Douze mois de lutte anti-djihadiste sous Traoré, défis sécuritaires toujours importants, grossis par des dissensions internes

Afriquinfos Editeur
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Carte du Burkina Faso montrant les villes touchées par les plus importantes attaques jihadistes depuis 2015.

Bobo-Dioulasso (© 2023 Afriquinfos)- Malgré les multiples assurances données par le pouvoir Traoré ce 29 septembre, en minimisant l’effet de la double tentative de contre-putsch entre décembre 2022 et le 26 septembre 2023, beaucoup de défis demeurent dans la lutte anti-djihadiste au Burkina Faso, près de 2 ans après le renversement du régime légitime de Roch Marc Christian Kaboré.

Il va falloir davantage de cran pour faire face à la résilience des djihadistes au Faso. En dressant le bilan de l’an 1 de son régime, le capitaine Ibrahim Traoré a privilégié la poursuite et l’achèvement de la lutte anti-djihadiste au détriment d’une précipitation vers l’organisation de nouvelles élections en juillet 2024 pour passer la main à des civils. Sur le plan politique, une modification partielle de la Constitution burkinabè est attendue dans les prochains mois. Un chantier jugé indispensable et cardinal par le capitaine Traoré, mais à même de réveiller les guéguerres politiques internes, même si depuis l’éviction de Roch Kaboré en 2022, le débat politique national au Faso avec les partis classiques a perdu de sa vigueur. Au nom de la recherche d’une cohésion nationale pour affronter l’ennemi commun: les djihadistes tapis dans l’ombre des populations ou menant des incursions au Faso en provenance de l’étranger.

Au Faso comme au Mali, comme on pouvait le redouter, l’enlisement de la lutte interne et externe contre le radicalisme et l’extrémisme violent est tel que la tenue des élections en 2024 aux dates initialement fixées en concertation avec la CEDEAO était intenable.

Dans le cas burkinabè comme malien, l’activisme de forces du mal qui agitent des ‘vents contraires’ aux Transitions en cours fait trottiner de sérieuses inquiétudes dans toutes les têtes. Au Mali, le pouvoir Goïta fait permanemment référence aux actes de défiance d’une partie des signataires des Accords d’Alger de 2015. Au Faso confronté à un mal terroriste très loin de revendications régionalistes de l’Azawad, le capitaine Traoré a fait état ce 29 «d’individus manipulés dans l’Armée», tout en minimisant l’impact de leurs actions, et en assurant sa détermination à poursuivre le combat entêté contre les ennemis du développement de son pays que sont les terroristes.

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Depuis le début de l’an 2023, le pouvoir Traoré ne cesse de réaffirmer qu’il a réussi à inverser le pourcentage des territoires du Faso qui étaient sous contrôle des terroristes en septembre 2022, à son arrivée au pouvoir: «60% de territoires reconquis et contrôlés par l’Armée, contre 40% en 2022». Avec à l’appui des statistiques officielles qui font état d’un début de ‘retour sur zone’ des populations burkinabè qui avaient déserté leurs localités d’origine, pour échapper à la furie meurtrière des terroristes. Une goutte d’eau certes, mais un motif d’espoir. A fin août 2023, «le Gouvernement burkinabè a revendiqué le retour de plus de 190.000 citoyens dans leurs localités d’origine», sur la base de la reconquête de territoires jadis occupés par des groupes jihadistes.

Une patrie, une montagne de chantiers en jachère sur divers plans

Au total, selon des chiffres fiables, au moins 2 millions de personnes sont considérées comme des déplacés internes à l’heure actuelle au «pays des hommes intègres». Plus de 6.000 écoles ont portes closes dans le pays, soit près d’une sur quatre, selon le NRC (Conseil norvégien pour les réfugiés).

Plus grave, selon des statistiques de l’ONG Acled (qui répertorie les victimes de conflits dans le monde), les attaques terroristes «ont tué depuis 2015 plus de 17.000 personnes, et plus de 6.000, rien que depuis début 2023» ! Avec comme principales cibles des éléments de l’Armée et les VDP (supplétifs civils formés aux techniques de combat), même si les civils paient un lourd tribut à ces pertes infligées aux VDP et aux éléments de l’Armée. Directement ou indirectement.

Des chiffres, des statistiques qui confortent les critiques d’une partie de la Société civile burkinabè autour du marasme socio-politique induit par l’apparition du phénomène djihadiste en 2015 dans cet Etat sahélien autrefois épargné des agitations terroristes sous Blaise Compaoré.

Dans un tel climat, les informations autour de la dernière tentative de putsch dans le putsch ne sont pas de nature à hâter la cohésion nationale, en dépit des manifestations spontanées de milliers de personnes en soutien à Ibrahim Traoré le 26 septembre dernier. «A l’heure actuelle, des officiers et d’autres acteurs présumés impliqués dans cette tentative de déstabilisation ont été interpellés et d’autres, activement recherchés (…) Les auteurs de cette tentative de putsch nourrissaient le sombre dessein de s’attaquer aux institutions de la République et de précipiter (le) pays dans le chaos», a informé le 27 septembre un communiqué officiel sur ce sujet sensible.

Avec à la clé un ton presque comminatoire qui souligne la détermination des actuelles autorités du Faso à garder le cap qu’elles se sont fixées en septembre 2022: «L’exécutif burkinabè entend faire toute la lumière sur ce complot, et regrette que des officiers dont le serment est de défendre la patrie, se soient fourvoyés dans une entreprise d’une telle nature qui vise à entraver la marche du peuple burkinabè pour sa souveraineté et sa libération totale des hordes terroristes qui tentent de l’asservir».

Un si long chemin en vue vers le retour durable au climat d’avant 2015 au «pays des hommes intègres».

GGKE