isolés » signalés au cours du comptage et de la récupération du matériel électoral, comme l’agression d’un superviseur électoral, qui a été blessé.

Le vote a été suivi par un certain nombre d’observateurs nationaux et étrangers. Seuls quelques incidents mineurs ont été rapportés jusqu’alors. « D’après ce que nous avons observé, le processus s’est bien déroulé« , avait dit à l’AFP Oscar Bloh, le chef de l’Election Coordinating Committee, une ONG pour la gouvernance démocratique. « Globalement, le processus a été pacifique. Nous n’avons pas eu à observer d’incident majeur, même si nous n’étions pas présents partout« , a-t-il dit. Il s’est gardé de se prononcer sur le taux de participation, considéré comme un facteur possible de l’issue du scrutin. La Communauté des Etats ouest-africains, qui a déployé des observateurs, a salué dans un communiqué « la conduite généralement pacifique des élections jusqu’alors« . Mais la Cedeao a exprimé sa « profonde inquiétude face à des déclarations provocatrices et des conférences que prévoiraient certains acteurs politiques pour crier prématurément victoire ». Elle n’a pas précisé à quoi elle faisait référence.

Elle a de nouveau prévenu que « les individus ou les groupes responsables d’agissements qui conduiraient à des actes de violence ou saperaient une paix et une stabilité durement conquises au Liberia seraient tenus pour responsables« . La Cedeao, dont fait partie le Liberia, peut imposer des sanctions. Des affrontements pendant la campagne ont fait plusieurs morts et ont fait craindre des violences post-électorales. Les deux camps se sont accusés de violences et d’intimidations entre les deux tours.

Une élection dans le calme qui a préparé des résultats acceptés par tous

Les agents électoraux avaient commencé le dépouillement dans les bureaux après la fermeture de ceux-ci à 18H00 (locales et GMT) au soir du second tour de la présidentielle. La Commission électorale avait 15 jours pour publier les résultats, mais l’affaire pourrait prendre moins de temps, avait dit un de ses responsables, Samuel Cole.

Les résultats finaux provisoires de ce second tour de la présidentielle libérienne s’annoncent serrés entre deux candidats déjà opposés en 2017, quand M. Weah l’avait emporté avec plus de 61%. G. Weah, 57 ans, et J. Boakai, 78 ans, sont arrivés au coude-à-coude au premier tour le 10 octobre 2023, avec un peu plus de 43% et une avance de 7.126 voix pour le Président sortant.

Les deux concurrents avaient exprimé leur foi en la victoire. « (Avec) la confiance qui a été placée en moi pour tout le travail que nous avons fait, je crois que les Libériens vont m’élire », positivait M. Weah après avoir voté à Paynesville, dans la banlieue de la capitale.

M. Weah conserve son aura d’unique Africain désigné Ballon d’or, la plus prestigieuse récompense individuelle du foot. « Je suis content. Tout est calme, tout le monde vote et il n’y a pas de tension, c’est ça la démocratie« , avait-il dit alors que des violences pré-électorales ont fait craindre pour le déroulement du scrutin et du dépouillement. “Mon objectif, c’est de gagner« , avait confié M. Boakai chez lui près de Monrovia après avoir voté. Il avait accusé le camp adverse d’être pris de « panique » et d’essayer de truquer le scrutin, mais a prévenu que ses sympathisants surveillaient les opérations.

Au-delà du choix de la personne qui dirigera ce pays pauvre de cinq millions d’habitants en quête de paix et de développement, après les années de conflit et d’épidémie d’Ebola, l’un des enjeux est le déroulement pacifique et régulier de l’élection et l’acceptation des résultats.

-« Pas de bagarre »-

« Nous ne voulons pas de bagarre« , disait à l’heure du choix Madison K. Saiman, un enseignant de 29 ans, « donc je dis à tout le monde: tranchons ça par la politique ».

Cette élection était la première organisée sans la présence de la mission des Nations unies au Liberia créée en 2003 (et partie en 2018) pour garantir la paix après les guerres civiles qui ont fait plus de 250.000 morts entre 1989 et 2003 et dont le souvenir reste vivace. Plus de 2,4 millions d’électeurs étaient invités à se prononcer entre un sortant qui reste populaire parmi les jeunes mais qui devait défendre un bilan critiqué, et un vieux routier qui fut de 2006 à 2018 le Vice-président d’Ellen Johnson Sirleaf, première femme élue Cheffe d’Etat en Afrique.

M. Boakai a occupé une multitude de postes au sein de l’Etat ou du secteur privé, mais son âge est considéré comme un handicap. Le président sortant se réclamait de son action en faveur de l’éducation et de l’électrification des foyers, de la construction de routes et d’hôpitaux. Il promettait de continuer à oeuvrer au développement d’un des pays les plus pauvres de la planète.

Ses détracteurs lui reprochent de n’avoir pas tenu ses promesses. Ils l’accusent d’être déconnecté des réalités de ses concitoyens qui se débattent avec hausses des prix et pénuries. M. Boakai, qui lui impute l’aggravation d’une corruption réputée endémique, promet de développer les infrastructures, d’attirer les investisseurs et les touristes, et d’améliorer la vie des plus pauvres.

Il a noué des alliances avec des barons locaux, dont l’ancien chef de guerre et Sénateur Prince Johnson, qui avait soutenu M. Weah il y a six ans. Les deux camps se sont accusés de violences et d’intimidations entre les deux tours. Le camp de M. Boakai a dénoncé des irrégularités lors du premier tour.

La campagne a aussi été marquée par de la désinformation. La Communauté des Etats ouest-africains (Cedeao)  » a mis en garde tout le monde quant au fait (qu’elle) tiendra les auteurs de troubles, d’appels à la haine et de violences pour responsables de leurs agissements« , avait-elle dit dans un communiqué avant le vote.