Chantal Camara à la tête de la Cour constitutionnelle ivoirienne pour une ère d’Africaines à la direction de ces institutions-clés?

Afriquinfos Editeur
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Abidjan (© 2023 Afriquinfos)- Même réduit, le nombre d’Africaines positionnées à la tête des Cours constitutionnelles s’accroît légèrement. Après Marie Madeleine Mborantsuo (première Gabonaise à la tête de la Cour constitutionnelle de son pays) et  Danièle Darlan (à la tête de la Cour constitutionnelle centrafricaine), c’est au tour de l’Ivoirienne Chantal Nanaba Camara de devenir la première femme à diriger la Cour constitutionnelle de la Côte d’Ivoire. Une donne qui inaugure peut-être une ère d’Africaines à ce poste dans les Etats ouest-africains.

Chantal Nanaba Camara a officiellement prêté serment, lundi 17 juillet 2023, lors d’une audience solennelle, organisée au Palais présidentiel, en présence du Président de la République, Alassane Ouattara, de la Première Dame, Dominique Ouattara, du Vice-président, Tiémoko Koné et des membres du Gouvernement ivoirien.

Madame Camara s’est engagée à remplir ‘’pleinement’’ sa nouvelle fonction, ‘’fidèlement’’, en ‘’ toute indépendance’’,  en ‘’toute impartialité’’, dans ‘’le respect de la Constitution’’ et à ‘’garder le secret des délibérations et des votes’’, même après la cessation de ses fonctions. Et à ‘’ne prendre aucune position publique dans les domaines juridique, politique, économique et social, à ne donner aucune consultation à titre privé sur les questions relevant de la compétence du Conseil constitutionnel’’.

Selon le Président Ouattara, la prestation de serment de Mme Camara revêt un caractère historique, parce que consacrant l’avènement, pour la première fois, en Côte d’Ivoire, de la nomination  d’une femme à la présidence du Conseil constitutionnel. Il a expliqué que la nomination de cette dernière est la concrétisation des engagements qu’il a pris, à travers l’article 37 de la Constitution, pour la promotion de la femme aux responsabilités dans les institutions, administrations et entreprises publiques.

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’Madame la présidente du Conseil constitutionnel, je voudrais vous adresser mes chaleureuses félicitations pour votre nomination. Votre accession à cette haute fonction de l’Etat est plus que mérité (…). Elle est la preuve de la confiance que je place dans les femmes de Côte d’Ivoire’’, a défendu A. Ouattara. Soulignant qu’il n’a aucun doute quant à sa capacité à assumer ‘’avec intégrité, rigueur et dévouement’’ ses fonctions à la tête du Conseil constitutionnel. Chantal Nanaba Camara a été nommée par décret le 09 mai 2023 par le Président de la République pour un mandat de six ans. Elle remplace Mamadou Koné dont le mandat a expiré. Elle était auparavant présidente de la Cour de Cassation et présidente de la Chambre judiciaire de la Cour Suprême. Elle a été distinguée en juin 2013, dans l’ordre du mérite national de Côte d’Ivoire.

En Afrique occidentale et centrale, très peu d’Africaines sont membres des Cours ou Conseils constitutionnels. Des institutions à même de garantir la paix sociale dans les Etats, ou semer les bases de différends post-électoraux, selon l’objectivité ou la subjectivité des arrêts qu’ils rendent publics.

Mandat dans les Conseils constitutionnels africains: tâche bien rude et à risque

En novembre 2022, en République centrafricaine, Mme Danièle Darlan (cheffe de la Cour constitutionnelle) a été évincée de son poste pour avoir invalidé la mise en place du Comité chargé de la rédaction d’une nouvelle Constitution, stoppant ainsi les velléités d’un 3è mandat pour le chef de l’État Faustin Archange Touadera. Cette décision courageuse, démocratique et  historique n’a pas empêché le pouvoir de Bangui de poursuivre son projet de rédaction d’une nouvelle Constitution.

Au Gabon,  des critiques avaient aussi fusé contre Marie Madeleine Mborantsuo à la tête de la Cour constitutionnelle en 2018. La Société civile lui a reproché sa partialité, en raison de ses liens avec la famille Bongo. En 1991, feu Omar Bongo O.  l’avait nommée au sommet de l’instance constitutionnelle. Magistrate, elle est son ancienne maîtresse et la mère de deux de ses enfants. En 2016, Jean Ping  revendique sa victoire à la présidentielle. Sans trop y croire, il dépose un recours pour contester les résultats officiels. ‘’Je crains fort qu’un nouveau faux pas de la Cour constitutionnelle serait le facteur d’une instabilité profonde et durable du Gabon« , dixit Jean Ping, rival d’Ali Bongo dans la course à la présidence du Gabon. Mais Marie Madeleine Mborantsuo, sans surprise, a confirmé l’élection d’Ali Bongo.

Les Constitutions africaines, comme toutes les autres, sont divisées entre deux enjeux. Celui de l’évolutivité, pour rendre compte de la manière continue du changement, de l’adaptation constante aux réalités sociales et sociétales. Celui de la stabilité, incarné par une Constitution qui encadrera avec minutie les mécanismes de révision afin de protéger cette dernière des trop nombreux assauts constitutionnels.

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